De SAS en SAS

Un film personnel, émouvant, subtil sur un sujet fort et délicat
De
Rachida Brakni
Drame social
Avec
Zita Hanrot, Samira Brahmia, Judith Caen, Fabienne Babe.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Par un jour de canicule, Nora accepte de suivre sa mère Fatma à Fleury Mérogis pour rendre visite à son frère qu’elle n’a plus revu depuis deux mois. Devant les portes de la Maison d’arrêt, elles se retrouvent, en « habituées », avec d’autres visiteuses et les matons. Commence alors le long et labyrinthique parcours pour atteindre le parloir… que la chaleur va compliquer de façon inattendue.

Points forts

D’entrée, ce film donne envie de rappeler combien le talent adossé à une “belle” personne débordant d’idées, ayant des choses à dire et un réel univers,  peut pallier pour le meilleur un évident manque d’argent, donc de temps.

Déjà le principe de base qui est de narrer cette “odyssée” (quasiment au sens propre) d’un groupe essentiellement composé de femmes, depuis le parking jusqu’à la porte du parloir où nous ne pénétrerons pas, relève d’un sens aigu et original de l’écriture scénaristique.

Cette qualité se renforce ici d’une science du cadrage époustouflante, avec ces murs venant systématiquement casser l’espace tandis que les mouvements de camera alternent avec intelligence travellings et plans fixes, équilibrant en un curieux oxymore la légèreté du mouvement (les personnages marchent beaucoup) et l’oppression due à l’enfermement.

Autre prouesse, la parfaite osmose entre comédiens professionnels et amateurs conférant à l’ensemble une indéniable authenticité. Il est vrai aussi que Rachida Brakni a connu personnellement cette situation pour avoir rendu visite à un ami détenu (cf infra la rubrique En deux mots).

Non seulement son souci du détail et son honnêteté intellectuelle font échapper l’ensemble aux poncifs du genre (pas de maton sadique par exemple) mais elle joue avec astuce sur les grands codes du western depuis la venue de Nora et Fatma en voiture sur une musique mi méditerranéenne mi country jusqu’à la prison qui rappelle, symboliquement, celle de Rio Bravo d’Howard Hawks.

Les dialogues sont au cordeau comme les psychologies, soignées, tout en étant sans concession.

Cerise sur le gâteau, le film se double d’un regard politique dans son acception la plus noble, abordant sans jamais être pesant ni moralisateur des thèmes républicains (laïcité, mixité), citoyens (respect de la femme épouse et mère, conditions d’emprisonnement des détenus mais, aussi, situation des surveilllants et des visiteurs) ou encore moraux (appel à la dignité, lâcheté des proches masculins, étrangement absents durant ces visites).

Quelques réserves

Ceux inhérents à tout film à petit budget, lesquels appartiennent à chacun selon ce qu’il attend d’un film...

Encore un mot...

“Pendant plusieurs années, j’ai rendu visite à un proche à Fleury-Mérogis. Ce qui m’a frappé d’emblée, c’est l’absence d’hommes parmi les visiteurs dans une prison d’hommes.(…) Par ailleurs, j’ai découvert que la prison demeure un des der­niers lieux emblématiques de la République : la mixité sociale et culturelle qu’on y trouve est sans équivalent avec ce que sont devenus l’école et l’hôpital”.

Ces deux phrases résument ce que ce film a d’émouvant, personnel et louable : une étude sociologique restant dans le divertissement et une conscience citoyenne ne cherchant pas à donner de leçon. Un alliage subtil entre distraction et message qui fait du bien et honore le cinéma populaire. C’est aussi un rappel à cette vérité de base : un “bon” film c’est une histoire, un regard et une idée. 

Bref : un premier coup plein d’humanité doublé d’un coup de maître.

Une phrase

Ou plutôt deux réactions:

 - “Tu ne vas pas passer ta vie à raser les murs, non ??”. Nora à sa mère.

 - “Je ne sais pas comment on est arrivées là. Je ne comprends pas”. Fatma à Nora.

L'auteur

Après des études d’histoire, Rachida Brakni se consacre à sa pas­sion pour le théâtre et rejoint le studio Jean Louis Martin Barbaz. Elle in­tègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique puis devient pensionnaire de la Comédie Française, en 2000. 

Après une apparition en 2001 dans Loin d’André Téchiné, elle obtient le César du meilleur espoir féminin dans Chaos de Coline Serreau, un polar dur dans lequel elle joue une jeune fille persécutée par des proxénètes. Un mois plus tard, elle reçoit le Molière de la révélation féminine pour son interprétation dans Ruy Blas joué à la Comédie Française. 

Elle alterne depuis, avec la même puissance et authenticité d’interprétation, pièces et films,  travaillant notamment – au grand écran - avec Claire Simon, Régis Wargnier, Francis Giraud, Arthur Joffé, Hannes Stöhr, Salem Brahimi et Philippe Haïm. 

Elle collabore en outre à plusieurs reprises avec le musicien et chanteur Rodolphe Burger, tant pour son premier album que pour des lectures concert autour duCantique des Cantiques ou des poèmes de Mahmoud Darwich. 

Co-écrit avec Raphael Clairefond, De sas en sas, est son premier long-métrage comme réalisatrice.

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