Gauguin

Fiévreux et habité, Cassel meilleur en Gauguin que Lindon ne l'a été en Rodin
De
Édouard Deluc
Avec
Vincent Cassel, Malik Zidi, Tuheï Adams
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Entre 1891 et 1893, Gauguin accomplit un premier séjour à Tahiti. Il va peindre soixante-six chefs d’œuvre en dix-huit mois. 

Le début du film « Gauguin » le montre à Paris avant son départ dans un banquet présidé par le poète Mallarmé, où sont réunis ses amis artistes. Il a essayé de les entraîner, en vain, dans son projet fou, peindre l’ailleurs, l’exotisme absolu. 

Avant son départ, comme pour lui compliquer les choses de la vie, sa femme vient de sa Hollande natale avec leurs cinq enfants et constate l’état de misère dans lequel il se trouve. Il est déchiré, Gauguin, car il aime sa femme et ses enfants, mais il est décidé aussi. Sa peinture d’abord, et pour la renouveler, il est nécessaire d’aller voir ailleurs : « Il n’y a plus rien de neuf à peindre ici » affirme-t-il. Et comme en écho, le critique Charles Morice gémit dans le froid Paris : « Ici, nous perdons notre temps ». Mais il en est qui ne partagent pas ces avis tel le peintre Paul Signac : « Ceux qui font noir au Nord et bleu dans le Midi sont des farceurs ». Le cinéaste Édouard Deluc, qui s’est inspiré d’un texte de Gauguin, « Noa Noa », du nom indigène de Tahiti signifiant « Pays parfumé », a privilégié une longue idylle avec une jeune Tahitienne plutôt que de multiplier les femmes qu’il a rencontrées dans ses pérégrinations. 

À bout de souffle et d’argent, il finira par être rapatrié sanitaire. Mais il reviendra.

Points forts

Le film veut montrer un artiste, et quel artiste, dans sa création quotidienne et il y réussit. Il faut dire que Vincent Cassel endosse vraiment le visage, la silhouette et l’allure du peintre. Bien mieux que Vincent Lindon dans « Rodin ». Le physique, l’apparence, c’est important pour saisir ce qu’il y a derrière : les idées d’un artiste qui met son existence en jeu pour saisir l’âme sauvage, comme il dit.

Car tel est le projet du film : montrer comment un artiste emporté par son art décide d’aller au bout du monde pour le renouveler. « Il n’y a plus rien à peindre ici » répétait-il, juste avant que Van Gogh peigne les tournesols en Provence et les champs de blé à Auvers-sur-Oise, sans parler des nymphéas de Monet  et des cathédrales de Manet… Bon, Gauguin était parfois de mauvaise foi...

Quelques réserves

Il voulait peindre la nature sauvage, Gauguin. Le film peine à nous préciser ce que cela signifie et nous laisse un peu sur notre faim en ce qui concerne l’influence de Gauguin sur la peinture moderne.

Encore un mot...

Paul Gauguin a passé ses plus jeunes années à Lima, son père fuyant le régime de Napoléon III. Plus tard il a effectué son service militaire dans la marine nationale. Pas étonnant qu’il ait rêvé ensuite de quitter l’hexagone. Les pavillons exotiques de l’Exposition universelle, qu’il avait vus à Paris, n’avaient fait que renforcer son rêve de « fuir là-bas, fuir ! ». 

Découverte en 1867 par le navigateur Bougainville, Tahiti venait en 1881 de passer du statut de protectorat à celui de colonie française. 

Il existait avant Gauguin une tradition primitiviste qui s’était développé au XVIIIe siècle sous les plumes de Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint Pierre. Le mythe avait été remis à l’honneur par la publication en 1880 du roman autobiographique de Pierre Loti, « Le mariage de Loti », relatant ses amours avec une belle vahiné. La lecture de cet ouvrage ne fut pas étrangère à la décision de Gauguin. 

Finalement, c’est investi d’une mission officielle du directeur des Beaux-Arts que Gauguin s’embarqua pour Tahiti le 4 avril 1891.

Une phrase

- « Adieu, terre hospitalière, terre délicieuse, patrie de liberté et de beauté ! Je pars avec deux ans de plus, rajeuni de vingt ans, plus barbare aussi qu’à l’arrivée et pourtant plus instruit. Oui, les sauvages ont enseigné bien des choses au vieux civilisé ». Gauguin, au retour de son premier séjour à Tahiti.

- « A travers l'histoire de Gauguin, j’ai voulu raconter l'histoire des Polynésiens, le choc des civilisations, l'histoire de l'art moderne, la quête de la liberté... Il y a mille et un sujets à aborder à travers ce personnage, qui finalement n'est qu’un prétexte. » Édouard Deluc

- « Mon père ne nous a jamais abandonné, il a suivi son destin, il pensait souvent à nous », disait en 1978, lors d’une rétrospective Gauguin au Grand Palais, Mme Bizet, 80 ans, fille de Gauguin.

- « Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin… » Jacques Brel, « Les Marquises » 

L'auteur

Diplômé des Beaux-Arts en 1993, Édouard Deluc a réalisé trois courts-métrages, avant « Gauguin », qui est donc son premier long-métrage. Il a tourné de nombreux vidéoclips ainsi que des publicités, ce qui explique son impeccable maîtrise technique.

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