Glory

Décidément, le nouveau cinéma bulgare gagne à être connu
De
Kristina Grozeva et Petar Valchanov
Avec
Margita Gosheva, Stefan Denolyubov, Kitodar Todorov, Miko Lazarov, Ivan Savov, Hristofor Nedkov, Mira Iskarova…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Cantonnier, Tsanko Petrov va inspecter les voies ferrées. Après avoir croisé des collègues qui volent du fuel en siphonnant des wagons citernes, il trouve des billets de banques sur les rails qu’il ramène à la police. Informée de cet événement, Julia Staykova, 40 ans, directrice des relations publiques au Ministère des transports, organise une conférence de presse pour honorer son honnêteté. En vérité, elle compte user de cette cérémonie pour faire oublier le scandale du fuel volé que tente de dévoiler le journaliste d’opposition Kirik Kolev. Durant la conférence, Julia subtilise la montre de Tsanko (une Glory) car le Ministre Kanchev doit lui en offrir une comme récompense. Hélas, elle oublie de la lui restituer après le cocktail. Or Tsanko y tient car elle lui vient de son père. Son obstination à la récupérer va l’entraîner dans une situation kafkaïenne…

Points forts

- Avec Glory, et après The Lesson (2014),  tous deux inspirés de faits réels, le duo bulgare Kristina Grozeva et Petar Valchanov s’inscrit par le haut dans la lignée du nouveau cinéma roumain (Adrian Sitaru avec Fixeur ou Illégitim (2016) ou Cristian Mungiu avec Baccalaureat (2016) et le meilleur du cinéma italien des années 60 et 70, de Rosi à Risi. En effet, ils nous offrent pour la seconde fois un constat au vitriol qui, commencé en tragi-comédie, aboutit à une satire désabusée et cruelle de la société bulgare post soviétique où la corruption règne, où les “petits” sont méprisés et où on fabrique la vie tout en tuant la vérité, si on tourne en métaphore la double volonté de Julia d’avoir un enfant par PMA tout en faisant taire Tzanko, qui plus est ironiquement bègue !

- Pour autant, à la fois politique et sociologique, le récit est avant tout humain. On ne lâche jamais les personnages principaux et tout est vu et exprimé à travers eux sans jamais sombrer dans la caricature. Chacun a ses bonnes raisons d’agir comme il le fait:

      Honnête et brave, Tsanko risquera sa vie pour récupérer la montre héritée de son père et restituer un bien qui ne lui appartenait pas jusqu’à ce que la séquence finale… 

     Ambitieuse, Julia ne fait qu’exercer avec conscience sa profession, mais son envie d’être mère à tout prix lui conserve une part d’humanité. 

      Quant au journaliste Kirik Kolev, certes il va manipuler à son avantage le pauvre Tsanko pour obtenir son scoop, tel les reporters du Fixeur (2016) de Sitaru évoqué supra, mais parfois la vérité pour tous exige le sacrifice de quelques uns. 

Finalement, c’est au public de prendre position. Les auteurs, eux, posent un point de vue non moralisateur tout en restant en empathie avec leurs héros, conjuguant à merveille divertissement sur la forme et “discours” faisant sens sur le fond. Et il faut bien reconnaître, nous en ressortons à la fois heureux et terriblement secoués.

- De façon plus cinéphilique, ceux qui ont eu le bonheur de découvrir leur précédent et premier long-métrage, The Lesson, l’histoire d’une probe professeure d’anglais que la vie privée va confronter à ses idéaux, retrouveront avec le même plaisir et la même jubilation la présence des deux mêmes acteurs principaux, Margita Gosheva et Stefan Denolyubov, dans des rôles diamétralement et malicieusement inversés. Là où la première était honnête, la voici mue en femme cynique tandis que le second, qui interprétait un mafieux, se retrouve intègre.

- Si on rajoute que l’équipe technique est, elle aussi, restée la même, force est de constater que les deux réalisateurs s’inscrivent en auteurs créant une œuvre authentique et singulière. 

   Leur troisième film devrait une fois encore s’inspirer de faits réels et aboutir ainsi à un triptyque.

Quelques réserves

Ne pas aimer le cinéma Est européen qui a son rythme, moins frénétique que le nôtre, sa structure narrative parfois plus démonstrative, son humour souvent très noir.

Encore un mot...

“Nous pensons que Glory montre la fragilité du bien, de la bonne volonté, et comment il est facile de la corrompre et la détruire. Le bégaiement de Tsanko agit comme un mur protecteur qui l’isole du monde dans lequel il vit mais qui lui permet de conserver son intégrité. (…) Le film est une comédie noire qui oscille sans cesse entre momentscomiques et instants plus tragiques. (…) Dans la vraie vie, ces deux composantes vont de pair, on passe sans cesse de moments heureux à des moments plus douloureux. C’est sans doute pour cela que la tragicomédie est le genre qui nous semble le plus réaliste.” Kristina Grozeva et Petar Valchanov..

A titre personnel, nous envions ce cinéma audacieux sachant mélanger les genres, prendre des risques et rester divertissant autour de sujets d’une brûlante actualité. On nous objectera que chez nous, la corruption est moins institutionnalisée, passe par des réseaux plus que par le pouvoir, entérine de vieilles habitudes admises… Soit. Espérons toutefois que le récent et excellent Corporate (CT du 05 avril) de Nicolas Silhol  annonce la résurrection d’un genre qui eut en France ses porte-étendards iconiques tel Jean-Pierre Mocky.  

Une phrase

“ – On ne fait pas une émission de TV juste pour une montre” (le journaliste Kiril à Tsanko pour le pousser à dénoncer le trafic de fuel)

 “ – J’ai l’impression d’être entourée de débiles mentaux, aujourd’hui !” (Julia à Valéry au sujet de ses collègues).

L'auteur

Le cinéma bulgare étant une denrée rare, ses représentants sont très peu connus. Voici donc les quelques éléments à notre disposition.

Née en 1976 à Sofia, journaliste pour la télévision bulgare, Kristina Grozeva a également poursuivi des études à la National Academy of Theater and Film Art de Sofia. Son court métrage de fin d’étude a remporté plusieurs récompenses dans des festivals étudiants internationaux.

Né en 1982 à Plovdiv (Bulgarie), Diplômé de la National Academy of Theater and Film Art de Sofia, Petar Valchanov rencontre Kristina Grozeva. Ensemble, ils réalisentplusieurs documentaires et courts métrages, dont Jump, premier court métrage bulgare à être présenté en compétition internationale au Festival de Clermont-Ferrand. Le film remporte notamment le grand prix du Festival de Bruxelles et le prix du meilleur film court au Festival de Busan.

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