ADIEU MONSIEUR HAFFMANN

Tendu, tenu, riche en rebondissements, porté par un trio d’acteurs sensationnels “Adieu Monsieur Haffmann” est un film formidable et bouleversant
De
FRED CAVAYÉ
Avec
DANIEL AUTEUIL, GILLES LELLOUCHE, SARA GIRAUDEAU…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

En 1941, pressentant que les lois anti-juives présentent une menace pour sa communauté, Joseph Haffmann (Daniel Auteuil), joaillier réputé de la capitale, envoie sa femme et ses trois enfants à la campagne et décide, pour sa part, de rester à Paris pour s’occuper de son commerce. L’atmosphère devenant de plus en plus oppressante, il propose à son employé, François Mercier, jeune marié aimable et serviable, de le lui vendre, cela pour éviter d’être spolié par les autorités antisémites… Il lui explique qu’à la fin de la guerre, il reprendra sa boutique et qu’en échange, il l’aidera à ouvrir la sienne…

Rien ne se passe comme prévu. N’étant pas parvenu à quitter Paris, Joseph est contraint de se cacher dans la cave de sa boutique. Mercier, qui est devenu son « patron », adopte alors vis-à-vis de lui une attitude de plus en plus ambiguë. Tout se complexifie encore quand Mercier, qui est stérile, a l’idée saugrenue de demander à Haffmann de coucher avec sa femme (Sara Giraudeau) pour qu’elle ait un enfant. Quand des officiers allemands se mettent à fréquenter assidûment la bijouterie, la situation devient encore plus critique.

Points forts

— Il y a longtemps que Fred Cavayé voulait traiter des « salauds sous l’Occupation ». Pourquoi ? Parce que ce sujet avait été beaucoup moins abordé au cinéma que celui des « Justes » et des « résistants » à cette même époque. Lorsqu’en 2018, il reçoit la pièce de son ami Jean-Philippe Daguerre, elle tombe donc à pic. Toutefois, comme elle ne correspond pas tout à fait à ce qu’il cherche, il demande à son auteur la permission de l’adapter très librement. Il veut notamment faire de l’employé de la bijouterie où se déroule cette histoire, un type qui, au départ, semble très bien mais qui petit à petit, par lâcheté, par cupidité et par trouille, va devenir un sale individu. La complexification de ce personnage, à la fois ambigu et dégueulasse, va paradoxalement, dans l’exact même temps, à la fois nuancer le propos du récit, le noircir, et lui éviter de sombrer dans le manichéisme. Il n’y a ni héros, ni franche ordure, il y a des êtres humains qui penchent tour à tour du bon ou du mauvais côté de la morale, selon leurs rêves, leurs frustrations et… la réalité de leur quotidien.

— La distribution ajoute à l’intérêt du film. Dans le rôle du commerçant juif terré dans sa cave et contraint au silence, Daniel Auteuil est d’une sobriété bouleversante. Dans celui de son employé qui va le trahir et se transformer en collabo, Gilles Lellouche est remarquable d’ambiguïté, de veulerie, d’insatisfaction et de faiblesse.Quant à  Sara Giraudeau, elle est tout en douceur et compassion.

Quelques réserves

Certains fans de la pièce originale de Jean-Philippe Daguerre reprocheront peut-être au film de Cavayé d’avoir pris des libertés avec elle. Pourtant,  cette « échappée libre » du scénario par rapport au texte original permet d’offrir une exploitation plus cinématographique à une histoire qui avait été écrite pour le strict cadre d’une scène de théâtre.

Encore un mot...

Après trois thrillers épatants et deux comédies populaires, pas des plus légères, mais menées quand même tambour battant, Fred Cavayé change de registre. En adaptant la pièce éponyme de Jean-Philippe Daguerre qui rafla quatre Molière en 2018, il s’aventure pour la première fois dans le film noir pour raconter le dévoiement de certains êtres face à l’adversité, avec en arrière-fond la Collaboration sous l’Occupation. Tendu, tenu, riche en rebondissements, porté par un trio d’acteurs sensationnels (Gilles Lellouche, Daniel Auteuil et Sara Giraudeau) son Adieu Monsieur Haffmann est formidable et bouleversant. C’est son meilleur opus, le premier grand film français de 2022. Adieu Monsieur Haffmann vient d’obtenir à Sarlat le Grand Prix du public et a valu à Sara Giraudeau de remporter le Prix d’interprétation à ce même festival.

Une phrase

« Mon Dieu ! Jouer avec Daniel Auteuil, je n’aurais jamais imaginé ça il y a vingt ans, lorsque j’ai débuté au Cours Florent ! Tout comme Gérard Depardieu dont je reprends le personnage d’Obélix. Je n’ai jamais eu autant la trouille. Je me répétais: suis-je légitime pour le faire ? » ( Gilles Lellouche dans un entretien au Point du 6 janvier dernier ).

L'auteur

Né à Rennes en 1967, Fred Cavayé commence par travailler en tant que photographe de mode. A partir des années 2000, il s’essaye au court-métrage et en réalise trois. Le premier « J », en 2000, est pré-nommé pour les Oscars, le second « Chedope », en 2002, reçoit trois distinctions ; quant au troisième, « A l’arraché », en 2003, il est diffusé en France dans 400 salles avant la diffusion de Je reste ! de Diane Kurys. Grâce à sa notoriété grandissante, Cavayé commence alors à participer à l’écriture de scénarios pour d’autres réalisateurs, dont Patrice Leconte avec lequel il participe à l’élaboration du script de La Guerre des miss.

Son premier long métrage, Pour Elle, avec Diane Kruger et Vincent Lindon est un bon thriller, de même que le suivant A bout portant (2010) qui lui permet de rencontrer Gilles Lellouche avec lequel il va réaliser, en 2011, un des sketchs du film Les Infidèles. En 2014, il sort Mea culpa, un nouveau thriller où il réunit Vincent Lindon et… Gilles Lellouche. Deux ans plus tard, sur un changement radical de registre, il livre la comédie Radin ! avec Dany Boon. Il y reste avec Le Jeu , un remake d’un film italien qu’il sort en 2018.

Adieu Monsieur Haffmann est le sixième long-métrage de ce cinéaste footballeur amateur, supporteur inconditionnel du Stade Rennais.

Et aussi

- OUISTREHAM d’EMMANUEL CARRÈRE — Avec JULIETTE BINOCHE, HÉLÈNE LAMBERT, LÉA CARNE…

Marianne Winckler, écrivaine parisienne reconnue, entreprend un livre sur les travailleurs précaires. Elle s’installe près de Caen. Inscrite à Pôle emploi sous une fausse identité, elle trouve assez vite un boulot de femme de ménage au sein d’une équipe qui travaille la nuit dans les ferrys assurant la liaison entre Ouistreham et Portsmouth. Confrontée à la précarité et à l’invisibilité sociale, elle découvre à quel point la solidarité et l’entraide font « tenir » celles qu’on appelle les « travailleuses de l’ombre »…

Après La Moustache en 2015, l’écrivain Emmanuel Carrère avait déclaré en avoir fini avec le cinéma. Il a tourné casaque pour adapter un des livres autobiographiques à succès de Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham. S’il a modifié, légèrement, le titre de l’ouvrage et remplacé devant la caméra la journaliste Florence Aubenas du récit par l’écrivaine Marianne Winckler, il n’a rien changé à son contenu : la précarité contemporaine. Le résultat est ce film percutant dans lequel la gaîté n’est pas absente malgré les grands problèmes sociaux, parfois dramatiques, qu’il évoque. Son Ouistreham est éclairé par la dignité, la vitalité et l’humanisme dont font preuve toutes les femmes qu’il portraiture sans jamais, soulignons-le, appuyer le trait. Face à une Juliette Binoche sensationnelle de naturel et de justesse, les autres comédiennes, pourtant toutes non professionnelles, font mieux que tenir la route. Elles portent le film avec une énergie dont elles ne laissent jamais sentir qu’elle pourrait être celle du désespoir. Du beau travail, très loin de tout misérabilisme.   

Recommandation : 4 coeurs

 

- PLACÉS de NESSIM CHIKHAOUI - Avec SHAÏN BOUMEDINE, NAILA HARZOUNE, PHILIPPE REBOT, JULIE DEPARDIEU…

Parce qu’il a oublié sa carte d’identité, Elias est empêché de passer les épreuves du concours d’entrée de Sciences Po. En attendant de pouvoir s’y représenter, il décide de devenir éducateur dans une Maison d’enfants à caractère social. Comme il en ignore le fonctionnement, il ne se doute pas à quel point cette expérience va changer sa vie. Car une fois qu’on a appris à connaître les ados placés dans ce type d’Institution, il devient difficile de les laisser tomber. Abandonne-t-on un gamin quand on réalise que les quatre cents coups qu’il fait ne sont que sa façon à lui d’exorciser ses chagrins et souvent, aussi, oublier les mauvais traitements subis pendant son enfance ? 

Pour se lancer dans son premier film, Nessim Chikhaoui (l’un des scénaristes récurrents des Tuche) a fait comme la plupart des primo-cinéastes : il s’est appuyé sur sa propre expérience, en l'occurrence, pour lui, celle d’éducateur spécialisé. Et une fois son décor planté, il y a tricoté une intrigue où il a fait intervenir des personnages qui l’avaient marqué et bouleversé. La réussite de son film vient de ce qu’il a su lui insuffler de la joie de vivre et de la bonne humeur, sans pour autant travestir la difficile réalité du milieu qu’il décrit, celui de gamins abîmés par la vie qu’on met face à des éducateurs chargés de les remettre sur le chemin de l’acceptation et du vivre ensemble. Une pléiade d’acteurs très investis portent cette comédie sociale intéressante et pleine de bienveillance. Face au charismatique Shaïn Boumedine (Mektoub My Love) qui joue Elias, on trouve notamment Julie Depardieu, Philippe Rebbot et toute une ribambelle de jeunes acteurs épatants. 

Recommandation : 4 coeurs

Commentaires

Laulan francoise
dim 16/01/2022 - 17:49

Un film magnifique joué par 3 grands acteurs.ca fait plaisir de voir un beau film français .ca nous change des bavardages autour d'une table .

deville
mar 18/01/2022 - 11:44

immerges dans le paris de l occupation par le soupirail de la ville ce film est excellent, jeu d acteurs , plans, cette rue pavee qui monte....

Jeff Voy
sam 14/05/2022 - 04:53

Horrible merde où ressort la vanité des protagonistes plus que la tragédie historique !

Claude NICOLETTI
lun 30/05/2022 - 16:38

Tous les gouts sont dans la nature mais de là a traiter ce film "d'horrible merde" vous y allez très très fort Mr Jeff, moi je l'ai trouvé formidable retraçant bien l'atmosphère et certaines dérives sous l'occupation; je le recommande !!

Philippe Mailly
dim 07/08/2022 - 11:40

Effectivement traiter ce film "d'horrible merde" démontre à quel point certaines vérités dérangent. En fait actuellement depuis plus de deux ans, ne sommes nous pas en train de repartir sur de telles dérives, qui bien entendu, ne sauraient actuellement être reconnues et comparées.

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