Vendetta
126 p.
21,90 €
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Thème
Au cœur de la Louisiane, l’inspecteur John Verlaine entame une enquête dont il pressent qu’elle risque de le dépasser rapidement. La fille du gouverneur de l’Etat a été enlevée, son chauffeur assassiné. Plus le temps passe, plus les chances de la retrouver vivante diminuent.
A New-York, Ray Hartmann, sobre depuis huit mois, essaie d’empêcher l’explosion de sa famille et de sauver sa carrière. Un coup de fil anonyme le contraint à se rendre dans les bureaux du FBI de la Nouvelle-Orléans.
Un vieux monsieur très élégant se rend dans ces mêmes locaux. Il dit se nommer Ernesto Perez et avoir des informations sur la jeune femme disparue.
Points forts
Le scenario de Fabrice Colin est machiavélique. Il attrape le lecteur dès les premières bulles et ne relâche son emprise qu’une fois la dernière page tournée. Structurer son déroulé autour la « confession » d’Ernesto Perez à Ray Hartmann est un choix gagnant. Greffer en arrière-plan de l’intrigue principale la question lancinante du lien mystérieux qui unit les deux protagonistes également. Sa chute donne le plaisir jubilatoire de la fin que l’on n’a pas vu venir et qui éclaire à rebours toute l’histoire. En termes d’intensité, on n’est pas loin de la magistrale conclusion du Usual Suspects de Brian Singer (1995).
Le dessin de Bartolomé Segui irradie d’une intensité et d’une âpreté folles. Les lumières et les éclairages, minimalistes, nous plongent instantanément dans un univers d’une noirceur absolue. Celle qui baigne la vie d’Ernesto Perez. Depuis le berceau, il n’aura connu que la violence, la misère, la brutalité et le désespoir face auxquels le rempart dressé par l’amour d’une mère est bien fragile. Grandir dans un tel environnement vous conduit-il à devenir un tueur à sang froid ? Certaines personnes y sont-elles prédisposées ? Envisager la violence la plus crue comme un « travail » à accomplir permet-il de justifier l’injustifiable ? Les tueurs peuvent-ils aussi avoir un cœur et fonder, de bonne foi, une famille ? En posant ces questions, Vendetta joue dans la même cour d’excellence que Le Tueur de Matz et Luc Jacamon.
Quelques réserves
Doit-on en vouloir aux auteurs de nous faire nous attacher à un « héros » aussi infréquentable qu’indéfendable ? Sans doute est-ce dû au fait qu’ils nous emmènent, pendant près de soixante ans, sur les traces de la mafia, au cœur de la face cachée du rêve américain : le Cuba et le Las Vegas des casinos et hôtels de luxe, le New-York des cinq familles, une Louisiane moite et menaçante digne du cultissime True Detective, un Chicago pas moins meurtrier que celui d’Al Capone.
Les références à des d’œuvres littéraires et cinématographiques sont si nombreuses qu’on ne peut toutes les citer. Néanmoins, pour construire un tel concentré de violence, de cupidité et de cynisme, il est probable que les auteurs ont croisé la route d’un certain James Ellroy.
Encore un mot...
J’avoue n’avoir jamais lu R.J. Ellory. Si cette adaptation d’un de ses romans est révélatrice de l’ensemble de son œuvre, il faut avoir le cœur bien accroché. La façon dont Ernesto Perez met fin à sa relation avec Ruben Cienfuegos, son premier ami et complice, en est révélatrice. De même que celle dont il gère ses relations avec son père.
On goûtera avec gourmandise le clin d’œil des auteurs à l’histoire cubaine via le nom de famille de Ruben. En effet, Camillo Cienfuegos fut, avec les frères Castro et Che Guevara, un des leaders de la révolution cubaine. C’est lui qui entra victorieusement à La Havane. Sa mort reste aujourd’hui encore un mystère. Certains disent qu’elle ne déplut pas à Castro qui craignait que sa popularité croissante ne lui fasse de l’ombre.
Une illustration
Une phrase
Né en 1972, Fabrice Colin sera profondément marqué par des auteurs tels Don de Lillo, Joyce Carroll Oates, Joyce, John Fante et Bret Easton Ellis. En 1995, il se lance dans l’écriture de nouvelles et de romans suite à une rencontre avec Stéphane Marsan, fondateur des éditions Mnémos. Ses ouvrages remporteront de nombreux prix, à commencer par le prix Ozone 1999 du meilleur roman francophone, pour Arcadia, éd. Mnémos, 1998. Citons également, Les Enfants de la Lune et Projet oXatan , éd. Mango Jeunesse, 2001. 2006 voit son arrivée dans la BD avec le scénario de Tir Nan Og, avec Elvire De Cock au dessin, éd. Les Humanoïdes Associés. Plusieurs albums suivront dont le très remarqué Seul le silence, en collaboration avec Richard Guérineau, éd. Philéas, 2021.
Espagnol, Bartolomé Segui commence sa carrière au milieu des années 1980. A salto de mata, éd. Complot, 1989, son premier album, est une compilation des aventures de son personnage emblématique, Simón Feijoo. Sa production est riche d’ouvrages en espagnol et en français. Parmi ceux-ci, citons Les serpents aveugles, avec Felipe H. Cava, éd. Dargaud, 2008 ; Les mains obscures de l’oubli, avec le même complice et le même éditeur, 2014 ; et la très réussie série de Pepe Carvalho, en collaboration avec Hernàn Migoya, éd. Dargaud, 2018-2023.
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