Une mouette

Une Mouette saisie par les affres de l’envol, au risque de faire fuir à tire d’aile…
D’après Anton Tchekhov (adaptation d’Elsa Granat et traduction par Françoise Morvan et André Markowicz)
Durée : 2h30
Mise en scène
: Elsa Granat
Avec
Julies Sivcard, Loïc Corbery, Bakary sangaré, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Julien Frison, Marina Hands, Birane Ba, Dominique Parent, Edouard Blaimont, Blanche Sottou, et les enfants ...
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Comédie Française - Salle Richelieu
Place Colette
75001
Paris
01.44.58.15.15
Du 11 avril au 15 juillet 2025 (consulter le site de la Comédie Française en raison de l’alternance)

Thème

  • C’est l'histoire de Nina, aimée par Konstantin qui lui a écrit une pièce. Persuadée de sa vocation d'actrice, elle s'enfuit avec Trigorine, un écrivain reconnu, amant de la mère de Konstantin. Mais Nina ne rencontrera pas la réussite, bientôt reniée par sa famille et délaissée par son amant. 

  • La pièce est aussi la double histoire de Konstantin, qui affronte sa mère en cherchant en vain à lui faire reconnaître sa valeur d’auteur, et qui, depuis la trahison de Nina, se noie dans l'espoir de retrouver un jour sa bien-aimée, tant il est persuadé que sa vie est maudite sans elle.

Points forts

  • Une très belle scénographie de Suzanne Barbaud. De temps à autres surnage la magnifique traduction et adaptation de Françoise Morvan et André Markowicz qui nous recentre sur la pièce et les enjeux des protagonistes, et l’on respire.

  • Des personnages merveilleusement et puissamment incarnés : il faut reconnaître que l’interprétation de Marina Hands est saisissante ; Julien Frison, magnifique Treplev, nous offre une des plus belles interprétations de ce personnage si complexe ; la générosité de Nicolas Lormeau est débordante et terrienne, et la douleur de Julie Sicard, merveilleuse et déchirante. 
    Bref, la troupe de la Comédie Française reste éblouissante dans son jeu d’excellence, toujours investie

Quelques réserves

  • … mais au service d’une volonté de mise en scène où le jeu, presque extravagant, s’épanche dans des éclats de douleur intime qui se noient dans une adaptation où les dialogues expressionnistes frisent parfois l’absurde. Du reste, l’on regrette le traitement et le sacrifice du personnage de Nina, juvénilement et fougueusement défendue par Adeline d’Hermy et de Trigorine – merveilleux de lâcheté et de fragilité incarné par Loïc Corbery - qui sont relégués au second plan au profit du traitement d’Arkadina débordant. 

  • La lourdeur de la mise en scène confuse et surchargée d’effets sonores, et une adaptation qui nous perd dans les méandres d’une réflexion de metteur en scène au dépens des caractères originaux de la pièce. Certes, traduire les grands textes et se les réapproprier pour toucher le public d’aujourd’hui est une tradition qui peut ouvrir des perspectives de lecture passionnantes : Julie Deliquet nous avait ainsi offert une très belle et sensible adaptation d’Oncle Vania, qui apportait un éclairage clair et limpide sur la pièce et ses personnages.

  • Mais l’adaptation qui nous est proposée ici assombrit, obscurcit l’œuvre dans un propos explicatif surchargé. La pièce s’ouvre par exemple sur un prologue étouffant qui se veut le “préquel“ de la vocation d’Arkadina et l’enfance de Treplev, nous entrainant dans les méandres – certes intéressants – du désir de créativité chez l’interprète, mais qui nous perd très vite. A-t-on besoin qu’on nous explique tout cela et ne pouvons-nous pas , nous simples spectateurs , comprendre et imaginer tout cela à travers un texte original qui sait si bien le dire entre les lignes ?

  • Des choix musicaux dont on cherche toujours la pertinence. On peut être réservé sur l’utilisation de la sonorisation au théâtre, qui souvent nous éloigne de l’art du comédien de théâtre dans sa magnifique force de projection des sentiments. 

Encore un mot...

  • Et si l’on faisait tout simplement confiance au texte et à l’auteur qui a su si bien décrire les tourments de l’âme de ces artistes en mal de construction, d’affirmation de soi, et pétris de doutes et d’exaltation ? 

  • Faute de quoi beaucoup de spectateurs “s’envolent“ avant la fin de cette Mouette et, n’était la beauté du dispositif scénique et l’amour qu’on porte aux comédiens du Français, la tentation de quitter le nid plane bien souvent au-dessus de la salle Richelieu.

Une phrase

  • Arkadina. « Mon chéri, je sais ce qui te retient ici. Mais domine-toi. Tu es un peu ivre, dégrise-toi !
    - Trigorine :  Toi aussi, dégrise-toi ! Sois intelligente, raisonnable, je t'en supplie, tâche de voir les choses comme une amie véritable... [Il lui prend la main et la serre]. Tu es capable de sacrifices... Sois un ami pour moi, rends-moi la liberté !
    - Arkadina : Tu es si épris ?
    - Trigorine :  Je me sens attiré vers elle. C'est peut-être exactement ce qui m'est nécessaire.
    - Arkadina : L'amour de la petite fille de province ? Oh, comme tu te connais mal !
    - Trigorine :  Parfois on dort en marchant, ainsi je te parle et il me semble que je dors, je la vois en rêve... Je suis envahi de rêves délicieux, merveilleux... Rends-moi la liberté...
    - Arkadina :  Non, non ! Je suis une femme comme les autres, il ne faut pas me parler comme ça... Ne me torture pas ! 

    […] 

  • Nina : « Laissez-moi vous regarder. (Elle regarde autour d'elle.) Il fait chaud, on est bien... Ici, avant, c'était un salon. J'ai beaucoup changé ?
    Treplev : Oui. Vous avez maigri, et vos yeux sont plus grands. Nina, c'est un peu étrange pour moi de vous voir. Pourquoi ne m'avez-vous pas laissé approcher de vous ? Pourquoi n'êtes-vous pas venue plus tôt ? Je sais que vous êtes ici depuis près d'une semaine... Plusieurs fois par jour je suis allé vous voir, je restais sous votre fenêtre, comme un mendiant.
    - Nina :  Je craignais que vous me haïssiez. Toutes les nuits je rêve que vous me regardez et que vous ne me reconnaissez pas. Si vous saviez ! Depuis mon arrivée, je viens ici sans cesse... autour du lac. Autour de votre maison je suis venue plusieurs fois et je n'ai pas osé entrer. »

L'auteur

  • Anton Tchekhov (1860-1904) est l’un des auteurs les plus représentatifs de la littérature russe du XIXème siècle. Dramaturge majeur d’un théâtre moderne, il exerce parallèlement une carrière de médecin et publie également des nouvelles et des récits. 

  • Tchekhov rencontre ses premiers succès avec ses petites pièces en un acte. La création de La mouette est un échec en 1896 à Saint-Pétersbourg, mais sera un triomphe à Moscou deux ans plus tard dans la mise en scène de Stanislavski, qui s’emparera de son œuvre pour la faire découvrir au monde entier.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Toujours à l'affiche

Théâtre
La Tendresse
De
Julie Berès (avec le concours de Lisa Guez, Kevin Keiss et Alice Zeniter)