La couleur des choses

Fauve d’Or « Angoulême 2023 »
De
Scénario et Dessin : Martin Panchaud
Ed. Çà et Là
225 p.
24 €
Notre recommandation
5/5

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Thème

Voici donc l’album qui a reçu le Fauve d’Or lors du dernier festival d’Angoulême. Le Fauve d’Or récompense le meilleur album BD de l’année écoulée et c’est l’un des prix les plus prestigieux du festival.

La couleur des choses raconte l’histoire de Simon, un jeune ado anglais plutôt grassouillet. Simon passe son temps entre des parents sans cesse en dispute, des jeunes du quartier qui l’utilisent pour leurs plans foireux et Lorna, une jeune fille dont il est amoureux. Mais la vie de Simon va basculer lorsqu’il gagne un très gros paquet d’argent aux courses. Cela pourrait être un conte de fée, mais cela va être un très long cauchemar. Sa mère a été assassinée, son père, principal suspect, est en fuite et Simon ne peut encaisser l’argent du pari car il est mineur. Aidé par Alan, un étrange individu à mi-chemin entre l’aventurier et le détective privé, il va se mettre en quête de son père.

Points forts

Le parti pris graphique de l’auteur est tout bonnement incroyable. Imaginez une BD dans laquelle vous ne verrez aucun visage de personnage. En effet, tous les protagonistes sont représentés par des petits cercles de couleur et se déplacent dans des décors stylisés en vue aérienne. Rarement l’image associée à cette chronique n’aura été aussi importante pour illustrer ce que j’essaye de décrire. 

Ce procédé narratif étrange est très déroutant au début, mais, peu à peu, à mesure que le cerveau s’habitue, il devient envoutant. Comme par magie, le lecteur se met à imaginer ce qui n’est pas représenté, et se prend au jeu de l’histoire.

D’autant plus que le travail de mise en page réalisé par Martin Panchaud est fantastique. En effet, ce pari graphique complètement fou ne pouvait avoir une chance de marcher que si l’auteur réussissait à exprimer un récit clair et facile à suivre. Et c’est ce défi de clarté narrative qui est relevé avec succès par Panchaud. 

La recette de ce succès tient dans quelques ingrédients savamment mélangés : des codes couleurs très lisibles pour les représentations des personnages, des décors soignés et très beaux graphiquement, mais aussi, et presque surtout, l’ajout à cette construction graphique soignée une dose non négligeable de folie créatrice (l’histoire géniale de la baleine, par exemple).

Quelques réserves

Le gros problème de cette BD est de ne pas la refermer après n’avoir lu que les quatre ou cinq premières pages. En effet, la première impression est assez aride. On a presque le sentiment que l’auteur se moque un peu de nous. Très sincèrement, il n’y aurait pas eu cette chronique à écrire, la tentation de l’abandon m’aurait traversé l’esprit. Et cela aurait été dommage, car une fois accepté le parti-pris graphique de l’auteur, on peut savourer la suite avec un immense plaisir.

Encore un mot...

UNE INNOVATION QUI DEVRAIT FAIRE DATE

Martin Panchaud a-t-il lu Chris Ware ? Difficile de ne pas faire le rapprochement entre les deux auteurs. Chris Ware est un auteur de BD américain qui a cassé tous les codes de la BD moderne en imposant des règles narratives assez étonnantes. Pour vous en convaincre, je vous encourage à lire les aventures de Jimmy Corrigan. Vous devriez alors vous dire : mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Et bien, c’est un peu la même chose que l’on ressent en ouvrant « la couleur des choses », … mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Et, pour Chris Ware, comme pour Martin Panchaud, on est en présence d’artistes qui considèrent la BD comme autre chose que simplement une histoire à raconter. Ils y mettent une dose de talent considérable pour faire de ces BD de véritables œuvres d’art.

Une illustration

L'auteur

(source Wikipédia)

Martin Panchaud (né en 1982 à Genève) est un dessinateur suisse de bandes dessinées qui vit à Zurich. Son premier livre, La Couleur des choses, reçoit de nombreux prix, dont le Grand Prix de la Critique ACBD et le Fauve d'or 2023. En tant que graphiste, auteur et illustrateur, il a publié plusieurs bandes dessinées, formats narratifs et infographies. Son style se caractérise par une représentation infographique. La dyslexie de Panchaud a été un obstacle qui l'a surtout marqué durant sa scolarité. Cela l'a amené à placer la lecture, ainsi que l'interprétation des formes et de leur signification, au centre de ses préoccupations, ce qui a donné naissance à son style caractéristique et à sa créativité en matière de narration d'histoires. En 2016, il publie SWANH.NET, une adaptation illustrée de 123 mètres de l'épisode IV de Star Wars, pour laquelle il a été reconnu dans diverses institutions culturelles en Europe (Barbican Centre à Londres, Onassis Cultural Center à Athènes).

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Fred Campoy, scénario et dessin et Mathieu Blanchot, dessin et mise en couleur, d'après la biographie de Marie Madeleine Peyronnet