Suite française

Adaptation méritoire d’une œuvre, dont l’auteure puis l’exhumation littéraire firent grand bruit en leur temps.
De
Irène Némirovsky
Mise en scène
Valérie Lemoine et Stéphane Laporte
Avec
Florence Pernel (la bru), Béatrice Agenin (la belle-mère), Guilaine Londé (la vicomtesse), Samuel Glaumé (l’officier Bruno von Flack), Emmanuelle Bougerol (la servante), Cédric Révollon (le paysan).
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

La Bruyère
5 rue La Bruyère
75009
Paris
01 48 74 76 99
A partir du 10 septembre, du mardi au samedi 21 heures.

Thème

• Alors que la campagne de France vient de s’achever par une cinglante défaite face au Reich, les prisonniers de guerre se comptent par centaines de milliers et quelque part en province, une sorte de gynécocratie s’est installée : la femme du maire, une vicomtesse confite en dévotion, pratique la charité sans négliger ses intérêts bien compris ; dans une maison bourgeoise, une jeune femme, mal mariée et privée d’enfants, subit la raideur et la jalousie d’une belle-mère qui aime inconditionnellement son fils Gaston, fait prisonnier. Les deux femmes se déchirent sous les yeux de la servante.

• Tout ce petit monde vit dans l’attente des nouvelles et du retour du chef de famille absent, jusqu’à l’arrivée dans la maison réquisitionnée par les vainqueurs d’un officier allemand, lequel ne laisse pas insensible une femme délaissée et si peu considérée par sa belle-famille. Les positions des un-e-s et des autres vont-elles évoluer ?

Points forts

• La remarquable prestation de Béatrice Agenin dans le rôle d’une belle-mère toute en paradoxes, qui parvient à dépasser son intransigeance, sa sévérité et sa jalousie initiales. 

• Deux personnages, interprétés par Guilaine Londez (la vicomtesse) et Emmanuelle Bougerol (la servante), offrent, par leur potentiel comique, une respiration bienvenue dans un huis clos saturé de tensions (amour vs raison ; occupants vs occupés ; belle-mère vs bru ; femmes vs hommes, etc...).

• Les relations entre femmes sont rendues avec une grande finesse. On aperçoit, dans le personnage de la belle-mère, pourtant aux antipodes du caractère volage de la mère de Némirovsky, les comptes que l’auteure règle avec la figure de sa propre mère, oublieuse de sa fille.

Quelques réserves

• On peut trouver un peu trop retenue l’interprétation de la bru proposée par Florence Pernel, ce qui déséquilibre la pièce, alors que son personnage y est central.

• J’ajoute ce que l’une de mes excellentes collègues me faisait remarquer sur les costumes : les conditions de pénurie de l’Occupation ne semblent pas affecter les toilettes de ces dames, qui se présentent sur scène assez pimpantes avec des tenues parfaitement assorties, chaussures comprises, à un moment où on en rapiéçait avec des semelles de bois...

Encore un mot...

• Cette variante contemporaine du Silence de la Mer, écrite par une femme, montre bien comment, en dépit de la force des sentiments, les circonstances de la guerre rendent irréconciliables occupants et occupés. 

• La place des femmes, au moment où les hommes sont soit au front soit prisonniers, est au cœur de cette pièce, qui témoigne des déséquilibres engendrés tant par l’absence (Gaston) que par l’irruption (l’officier Bruno von Flack) des hommes et des recompositions qui s’ensuivent.

Une phrase

« Elle ne reviendra pas. » (la belle-mère à propos de sa bru)

« Je travaille sur de la lave brûlante » (Irène Némirovsky à propos de Suite Française)

L'auteur

• Irène Némirovsky, née à Kiev en 1903, fut éduquée dans le culte de la langue française et par une famille qui la révolution bolchevique victorieuse. Installée en France, elle devint une figure du tout-Paris littéraire dès la fin des années 1920, auteure de romans remarqués, tels que L’Ennemie, Le bal, David Golder. Mais la guerre éclate alors que ses démarches de naturalisation n’ont pas encore abouti.

• Contrainte à la clandestinité, puis arrêtée parce que juive sous l’Occupation, elle est mise à mort peu après sa déportation, qui eut lieu fin juillet 1942. Irène Némirovsky eut cependant eu le temps d’écrire entre 1940 et 1942 cette Suite française, partie d’une vaste fresque inachevée. Le texte a été préservé par ses filles, puis édité par Denoël il y a une quinzaine d’années ; son vif succès littéraire lui valut le prix Renaudot, décerné à titre posthume en 2004.

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