Ete 93

Une exceptionnelle justesse de sentiments
De
Carla Simon
Espagne (Catalogne) / Chronique Familiale
Avec
Laia Artigas, Paula Robles, Bruna Cusi, David Verdaguer
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Vu
par Culture-Tops

Thème

Eté 93 : après son père, Frida, 6 ans, vient de perdre sa mère, Neus, elle aussi du sida. Selon les dernières volontés de Neus, Frida est confiée à son frère (donc oncle maternel), Estève. Papa de la petite Paula, 3 ans, Estève dirige un restaurant avec son épouse Marga sur les hauteurs catalanes de Garrotxa. 

Observatrice souvent silencieuse, Frida s’immerge dans ce nouveau cadre : elle participe à la récolte des œufs chez le voisin Gabriel, visite les environs, découvre le folklore local, rencontre les autochtones, un lien qui ne va pas de soi eu égard à la maladie qui a frappé ses parents. 

L’apparition de rougeurs (en fait, un simple eczéma) suscitera la panique chez les adultes quand elle se blessera au point de saigner. 

Les jours passent. Frida fait son deuil, entre désir d’être aimée, colère contre ses parents et jalousie envers sa petite cousine Paula.

Points forts

Rappelez-vous, pour les plus anciens et cinéphiles, la douceur et la sensibilité qui imprégnaient l’univers d’un autre été, celui de 42, dans le romantissime Un été 42 de Jerry Mulligan (1972)  ! Ajoutez à part équivalente le sens aigu de l’observation de la petite Ana (10 ans) découvrant l’univers de ses oncles et tantes dans l’Espagne franquiste, après la mort, elle aussi, de ses parents, dansCria cuervos ! de Carlos Saura (1976). On y découvrait la sublime Ana Torrent que Laia Artigas (qui interprète ici Frida) rappelle avec bonheur. Vous obtenez Ete 93, chronique d’une exceptionnelle justesse des sentiments, doublée d’une trame dramaturgique bouleversante dans laquelle chacun d’entre nous aura nécessairement un moment où il se reconnaîtra.

En effet, inspiré de faits autobiographiques, ce film sonne juste en tout point, depuis la joie de danser sur les pieds d’un ascendant jusque dans la cruauté inhérente à l’enfance via l’apprentissage de la souffrance et la redécouverte de la joie de vivre, d’aimer et de l’être.

Cette totale réussite trouve de plus sa pleine illustration dans l’alternance des orages et jours lumineux au cœur de la région montagneuse de Garrotxa  (Catalogne), avec ses crêtes en dents de scie comme la vie ou la forêt tour à tour bucolique et oppressante, à l’image de notre psyché.

Le dossier de presse nous apprend que la réalisatrice préside et anime Young for Films, une association qu’elle a créée en 2013 pour enseigner aux enfants le 7ème Art via le programme « Cinema en Curs ». Cette information éclaire mieux que tout discours la tendresse évidente, pour ne pas dire l’amour, qu’elle ressent pour eux, tant il transparaît à l’écran. Mais aussi pour la cellule familiale, qu’elle soit nucléaire ou recomposée, l’essentiel étant qu’elle repose sur le cœur et la bienveillance.

Cerise sur le gâteau, les musiques jazzy et traditionnelles, catalanes, ponctuent le rythme avec justesse, outre qu’elles sont subtilement intégrées aux situations et non purement illustratives.

Eté 93 rappelle enfin aux plus jeunes, sans jamais être pesant, ce que fut et reste le SIDA.

Quelques réserves

Je n'en vois aucun.

Encore un mot...

“J’ai raconté mon histoire tant de fois qu’elle est devenue pour moi une sorte de légende. Ces événements me sont réellement arrivés, mais j’ai l’impression qu’ils sortent tout droit d’un conte. (…) …Durant le tournage, j’ai ressenti le besoin de prendre de la distance vis-à-vis de mon passé. Si je voulais des interprétations réalistes, je ne pouvais pas reproduire les événements exactement comme dans mes souvenirs ou dans les images que je m’étais fabriquées avec le temps.”. Carla Simón.

Authenticité, recul et humilité, c’est ainsi que l’on rend ses propres souvenirs universels et son film aussi attachant qu’humainement pénétrant. Une œuvre qui mérite amplement son Prix du meilleur 1er film, Prix Génération au festival de Berlin 2017, toutes sections confondues.

Une phrase

“ Ils ont fait plein de bêtises, mais ils t’aimaient” La grand-mère évoquant ses parents à Frida.

L'auteur

Née en 1986, Carla Simón étudie à l’Université de Californie et à celle, autonome, de Barcelone. Elle réalise ensuite des épisodes de séries et des émissions diverses pour la chaîne « TV Catalan ». Puis elle décroche la prestigieuse bourse « Obra Social - La Caixa », qui lui permet de s’installer en Grande-Bretagne et d’étudier à la London Film School. Elle y écrit et réalise deux courts‑métrages : le documentaire Born Positive et la fiction Lipstick, sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux. 

Eté 93 est son premier long-métrage.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Vous pourriez aussi être intéressé