Tête de Chien

Si tu perds tout, songe à préserver ton renom
De
Vincent Brugeas, Ronan Toulhoat, Yoann Guillo
Ed. Dargaud
136 p.
20,50 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Le blason de Josselin est fait d’un chevron d’argent sur fond bleu, celui de Jehan d’une tête de chien noire sur fond jaune. Tous deux sont chevaliers, ont toujours voulu l’être. Josselin veut prouver sa valeur dans la lice. Il se rêve héroïque et désintéressé. Jehan doit prouver qu’il a sa place dans cette chevalerie dont sa naissance aurait dû lui fermer les portes. Il se veut plus pragmatique et réaliste quant à la réalité de cet univers.

Ce titre de chevalier tant convoité est à la fois leur marqueur social et leur unique viatique pour subvenir à leurs besoins. Ainsi vont-ils, de Champagne en Normandie, de tournoi en tournoi, espérant faire fortune grâce aux rançons versées par les adversaires vaincus. Bien que souvent victorieux, ils dorment plus souvent qu’à leur tour sur la paille des écuries.

Leur route croise un jour celle du Chevalier noirci. Ce redoutable combattant ne connaît pas la défaite et préserve son anonymat sous un heaume qu’il ne quitte jamais. Ils n’ont bientôt plus qu’une idée en tête : le battre.

Points forts

En situant leur intrigue dans l’univers des tournois médiévaux, les auteurs nous permettent de découvrir les codes et l’envers du décor de ce temps emblématique de la société médiévale. François Craenhals nous en avait donné un premier aperçu dans le tome 14 de la Saga de Chevalier Ardent, Le champion du Roi, éd. Casterman, 1983. Tête de Chien rentre plus avant dans le fonctionnement de cet univers sans en omettre certains aspects insoupçonnés. Ainsi, est-il piquant de voir les écuyers de nobles chevaliers tout empanachés de leurs supposée vertu et supériorité de classe aller quémander auprès de malandrins les finances devant permettre à leurs maîtres de faire honneur à leur rang et de briller en société…

Le duo formé par Josselin et Jehan fonctionne à plein selon la logique ô combien classique et efficace des contraires que tout devrait opposer mais qui finalement s’attirent. Néanmoins, c’est le trio qu’ils forment avec Paulin, écuyer d’abord entré au service de Jehan avant de mettre sa jeunesse, sa malice et sa débrouillardise à celui des deux amis qui donne à l’album une dynamique remplie d’humour et de second degré.  

Enfin, comment ne pas saluer le graphisme des scènes de tournoi, notamment celles des duels opposant Josselin au Chevalier noirci, puis Jehan au même adversaire ? Magnifiquement mises en valeur par un sens du cadrage très cinématographique, elles débordent de l’énergie, de la force et des sentiments qui animent les combattants.

Quelques réserves

Tête de chien est plein de combats, de duels, de banquets, de petits arrangements avec la morale, d’humour et d’esprit. C’est un album vivant, bâti sur l’énergie et le plaisir. D’aucuns pourraient considérer qu’il reste à la surface des choses, que les personnages manquent d’épaisseur… ce qui est en soi discutable. Et ce serait oublier le formidable moment de plaisir qu’il offre au lecteur ! Et pour cela, grâce doit être rendue aux auteurs.

Encore un mot...

Après avoir dynamité les codes de la bande dessinée de pirates avec leur « palpitant, pédagogique mais aussi politique » La République du Crâne, dont vous trouverez l’excellente chronique de Dominique Clausse sur notre site ; Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat, aidés de Yoann Guillo, reprennent avec le talent qu’on leur connait leur déambulation médiévale entamée avec deux séries : la crépusculaire Le Roy des Ribauds, éd. Akiléos, 2015-2022 ; et la très puissante Ira Dei, éd. Dargaud, 2018-2021.

Merci à eux de nous permettre de nous replonger dans cette période de l’histoire qui connaît par ailleurs un joli dynamisme éditorial comme en témoignent le désenchanté Asile ! de André Houot, Jocelyne Charrance, éd. Glénat, récemment chroniqué sur Culture-Tops ; les Hérauts, de Corbeyran et Bégue, éd. Delcourt, jolie série policière médiévale dont les deux héros parviennent à résoudre les plus noires intrigues grâce à leur maîtrise de la science héraldique ; ou Le Bossu de Montfaucon, de Philippe Pelaez, Eric Stalner et Florence Fantini, éd. Grand Angle, où l’on découvre un Quasimodo inédit plongé au cœur d’une intrigue dont l’objet n’est autre que la conquête du royaume de France.

Une illustration

L'auteur

Pour aller à la rencontre de Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat, je vous invite à vous référer à la chronique de Dominique Claurse citée ci-dessus. Au sujet de Vincent Brugeas, ajoutons une référence à de jolis projets auxquels il a récemment contribué : The Regiment, Histoire vraie du SAS, en collaboration avec Thomas Legrain, éd. Le Lombard, 2017-2019 ; La Cagoule, un fascisme à la française, sur un dessin de Damour, éd. Glénat, 2019-2020 ; Nottingham, avec Emmanuel Herzet et Benoït Dellac, éd. Le Lombard, 2020-2022.

Concernant Ronan Toulhoat, notons sa participation aux très remarqués Go West Young Man ! et Indians ! de Tiburce Oger, éd. Grand Angle, 2021 et 202.

Yoann Guillo est le troisième de la bande. Breton, passionné d’animaux et de Mythologie, ayant suivi un cursus d'architecture à l'EAB de Rennes et titulaire d’un diplôme de graphiste/illustrateur de LISAA Rennes, il démarre son parcours de coloriste en 2005. Il est notamment coloriste des séries FRNCK, éd. Dupuis, 2017-2020 et Largo Winch, du tome 18, Colère Rouge, éd. Dupuis, 2012 au tome 21, L’Etoile du matin, éd. Dupuis, 2017.

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Scénario et dessins de Manu Larcenet