Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon

Dubois vient d'obtenir le Goncourt 2019. Nous republions la chronique parue le 23 septembre
De
Jean-Paul Dubois
Edition de L’Olivier
256 pages
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Paul Hansen, fils d’une toulousaine et d’un pasteur danois, nous raconte son histoire singulière. Après une vie exemplaire, le voilà en prison à Montréal avec un Hells Angel, « un homme et demi » tatoué, qui a sans doute du sang sur les mains et qui veut couper en deux la moitié de l’humanité ! Contre toute attente, ce duo improbable fonctionne à merveille. Malgré la promiscuité éprouvante de leur cellule minuscule, ils vont se parler, se comprendre et même se confier l’un à l’autre : à l’existence ordinaire de l’un répond la vie cabossée de l’autre. Paul remonte le fil du temps depuis son enfance plutôt heureuse à Toulouse entre un père rigide, tout en restant bienveillant, et une mère distante,  passionnée de cinéma. Puis tout bascule quand ses parents divorcent à cause d’un mauvais film, Paul suit le pasteur au Canada et, après quelques péripéties, devient « superintendant » d’un immeuble à Montréal. Pendant vingt-six ans, il se dévoue corps et âme aux soixante-huit résidents de l’Excelsior. Comment alors se retrouve-t-il condamné à deux ans de prison ferme ? Le lecteur l’apprendra à la fin du livre.

Points forts

• Paul, le narrateur, au prénom-fétiche pour ceux qui connaissent l’œuvre de Jean-Paul Dubois : altruiste et serviable sans jamais perdre sa dignité, ni sa liberté, il aime les gens à qui il se rend indispensable en trouvant une solution à n’importe quel problème. Sa vie modeste de factotum lui suffit, mais il ne supportera pas d’être humilié injustement.

• Son codétenu, une brute épaisse : il terrorise tout le monde, alors qu’il est paniqué par les souris et qu’il peut se montrer sentimental.

• Les trois êtres préférés de Paul : - son père, le pasteur, austère par sa fonction, reste un modèle de tolérance. En proie aux doutes, il finit par perdre la foi et s’étourdit en jouant aux courses ou à la roulette, tout en dilapidant l’argent de son église méthodiste. - Winona, une femme exceptionnelle, à moitié algonquine et à moitié irlandaise, loyale, joueuse, lumineuse, elle offrira à Paul onze ans de bonheur. - sa chienne Mouk qui comprend tout.

• des thèmes chers à l’auteur comme la solitude, l’importance du père, l’amitié salvatrice, la fraternité, les mystères de l’amour, la dégradation d’une époque, symbolisée ici par un odieux personnage, apôtre de la nouveauté à tout prix, un tueur, en fait …

• le goût des détails techniques indiqués avec exactitude comme la NSU Ro 80 au moteur rotatif, l’orgue Hammond ou le Beaver, hydravion piloté par sa femme.

• un ton décalé inimitable grâce à un mélange d’humour acide et de tendresse, qui permet à l’auteur d’évoquer des moments tragiques sans jamais tomber dans la tristesse ou la noirceur.

Quelques réserves

• Je n’en vois pas.

Encore un mot...

Tout sonne juste dans ce roman captivant, drôle et profond, écrit d’une plume élégante et alerte.  Le lecteur retrouve avec délectation l’univers si particulier de Jean-Paul Dubois : de Toulouse au Canada en passant par le nord du Danemark, il plonge ses personnages aux comportements imprévisibles dans des situations cocasses, en portant sur eux un regard ironique et indulgent ; il sait aussi susciter avec une humanité touchante l’émotion ou la mélancolie à travers les drames de la vie. Voilà sans doute le livre le plus abouti de cet auteur si modeste et si discret, qui mérite vraiment un prix et pourquoi pas le Goncourt ?

Une phrase

Winona, « cette personne auprès de laquelle j’ai toujours essayé de me tenir droit … Elle possédait le don de révéler la meilleure part de chacun. » p.225

L'auteur

Né à Toulouse, en 1950, Jean-Paul Dubois publie depuis trente ans des romans à succès, comme Kennedy et moi, prix France Télévisions 1996,  Une vie française, prix Femina 2004, Le Cas Sneijder (2011)  et La Succession (2016).

Commentaires

Jacqueline Jou…
dim 17/11/2019 - 21:18

Je debute ce livre et je le trouve laborieux .Le Goncourt aurait du aller à La Mécanique de la chute

Laborieux???
Ce livre est au contraire plein de vivacité, bourré d'humour et rempli d'humanité.
C'est un chef d'oeuvre qui mérite amplement le GONCOURT.

garcia
mar 14/01/2020 - 12:16

Plein de livres méritent chaque année le goncourt, c’est fou de s’opposer les uns aux autres en se disant que cela aurait du être tel ou tel livre. Les choses humaines l’aurait mérité aussi, ainsi que plein d’autres livres que je n’ai pas lu. Quoiqu’il en soit j’ai trouvé le livre de Jean-Paul Dubois magnifique, à la fois sobre, éléguant et détaillé, où chacun des personnages prend rapidement vie, sans en caricaturer aucun. Le mélange entre une touche d’ironie et une grande tendresse pour chacun d’entre eux fonctionne à merveille. J’y vois aussi un sens politique profond avec l’arrivée du “cost killer “ à la fin du roman et ses façons de faire qui nous rappellerons à tous au moins une personne sur notre lieu de travail, voire en poussant un peu (mais pas trop loin quand même) notre président actuel. Mais peut-être est-ce ma sensibilité politique qui me fait dire ça...
Excellent livre lu avec beaucoup de plaisir en tout cas.

Perroquin-Lesbats
mar 14/01/2020 - 20:00

J'apprécie beaucoup l'écriture et le style narratif de Jean-Paul Dubois, cela dit, j'ai, pour la première fois, sauté des paragraphes entiers,consacrés à l'orgue, aux motos, aux matches de hockey et autres sujets sur lesquels visiblement, JP est très documenté. Ca devient trop savant, trop descriptif, bourré de détails techniques ou historiques qui freinent le récit et l'enlisent un peu. En fait, JP ratisse trop large, entre la France, le canada, le Danemark, les indiens, les irlandais, les croyants et les non-croyants, le protestantisme et le catholicisme... Ca fait beaucoup d'informations qui nous éloignent du coeur de l'histoire. Bon, de toutes façons, il y a eu des prix Goncourt bien pires, mais alors bien pires !...

Ode LOSC
ven 24/01/2020 - 14:59

Nettement plus intéressant que "Une vie française". J'aime la concomitance entre le récit de la vie actuelle en prison et le retour sur le passé distillé par touches. Cela nous tient en haleine car l'on veut savoir pourquoi le personnage du roman est en prison. Je n'ai pas terminé le livre mais je sais que je ne vais le lâcher. Le style est bon sans être pédant. Un prix Goncourt à la portée de toute personne aimant la lecture.

Finissez le livre avant d'écrire un commentaire : c'est tout de même la moindre des choses !

Jean-Jacques
mer 25/03/2020 - 05:08

Beau, ėmouvant, un grand auteur qui c'est déjà illustré dans différents registres, parabole sur le temps qui passe, la perte des êtres humains si chères à nos coeurs qui l'accompagnent dans l'épreuve que représente la prison.
J'ai pour ma part profondément apprécié ce livre nostalgique mais jamais larmoyant, je vous le recommande.

Pau_Line
jeu 09/04/2020 - 22:24

Une belle histoire. Chaque personne que l’on rencontre sur terre a son histoire et ses raisons. Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.

Alain 46
sam 14/11/2020 - 19:48

Je préférais le JPD d’avant « vous plaisantez monsieur Tanner » qui pour moi constitue une sorte de début de declin..
Le texte qui a eu le Goncourt m’est tombé des mains et je me suis ennuyé. Je préférais de loin l’humour et la vivacité d’Une Vie Française..

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