Histoire de Jérusalem
Octobre 2022
254 p.
27 €
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Thème
Il y a 4000 ans, Jérusalem était une bourgade isolée entre Méditerranée et désert. Aujourd'hui, c'est une agglomération de presque 900 000 d'habitants, capitale spirituelle de plus de la moitié de l'humanité, berceau du judaïsme, du christianisme et de l'islam.
C'est sur le terreau fertile et sanglant de la Jérusalem antique que sont nées les trois grandes religions monothéistes et que se sont forgées au cours des siècles, et plus particulièrement au 20ème, des violences et des rancœurs indélébiles entre arabes et juifs de Palestine puis d'Israël.
Cette très grande bande dessinée raconte les principales étapes de la construction de la ville, marqueurs de son identité si singulière ; étapes spirituelles, politiques et architecturales, un chemin pour aider à mieux comprendre la complexité des cette "impossible capitale". Ces 4000 ans d'histoire sont décomposés en 10 grands chapitres, conclus par d'utiles repaires chronologiques et sources bibliographiques.
Jérusalem, ville d'intersession entre le Ciel et la Terre, terre de pèlerinages, terre d'affrontements, incertaine terre d'espérances, Jérusalem, terre où tout a commencé…
Points forts
D'abord il y a la surprise : 4 000 ans d'histoire expliqués en 253 pages, avec la complicité d'un olivier multimillénaire. La médiation est amusante et permet de maintenir un brin d'humour dans une histoire spirituellement magnifique mais humainement violente.
Ensuite, il y a le découpage chronologique. Une fois n'est pas coutume - et pour ceux qui ne liront pas la BD au delà de cette chronique - ses 10 chapitres méritent d'être énumérés :
1. Au commencement était le temple (-2000 à 586 av JC)
2. A l'ombre des empires (-586 à 312)
3. Genèse de la Jérusalem chrétienne (312-614)
4. Al-Qods, ville sainte de l'Islam (614 - 1095)
5. Le siècle des croisades (1095-1187)
6. L'héritage de Saladin, l'empreinte des Mamelouks (1187-1516)
7. La paix des ottomans (1516-1799)
8. La Ville Sainte réinventée (1799-1897)
9. Le rêve de Sion (1987-1947)
10. L'impossible capitale (1947 à aujourd'hui)
A la lecture de ces lignes, il est évident que l'on apprend beaucoup de choses sur l'histoire de la Ville Sainte, de celles et ceux qui l'ont habitée, construite, fuie, défendue, reconstruite, en particulier les lieux saints et ses balises : le Saint Sépulcre, le Dôme du Rocher, la Mosquée Al-Aqsa, le Mur des lamentations…
On y découvre évidement la naissance du christianisme et sa difficile cohabitation avec les juifs ; l'emprise musulmane et la célébration de la montée de Mahomet au paradis ; la tolérance ultérieure des princes et gouverneurs musulmans qui contribuera à une cohabitation entre les religions et les peuples ; l'influence de l'église orthodoxe ; l'intérêt renaissant de l'Occident pour Jérusalem au début du 19eme siècle ; les avis contrastés de grands voyageurs (Flaubert, Chateaubriand, Melville, Marc Twain, Pierre Loti…) ; la montée du sionisme (1897, Théodor Herzl) ; le rôle des maires de la Ville, médiateurs apaisants mais martyrs des luttes d'influence à la fin du 19eme siècle et au cours du 20ème ; le terrorisme sioniste de l'après seconde guerre mondiale ; l'impuissance des Nations Unies face à la partition de Jérusalem…
Le média bande dessinée rend efficacement compte de la vie quotidienne des communautés, de leurs particularités, et singulièrement de celle des palestiniens qui furent à la fois habitants et témoins de tous les événements politiques et religieux qui ont fait le destin de la ville.
Quelques réserves
Histoire sanglante, dessins très (trop...) caricaturaux, religieux aux dents pointues, quelques scènes de débauches inutiles, images qui collent au récit… Ce qui est dessiné fut sans doute vrai, dont acte. Histoire grimaçante aussi. Et il vous sera difficile de trouver 10 sourires de joie pour 100 grimaces de haine. C'est l'histoire dit la BD, ce fut sans doute vrai aussi.
A noter également que l'effervescence religieuse est décrite sans complaisance, en particulier les luttes de pouvoir et les possibles travestissements des faits historiques afin de les faire coller aux dogmes religieux… ou aux architectures existantes.
Le parti pris du dessin de cette BD, lourde et grande, est de traiter un sujet si vaste en dessins simples, peu détaillés et très stéréotypés. On y adhère, ou pas… Autant cela convient à une histoire du vin, autant je le trouve inapproprié à un sujet si particulier.
Encore un mot...
Dans la noire actualité du début de l'année 2024, il fallait rendre compte de cette bande dessinée éditée fin 2022 dans l'espoir qu'elle contribue à éclairer le présent.
Pour une version de l'histoire de Jérusalem en bandes dessinées, il ne fallait pas sous-estimer que la tâche serait complexe, le travail considérable, la synthèse littéraire et graphique ardue. Pour cela, le travail du scénariste Vincent Lemire et du dessinateur Christophe Gaultier doit être salué.
Mais le pari ne me semble pas gagné dans cette combinaison de lecture soutenue et de dessins empreints du style de la caricature de presse. Soyons justes cependant : la composition de nombreux chapitres à partir de témoignages d'acteurs ou de témoins de l'histoire de la Ville Sainte, donne une grande crédibilité au récit, et quelques belles pages, sur le fond plus que sur la forme.
On se souviendra que du 14ème à la fin du 19eme siècle, le gouvernorat musulman et ottoman y fut apparemment plus tolérant de la diversité religieuse que celui des occidentaux, des croisades au protectorat britannique puis de l'Etat d'Israël, au cours des 20 et 21èmes siècles.
Une fois encore, il faut saluer l'audace des Editions des Arènes pour avoir soutenu et réalisé ce projet. Il demeure un média utile à notre culture générale, un pont vers des sources plus académiques (largement proposées en fin de l'ouvrage). Histoire de Jérusalem reste réservé à un public curieux de l'histoire de la Ville Sainte et – conscient de la difficulté de la tache –, assez indulgent quant à son traitement en bande dessinée.
Une illustration
Une phrase
Vincent Lemire est historien et enseignant à l'Université Paris-Est. Il vit actuellement à Jérusalem où il dirige le Centre de recherche français à Jérusalem, organisme sous tutelle du Ministères de l'Europe et des Affaires Etrangères, du Centre National de Recherche Scientifique et de l'Université Aix-Marseille. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la Ville Sainte, traduits dans plusieurs pays et pour lesquels il a reçu de nombreux prix.
Christophe Gaultier a d'abord travaillé dans le domaine de l'animation pendant 10 ans, où il a notamment collaboré à l'excellent long métrage de Sylvain Chomet, Les Triplettes de Belleville, sorti en 2003.
Auteur et dessinateur, il publie sa première bande dessinée en 2000. À ce jour, il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, souvent dédiés à des personnages ou des événements historiques, qu'il traite dans un dessin plus académique que dans Histoire de Jérusalem.
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