Stadium

Plus forts que Neymar et M'Bappé...
De
Mohamed El Khatib & Fred Hocké
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun
75020
Paris
0144625252
ATTENTION: dernière, le 7 octobre, avant tournée, jusqu'en mai 2018

Thème

C’est un spectacle comme on n’en a jamais vu dans un théâtre fermé, un spectacle composé comme un match de foot, en deux « actes » de 45mn chacun, entrecoupés par un entracte qui a la durée d’une mi-temps, pendant laquelle, comme dans un vrai stade, les spectateurs peuvent  aller manger des frites et boire de la bière, après les avoir achetées dans une baraque située à gauche de la scène. 

Cette baraque mise à part, quand le spectacle commence, la scène est vide, juste occupée, dans son fond, par une petite « tribune » qui fait face au public. On s’en rendra vite compte, ce plateau presque nu symbolise un terrain de foot.  Pourtant les seules passes auxquelles on va assister se feront sans ballon. Car ce sont des fans de ce sport, et non des joueurs, qui vont envahir  la scène. Il ne sera  pas du tout question  ici de pratique, mais de passion. Celle que le foot suscite dans ses clubs de supporters, en l’occurrence, celui du RC Lens.

 Annoncées par une trompette, cinquante trois personnes, vêtues du même maillot rouge et or, s’avancent et s’installent dans les gradins. Tous supporters du club lensois, ces femmes, ces hommes et ces enfants, de tous horizons, vont se transformer en acteurs, le temps de la représentation..   Pendant une heure trente, en direct ou enregistrés, interrogés par un homme plein de tact et de tendresse et qui n’est autre que le metteur en scène,  Mohamed El Khatib  (le concepteur de ce spectacle inédit), ils vont nous raconter leur passion, où et de quoi elle est née, depuis quand elle dure, ce qu’elle leur apporte et ce dont elle les prive… Ils vont nous parler aussi, sans fard, de ce que cette passion peut induire, parfois, de violence, et de ce qu’elle génère, presque toujours, d’entre-aide et de générosité.

Pour les soutenir, les galvaniser, les aider à s’exprimer, il y aura, avec eux sur le plateau, des musiciens de leur fanfare et ces jeunes filles qui mettent de l’ambiance avant et après les matchs, et qu’on appelle les « pom pom girls ». La Mascotte du Club sera là aussi, pour deux ou trois sauts périlleux…

Invités surprises, viendront également  témoigner des arbitres, ces mal aimés du stade qui diront ce que leur métier a d’ingrat.  Souvent boucs émissaires des supporters déçus, ils  sont aux premières loges pour recevoir injures et projectiles de toutes sortes.

Les quatre-vingt dix minutes  imparties au spectacle vont passer à la vitesse de l’éclair. Quand l’arbitre sifflera la fin de la partie, entre éclats de rire, serrements de cœur et élans d’enthousiasme, les spectateurs auront assisté à une extraordinaire leçon de vie.

Points forts

- Faire se confronter, dans un même dispositif, deux familles (celle du théâtre et celle du foot) qui, la plupart du temps, s’ignorent… Ce qui étonne et ravit dans ce projet, c’est à la fois son culot et sa simplicité. « Bon sang, mais c’est bien sûr! », il suffisait d’y penser, et surtout de le réaliser. Fan de foot depuis son enfance et par ailleurs grand amateur de théâtre, Mohamed El Khatib a, si on ose dire, atteint son but.

- Mais pour que l’échange se fasse vraiment, il fallait  que les regards des deux familles, se croisent à la même hauteur, sans surplomb de l’un sur l’autre. Avec pour toutes armes, la tendresse, l’écoute, l’humour,  et une bonne connaissance du terrain, Mohamed El Khatib y est parvenu. L’osmose finit par être telle entre les supporters  et les spectateurs qu’il leur est impossible de se quitter, le matchterminé. Après chaque représentation, tout le monde se retrouve donc, dans le hall du théâtre pour une incroyable fiesta.

- Si ce spectacle-documentaire comme l’a lui même qualifié son concepteur trouve une telle adhésion auprès du public, c’est qu’il rend compte, avec une ferveur folle, de la diversité des fans de foot qui rassemblent, quoi qu’on le suppose souvent, autant de gens simples que d’intellectuels. La preuve, cette question posée par un jeune supporter :

« Est-ce qu’il y a une vraie liberté d’expression au théâtre ? ». Un prof de philo aurait-il trouvé mieux !

Quelques réserves

Les tenants de spectacles carrés, exécutés au cordeau, pourront regretter le côté un peu « happening » de certaines scènes. Les spectateurs les plus pointilleux pourront, pour leur part, reprocher au spectacle d’être parfois un peu démago. Mais ce sont des broutilles...

Encore un mot...

Ce qui est formidable dans ce Stadium brillamment  arbitré par Mohamed El Khatib, qui mêle témoignages directs et interviewes filmées,  c’est qu’il  s’adresse à tout le monde, sans aucune exception. Dingue de foot ou nul  et réfractaire en la matière, cœur simple ou intello-bobo, personne, personne ne reste sur la touche. 

Une phrase

« Mon père est supporter de foot, et j’ai moi-même joué au foot à un haut niveau. J’ai constaté que le supportérisme, loin de se définir comme un penchant grégaire unissant un ramassis de gens braillards, alcoolisés et racistes, forme au contraire un espace démocratique qui rassemble des gens très différents, permet un brassage des classes et des rencontres favorisant le lien social et intergénérationnel » (Mohamed El Khatib, La Terrasse, septembre 2017).

L'auteur

Né en 1980 à Beaugency, près d’Orléans de parents d’origine marocaine, Mohamed El Khatib, encouragé par son père, ouvrier analphabète, commence par exceller à l’école, mais  il se passionne parallèlement pour le foot. A l’âge de dix-sept ans, il doit choisir, soit signer un contrat pour entrer dans l’équipe de foot  junior  du Paris Saint-Germain, soit poursuivre ses études. Sans abandonner le foot qu’il  va continuer en « amateur » au club Orléanais pendant des années,  le jeune homme décide de continuer ses  études.

Il fait Khâgne, passe à Sciences Po, part au Centre d’art dramatique de  Mexico, revient en France (pour passer une thèse de sociologie sur «  la critique dans la presse française ») et, en 2008, cofonde à Orléans le collectif Zirlib,  autour de ce postulat : « l’esthétique n’est pas dépourvu de sens politique ».

Depuis 2010, Mohamed El Khatib est artiste associé au Théâtre de la Ville  et au Centre dramatique national de Tours. Il est également membre du comité de rédaction de Parages, la Revue du Théâtre National de Strasbourg.

Dramaturge, on lui doit notamment, en 2010 A l’Abri de rien, en 2012 Sheep, créé à Nantes  pour sept danseurs et un mouton, en 2014 Finir en beauté, un monologue sur la mort de sa mère, pour lequel il sera le lauréat du Grand Prix de littérature dramatique.

Son prochain texte, C’est la vie, sur la dévastation des parents après la mort d’un enfants, va être prochainement créé dans le cadre du Festival d’automne.

Mohamed El Khatib prépare pour Arte son premier film.

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