EN CORPS

Quand Cédric Klapisch ose (enfin) exprimer sur grand écran sa passion pour la danse, cela donne un film passionnant, esthétique, d’autant plus lumineux qu’il est porté par une danseuse qui se révèle être une remarquable comédienne, Marion Barbeau…
De
CÉDRIC KLAPISCH
Avec
MARION BARBEAU, HOFESH SHECHTER, PIO MARMAÏ…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Première danseuse à l’Opéra de Paris, Elise, 26 ans (Marion Barbeau), se blesse un soir sur scène en interprétant la Bayadère. La blessure est sérieuse. Très vite, elle comprend que sa carrière classique est fortement compromise. Dès lors, sa vie est bouleversée. Au cours de sa rééducation, qui la fera voyager régulièrement entre Paris et la Bretagne, elle va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine, celle du chorégraphe Hofesh Shechter. Son talent, sa détermination, sa souplesse d’esprit vont lui permettre de retrouver un nouvel élan et aussi une autre façon de vivre son art.

Points forts

  • Passionné de danse depuis plus de quarante ans, Cédric Klapisch, déjà auteur en 2010 d’un documentaire sur la danseuse étoile Aurélie Dupont, cherchait depuis longtemps à faire un film de fiction autour de la danse. Tout se cristallise au moment du confinement. Des danseurs de l’Opéra de Paris lui demandent de monter un petit film avec eux. Diffusé sur les réseaux sociaux, ce quatre minutes, intitulé Dire Merci, devient viral et fait le tour du monde. Des producteurs connaissant l’envie du cinéaste le contactent. Il n’a pas encore de scénario, mais il sait qu’il veut travailler avec Hofesh Shechter dont il est le complice depuis plusieurs années et dont il admire les spectacles.
  • Il sait que tout va partir de la distribution. Avant de commencer à écrire, il commence donc à auditionner des danseurs à l’Opéra de Paris où il a porte-ouverte depuis plus de dix ans.  La bonne surprise pour lui est qu’il découvre que ces interprètes sont rompus aussi bien au classique qu’au contemporain (la richesse de répertoires de L’Institution parisienne est unique au monde) et qu’ ils sont en outre capables de mémoriser des textes. Au cours de ses auditions, il découvre Marion Barbeau pour laquelle il a un coup de foudre artistique : cette « Première danseuse » (ultime grade avant celui d’étoile), non seulement dégage un naturel touchant, mais elle est aussi à l’aise sur pointes que pieds nus.
  • Elle lui inspire le début de son scénario : l’histoire d’une danseuse qui, victime d’une grave blessure, va tenter de se reconstruire. Pour l’écrire, il s’associe avec Santiago Amigorena  qui lui suggère de laisser « respirer » les séquences écrites pour laisser une vraie place à la danse, et  lui propose de travailler sur son film comme s’il s’agissait d’une comédie musicale, en alternant narration et intermèdes musicaux. Idée formidable, qui en précède une autre, personnelle au cinéaste celle-là : son film devra dégager une notion de plaisir et de passion. Résultat : reposant sur une idée de reconstruction et de renaissance, En corps est positif et solaire, ce qui est unique pour un film sur la danse. 
  • Outre Marion Barbeau, qui l’« illumine » par son talent, sa spontanéité, son énergie et sa présence radieuse, En Corps est aussi porté par des seconds rôles plus qu’inspirés, entre autres, un Pio Marmaï d’un burlesque irrésistible dans un rôle de cuistot obsédé par le sexe, un François Civil drôle à mourir dans un personnage de kiné ahuri et naïf et une Murielle Robin bouleversante d’humanité et de compassion en dirigeante de centre de répétitions.
  • Viennent aussi contribuer au plaisir qu’offre le film, la présence chaleureuse et les sublimes chorégraphies de Hofesh Shechter (il joue son propre rôle) et les lumières (splendides) d’Alexis Kavyrchine.

Quelques réserves

Aucun réserve.

Encore un mot...

Cédric Klapisch étant depuis près de quarante ans l’un des cinéastes préférés des Français, la sortie de ses films est toujours vécue comme un événement. Et le miracle est qu’à chaque fois, ou presque, c’en est un. Du Péril Jeune à l’Auberge espagnole en passant par Un Air de famille ou encore Les Poupées russes, la grande majorité de ses opus a provoqué la surprise et fait un tabac au box-office. Baigné de poésie, son dernier-né, qui raconte la résilience d’une danseuse blessée au cœur et au corps, ne devrait pas faire exception à la règle. Magnifique et radieux.

Une phrase

« Je suis admirative. C’est la première fois que je vois la danse aussi bien filmée dans une fiction. Le classique comme le contemporain. La danse s’inscrit parfaitement dans l’histoire imaginée par Cédric. Que ce soient les représentations qui ouvrent et clôturent le film ou les scènes de répétition où la caméra accompagne ce qui se passe en étant toujours au bon endroit pour filmer. On sent que Cédric connaît et respecte le travail des danseurs » (Marion Barbeau comédienne danseuse).

L'auteur

Après une maîtrise de cinéma à Paris VIII, Cédric Klapisch - né le 4 septembre 1961 à Neuilly-sur-Seine - part à l’Université de New York approfondir ses connaissances. Il a 23 ans lorsqu’il tourne son premier court-métrage, Glamour toujours. Il en tournera trois autres avant de rentrer en France où il commence par travailler comme électricien sur quelques longs métrages, dont Mauvais Sang de Leos Carax. En 1992, après un nouveau court (Ce qui me meut), il réalise son premier long, Riens du tout, qui raconte la vie d’un grand magasin. L’année suivante, il tourne pour Arte Le Péril jeune en tête d’affiche duquel il met un jeune comédien, Romain Duris, qui deviendra son acteur fétiche dans ses films à venir, notamment L’Auberge espagnole (2002), Les Poupées russes (2005) et Casse-tête chinois (2013), une trilogie formidable consacrée à la jeunesse, à l’Europe et à l’amour. Juste avant cette trilogie, il aura tourné aussi en 1996, Un air de famille, ce film inoubliable pour lequel il avait fait appel à Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Jean-Pierre Darroussin et Catherine Frot. Il est aussi l’auteur, en 2008, de Paris (un film émouvant sur la capitale française au moment de l’apparition du Sida), en 2011, de Ma part de gâteau, en 2017 de Ce qui nous lie et en 2019 de Deux moi. 

En corps est le quatorzième long-métrage de fiction de ce cinéaste par ailleurs auteur d’une demie-douzaine de documentaires, dont l’un, tourné en 2010 et intitulé Aurélie Dupont, l’espace d’un instant, offre un portrait magnifique et touchant de cette danseuse étoile qui n’était pas encore la “ patronne de la danse à l’Opéra de Paris”.

Et aussi

 

- VEDETTE de CLAUDINE BORIES et PATRICE CHAGNARD -  DOCUMENTAIRE.

Vedette est une vache. De la race montagnarde des reines, Vedette est une reine de l’arène. Pour avoir gagné tous ses combats face à ses congénères, Vedette a même été sacrée « reine des reines ». A ce titre, elle a été gâtée, choyée, entourée, admirée. Rien n’était trop beau pour elle. Mais elle a fini par vieillir. Pour lui éviter l’humiliation d’être détrônée par de jeunes rivales, ses deux propriétaires l’ont laissée tout un été en pension chez leurs voisins… qui se trouvaient être Claudine Bories et Patrice Chagnard. Le duo de cinéastes a vu là l’occasion rêvée de « tirer le portrait » de leur pensionnaire, et au-delà celui de ses deux propriétaires, deux éleveuses à l’ancienne, qui conçoivent leur métier avec amour, passion et pragmatisme.

Après avoir traité du droit d’asile dans Les Arrivants (2005), des codes — parfois absurdes — du monde du travail dans Les Règles du jeu (2014) et des possibilités d’un renouveau de la démocratie en France dans Nous le peuple (2019), le duo Bories-Chagnard se penche sur les rapports entre l’homme et l’animal, et il le fait à travers le portrait d’un ruminant irrésistible, une vache à la fois guerrière, indépendante, souveraine et ô combien attachante. Au-delà de ce portrait plein de poésie, jamais mièvre une seule seconde, les cinéastes nous proposent une belle réflexion sur l’écologie. Passionnant et émouvant.

Recommandation : 4 coeurs

 

- CYRANO de JOE WRIGHT — AVEC PETER DINKLAGE, HALEY BENNETT, KELVIN HARRISON Jr…

Tout le monde connaît l’histoire de Cyrano de Bergerac, ce mousquetaire créé par Edmond Rostand, disgracié par un long nez, mais brillant et courageux et surtout amoureux fou de la jolie Roxane sa cousine, sans espoir de retour, puisqu’ elle, n’a d’yeux que pour Christian, un mousquetaire lui aussi, pas très fûté, mais si beau et si gentil. On ne compte plus ses adaptations pour la scène et pour le grand écran, dont certaines firent date, comme celle, légendaire, en 1990 ,de Jean-Paul Rappeneau avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre.

Avec un panache fou, Joe Wright, le cinéaste, entre autres, d’Orgueil et Préjugés et d'Anna Karénine, en propose une nouvelle adaptation. Une de plus ? Non, une vraiment différente, étonnante par son culot. D’abord parce que le cinéaste britannique a confié le rôle de Cyrano au sensationnel, malicieux, et douloureux Peter Dinklage, le héros de Game of Thrones atteint de nanisme. Ensuite parce qu’il a demandé au groupe rock The National de mettre en musique certaines parties du texte, en confiant leur chorégraphie à Sidi Larbi Cherkaoui. Cela donne pour la première fois sur grand écran un Cyrano en comédie musicale. Certains crieront peut-être au sacrilège. Mais d’autres seront emportés par cette version iconoclaste, fiévreuse, brillamment sophistiquée, bourrée d’humour et remarquablement interprétée (Peter Dinklage, mais aussi Haley Bennett, sensationnelle de charme en Roxane et Kelvin Harrison non moins formidable en Christian). Romantique et exaltant.

Recommandation : 4 coeurs

 

- LE MONDE D’HIER de DIASTÈME - Avec  LÉA DRUCKER, DENIS PODALYDÈS, BENJAMIN BIOLAY…

Trois jours avant l’élection présidentielle, Elisabeth de Raincy, la Présidente de la République qui a choisi de ne pas se représenter (Léa Drucker, impériale), apprend par son Secrétaire Général  (Denis Podalydès) qu’un scandale venant de l’étranger va éclabousser son poulain (Jacques Weber) et donner la victoire au candidat d’extrême-droite soutenu par la Russie (Thierry Godard, impeccable). Elle et sa garde rapprochée ont alors trois jours pour changer le cours de l’Histoire et sauver la démocratie…

Après Un Français (2015), Diastème continue d’enfoncer le clou sur la dangerosité de la montée de l’extrême-droite. Son nouveau film (qui sort à point nommé en cette fiévreuse période française pré-électorale) raconte trois jours d’échanges intenses entre différents piliers de l’Etat pour sauver la démocratie. Les interrogations fusent. Jusqu’où peut-on aller trop loin ? Le cinéaste fait le tour de la question et signe un thriller sombre et crépusculaire. Sa mise en scène privilégie volontairement le champ-contre-champ. Bien qu’employé ici d’une manière un peu trop systématique, ce procédé, théâtral, a l’avantage de mettre les pleins feux sur les  dialogues et les acteurs. C’est ce qui fait qu’on reçoit 5/5 le message de Diastème. 

Efficace et tendu. 

Recommandation : 3 coeurs

 

- AZURO de MATTHIEU ROZÉ - Avec  VALERIE DONZELLI, THOMAS SCIMECA, FLORENCE LOIRET-CAILLE…

Par un été d’une chaleur écrasante, des amis passent leurs vacances dans un village italien coincé entre Montagne et Méditerranée. Sans portable parce qu’il n’y a pas de réseau, ils trompent leur ennui entre pique-niques, farniente et bains de mer ou de soleil. Un jour, arrive un bateau. En descend un homme mystérieux, qui va sortir le groupe de sa torpeur…

Pour son premier long métrage, le comédien Matthieu Rozé adapte une de ses œuvres de prédilection, Les Petits chevaux de Tarquinia de Marguerite Duras, qui questionne, avec tant de finesse, le couple, le groupe d’amis, l’ennui et le désir. Il le fait avec fidélité et distanciation, ses acteurs (la subtile et « bellissima » Valérie Donzelli en tête) misant plutôt sur le naturalisme que sur la fameuse « musique » durassienne, cela, en respectant quand même évidemment le texte de l’écrivaine, à la virgule près. Comme son esthétique est léchée, sa photo, magnifique, et sa musique, (signée Kid Frescoli), joyeuse, cet Azuro sensuel et plein de charme fait entrer d’emblée son réalisateur, dans la cour des grands. Solaire et envoûtant .

Recommandation :  4 coeurs

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