Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur !
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Thème
Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur est un roman majeur de la littérature américaine publié en 1960 par l'autrice Harper Lee. "Petite" fille de 9 ans, Jean-Louise Finch, surnommée Scout, fille d'Atticus, avocat veuf résidant dans une petite ville de l'Alabama, raconte sa vie : ses relations avec son frère, ses amis, ses voisins ; son école ; ses amitiés et inimitiés ; la confrontation au monde des adultes, à ses ségrégations sociales et raciales.
Au cœur de son récit se trouve la découverte de la cause défendue par son père : celle d'un jeune noir accusé de viol. Sa couleur de peau le désigne comme coupable, quand, de l'avis de son père, au vu des évidences que le racisme de la population balaie, il ne l'est pas.
Ce roman graphique, très riche en images prises à hauteur d'enfants, de dialogues fidèles au texte original et très bien cadencés dans les pages, raconte cette histoire emblématique de la difficile lutte pour les droits civiques des afro-américains dans l'Amérique des années 1930 et la découverte du monde des adultes par une jeune fille curieuse et vive.
Points forts
Une tranche de vie à hauteur d'enfant ! Cela frappe dès les premières images et les premiers mots de ce texte, confession de "Scout" réalisée bien des années plus tard, qui s'y marie si bien. Les dialogues la mettent en scène avec son frère, mariant les commentaires faits en se remémorant leur histoire et le présent du récit.
Le sujet majeur est le procès de Tom Robinson qu'Atticus accepte de défendre malgré l'hostilité des habitants. Les enfants décident de le vivre au tribunal, aux côtés de leur père, parmi la foule des adultes venue assister aux audiences. Ces passages, qui représentent environ un cinquième du récit, sont criants de vérité, images et dialogues composant une atmosphère lourde, exposée autant du point de vue d'un spectateur adulte que de celui des enfants.
Il y a dans cette aventure beaucoup de sujets périphériques : l'école, les préjugés sociaux, les jalousies et les doutes de l'enfance, et, en lien avec le cœur de l'histoire, les marginaux – bourreaux ou victimes –, leurs emprises ou leur rejet. Ils sont incarnés par un personnage énigmatique qui fait l'ouverture et la conclusion de ce roman.
Les dessins, réalistes et simples, méritent une mention. Pour leur qualité autant que pour leur mise en couleur, leur cadencement lent ou serré selon les temps du récit, leur traitement des ombres et de la lumière, qui leur donnent une belle puissance évocatrice, notamment de cette ville restituée dans son identité des années 1930. Les nuances des sentiments des enfants, exprimées sur leurs visages ou dans leurs attitudes, sont particulièrement bien rendues.
Quelques réserves
L'abondance du texte pourra gêner un amateur de BD plus sensible aux ambiances qu'aux messages. Mais il faut le souligner, Fred Fordham a souhaité rester très fidèle au texte, "dans la mesure du possible, tiré du roman".
On pourra regretter que le format 16/23 ne donne pas toujours aux dessins la place qu'ils méritent
Encore un mot...
Ce roman graphique est atypique par son sujet, la place du texte, et son traitement graphique. Il laisse une large place au regard et à l'expression de la sensibilité d'un enfant sur ce sujet si naturellement perturbant de la justice et du respect d'autrui.
J'ai cherché la correspondance ornithologique française de "l'oiseau moqueur". Quel intérêt pour la chronique me direz-vous ? Cet oiseau, le moqueur polyglotte, qui ne vit que sur le continent américain, est le symbole de plusieurs Etats américains. Il est perçu comme un être innocent et sans danger, que seul des chasseurs ou des enfants pouvaient massacrer de façon absurde, selon les mots d'Harper Lee. Métaphore de l'innocence de Tom Robinson, ce jeune noir accusé et victime du racisme de ses concitoyens, désigné comme tel à la fin du roman, dans l'amertume d'une condamnation sans appel.
Ce roman graphique est un pont vers l'œuvre originale, roman initiatique sur la confrontation d'une enfant aux préjugés sociaux et raciaux de son époque. Avec sa sensibilité "à hauteur de môme", un texte remarquablement adapté, ce roman graphique très immersif est particulièrement à recommander à des adolescents et des jeunes adultes pour la force de ses messages.
Une illustration
L'auteur
Harpper Lee est une romancière américaine. Elle a reçu en 1960 le prix Pulitzer pour Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. C'est le seul roman publié de son vivant. Un manuscrit antérieur, Va et poste une sentinelle, a été publié en 2015, un an avant sa mort. Il raconte le retour de Scout à Maycomb, adulte, dans les années 1950. Il s'agirait en fait de la première version de Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur, qu'Harper Lee aurait réécrit sur les conseils de son éditeur pour proposer le point de vue de Scout enfant plutôt qu'adulte.
Fred Fordham est un illustrateur britannique, formé à la politique et à la philosophie. D'abord portraitiste, il adhère au style de la BD franco-belge et se spécialise dans l'adaptation de romans en bandes dessinées, dont Le meilleur des mondes d'A. Huxley, éd. Philéas, 2022, ou Gatsby le Magnifique, de F. Scott Fitzgerald, illustré par Aya Morton, Philéas, 2023
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