JOJO RABBIT

RIRE DE TOUT, MÊME D’HITLER…
De
TAIKA WAITITI
Avec
ROMAN GRIFFIN DAVIS, SCARLETT JOHANSSON, SAM ROCKWELL, TAIKA WAITITI…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Tiré du roman de Christine Leunens, Le ciel en cage, publié en 2004, le film commence en 1944 dans la ville imaginaire de Falkenheim. Dans cette petite ville pittoresque vivant sous le régime nazi, la fin de la guerre approche. Mais Jojo, lui (Roman Griffin Davis), petit garçon de dix ans élevé par sa seule mère (Scarlett Johansson), frémit d’impatience. Il va enfin réaliser son rêve : rejoindre la subdivision des Jeunesses Hitlériennes réservées aux enfants de 10 à 14 ans…

Jojo fait le malin, mais en fait, il meurt de trouille. Pour se donner du courage, il appelle son meilleur copain, un ami imaginaire qui n’est autre qu’ Adolf Hitler (Taika Waititi). Mais arrivé au camp, rien ne va pour lui. Il rate ses épreuves, se révèle incapable de tuer un lapin, échappe de peu à une décapitation et repart humilié sous les quolibets de ses petits camarades.

De retour chez lui, il se retrouve nez à nez avec une petite locataire que cache sa maman. Jojo, l’intraitable apprenti nazi, face à une jeune fille juive ? Sa vision du monde va s’en trouver bouleversée. Il va être amené à revoir les valeurs qu’on lui a inculquées, à  laisser tomber sa haine et à s’ouvrir à la tolérance.

Points forts

Et d’abord un grand coup de chapeau à Taika Waititi d’avoir osé porter le livre de Christine Leunens à l’écran. Le réalisateur dit qu’il a toujours été attiré par les histoires qui  voient la vie à travers les yeux d’un enfant. Mais celle-là, en raison même de son sujet était délicate à scénariser. Taika Waititi s’en est sorti à merveille. Sous sa plume affûtée et sensible, Jojo Rabbit est devenu une tragicomédie où alternent les rires et les pleurs. L’endoctrinement, le racisme, l’antisémitisme, la violence aveugle, le fanatisme sanguinaire..tout ce qui a fait l’abjection du régime nazi est là, mais sans cesse désamorcé par du burlesque et de la satire. L’horreur est neutralisée en permanence par le sens du comique inouï du réalisateur. Tout ce qui est raconté du nazisme est vrai, et pourtant tout, ici, est ostensiblement « fiction ». On se croit dans une opérette. Les décors sont en carton pâte et les scènes, accompagnées d’une musique qui amplifie les émotions.

La distribution est souveraine. A commencer par Roman Griffin Davis qui campe un extraordinaire Jojo. Franco-britannique, le jeune acteur  n’a que dix ans, c’est son premier grand rôle au cinéma, mais quelle présence, quelle maturité, quelle intelligence de jeu. A côté de lui, Scarlett Johansson campe avec un bel engagement une mère aimante et résistante. A la fois caricatural et flippant, Taika Waititi joue les Hitler à la façon d’une marionnette. Quant à Sam Rockwell, il est impayable dans un rôle de vétéran revenu du front russe.

Quelques réserves

Quelques lourdeurs, surtout vers la fin du film.

Encore un mot...

Oser faire rire avec le nazisme, et y parvenir… Les réalisateurs qui ont réussi cet exploit ne sont pas si nombreux… Leur courte liste parmi laquelle Ernst Lubitsch (Jeux dangereux), Charlie Chaplin (Le Dictateur), Gérard Oury (la Grande Vadrouille), Mel Brooks (Les Producteurs) et Roberto Benigni (La vie est belle) vient de s’enrichir, sans contestation possible. A l’instar de  ses prédécesseurs, l’iconoclaste Taika Waititi arrive avec Jojo Rabbit, à déclencher l’hilarité avec l’immonde, et pour la première fois, en prenant un enfant nazi comme héros, ce qui est peut-être encore plus audacieux ! A Hollywood, les votants aux Oscars ne s’y sont pas trompés, qui ont attribué à cette tragicomédie si burlesque (Prix du public au  dernier festival de Toronto), six nominations, dont celle du Meilleur film. Une va également à Scarlett Johansson nommée dans la catégorie Actrice dans un second rôle. Un beau doublé pour la comédienne par ailleurs nommée dans la catégorie Meilleure actrice pour Mariage Story.

Une phrase

« Étant Juif et Maori, j’ai dû affronter certains préjugés en grandissant. Jojo Rabbit  est donc à mes yeux un moyen de rappeler, surtout en ce moment, que nous devons apprendre à nos enfants la tolérance et ne jamais oublier que la haine n’a pas sa place dans ce monde. Les enfants ne naissent pas avec la haine en eux, ils y sont formés »

( Taika Waititi, réalisateur).

L'auteur

Egalement connu sous le nom de Taika Cohen, Taika Waititi, né le 16 août 1975 à Wellington en Nouvelle Zélande, est un homme de cinéma très complet, puisqu’il cumule d’être scénariste, réalisateur, acteur et producteur.

S’il a commencé par étudier le théâtre, c’est vers  le septième art qu’il est très vite allé. D’abord en faisant l’acteur à la fin des années 90, puis en se tournant vers la réalisation. Après un court métrage remarqué, il se lance dans le long. C’est, en 2007 A chacun sa chacune, qui lui vaut d’emblée d’être classé par le Magazine Variety parmi les 10 réalisateurs à suivre. Suivront Boy  (2010), Vampires en toute intimité ( 2014) et  A la poursuite de Ricky Baker (2016), qui deviendra le plus gros succès d’un film néo-zélandais au box office national.

Taika Waititi est alors choisi par les studios Marvel pour diriger le troisième film centré sur Thor, Thor : Ragnarok. Le succès du film lui vaut d’être impliqué dans la production d’Advengers : Infinity War. 

Jojo Rabbit est le sixième long métrage de cet éclectique  surdoué. Désormais demandé par les grands studios américains, il doit écrire, produire et réaliser prochainement Next Goal Wins, tiré du documentaire éponyme, puis écrire et réaliser Thor : love and thunder dont la sortie est prévue en 2021. En attendant, on pourra le voir cet été en tant qu’acteur dans Free Guy de Shawn Levy.

Et aussi

 

– « La voie de la justice » de Destin Daniel Cretton – Avec Michael B. Jordan, Brie Larson, Jamie Foxx…

L’action se passe en Alabama, l’un des Etats les plus racistes des Etats Unis. Inspiré d’une  histoire vraie, ce drame raconte comment, en 1993, Bryan Stevenson, un avocat noir spécialisé dans la défense de détenus injustement incarcérés en raison de la couleur de leur peau, va réussir à obtenir l’acquittement de Walter McMillian, un ouvrier forestier condamné à la peine de mort à la fin des années 80 pour un meurtre qu’il n’a pas commis. A travers le récit de cette enquête qui va éviter la chaise électrique à un innocent, La Voie de la Justice dresse le portrait d’un homme idéaliste qui, à force de courage et d’abnégation, est devenu aujourd’hui l’un des ténors du barreau américain et l’une des personnalités les plus médiatiques de son pays. C’est Michael B. Jordan qui incarne  Bryan Stevenson avec cran et détermination. Tour à tour combatif et résigné, mais tout le temps bouleversant, Jamie Foxx campe formidablement McMillian.

La voie de la justice un film passionnant du point de vue « scénaristique », carré dans sa réalisation, solide dans son interprétation, optimiste dans le message qu’il porte. On ne décroche pas l’écran d’une seconde. C’est de la très belle ouvrage, comme savent en faire les  américains. 

Recommandation : excellent

 

– « L’Esprit de famille » d’Eric Besnard – Avec François Berléand, Guillaume de Tonquédec, Josiane Balasko, Jeremy Lopez…

Après la mort de son père (François Berléand), Alexandre, un écrivain mutique, perché et très égocentré (Guillaume de Tonquédec), voit réapparaître ce dernier à tout bout de champ, fantôme revenu lui donner des leçons de savoir « vivre ensemble » qu’il n’a pas su lui donner de son vivant… Grâce à ces conversations imaginaires avec celui qu’il avait tant admiré, Alexandre va non seulement réussir à faire son deuil de fils orphelin, mais reprendre doucement pied dans la réalité. Cela, au milieu d’une famille formidable, unie autour de la mère (Josiane Balasko), où les coups de gueule ne sont  bien souvent que des cris d’amour…

Si son procédé n’est pas nouveau-  fantôme traité visuellement comme s’il était un être encore vivant-, voilà un film sur le deuil qui  respire tellement le « vécu » qu’il est impossible de ne pas s’identifier à au moins un de ses personnages.  Son autre atout, et qui n’est pas des moindres : il dégage un charme tendre et une poésie burlesque qu’on ne trouve pas souvent dans la vraie vie. Dialogues au cordeau, beauté des décors, réalisation à la fois simple et lumineuse, tout se combine  pour qu’on soit happé par cette chronique mélancolique et tendre, qui ne bascule jamais dans le mélo. Les acteurs sont sensationnels, de François Berléand (cynique et paternel), à Guillaume de Tonquédec (touchant de désarroi naïf) en passant par Josiane Balasko (bouleversante en mère écorchée vive). Mention spéciale pour Jérémy Lopez, Sociétaire de la Comédie Française trop rare sur le grand écran, qui compose un frère hyperactif d’une justesse incroyable.

Recommandation : excellent

 

– « Cuban Network » d’Olivier Assayas – Avec Edgar Ramirez, Penelope Cruz, Gael García Bernal…

Sous prétexte de fuir le régime de Fidel Castro, un groupe de cinq cubains se réfugie à Miami. En réalité à la solde du Lider máximo, ces cinq-là, sous leur couverture d’exilés politiques, sont chargés de  mettre en place un réseau de contre-espionnage pour infiltrer les membres de l’organisation anticastriste – la F.N.C.A. – qui organise régulièrement des attentats sur l’Île… Tous, ou presque, pilotes de profession, ces cinq espions ont réellement existé. Surveillés par le F.B.I., ils furent finalement arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Si deux d’entre eux furent assez vite échangés, les trois derniers durent attendre le dégel des relations américano-cubaines  pour être libérés, soit 2014.

En racontant leur « épopée » si passionnante et si méconnue, Olivier Assayas, a choisi de « zoomer » sur deux d’entre eux, Gerardo Hernandez (Gabriel García Bernal) et surtout  René Gonzalez (Edgar Ramírez) qui, avec une abnégation admirable quitta du jour au lendemain sa fille et son épouse bien aimée (Penelope Cruz) sans rien leur dire de sa mission, ce qui le fit passer à leurs yeux pour un traître. Ce parti pris « scénaristique »  imprime à ce Cuban Network à la fois du rythme et de l’émotion. On comprend que sous leurs allures déterminées ces espions étaient des hommes déchirés. Dans ce film à la fois historique et politique, il y a en outre tous les ingrédients des bons thrillers : des trahisons, des quiproquos, des courses poursuite et des retournements de situation. Le casting est impeccable, la réalisation et la photo, itou. Dommage qu’à la fin le scénario s’emberlificote un peu. Ce défaut – mineur – n’entame toutefois pas l’intérêt qu’on porte à ce film de suspense et d’action, qui vient de connaître un grand succès à la Havane.

Recommandation : excellent

 

«Les Traducteurs » de Régis Poinsard – Avec Lambert Wilson, Olga Kurylenko, Riccardo Scarmaccio…

Neuf traducteurs se retrouvent enfermés dans un bunker, totalement coupés du monde. Il s’agit pour eux de traduire l’ultime tome d’une série de polars due à un écrivain à succès dont la vraie identité est gardée secrète. L’éditeur du bouquin qui les a réunis veut frapper un grand coup : sortir le livre le même jour dans tous les pays du monde. Aucune fuite ne doit donc avoir lieu. Malgré les précautions prises, les dix premières pages du livre « fuitent » sur Internet. Qui a fait le coup ?

Un thriller à l’ancienne, avec manipulations, fausses pistes, chantages et rebondissements, bien dans la tradition d’Agatha Christie, on comprend ce qui a pu pousser le réalisateur du délicieux Populaire à s’embarquer dans cette aventure inspirée du Da Vinci Code de Dan Brown. Il n’y a rien à redire, ni sur le casting (épatant), ni sur la réalisation (très soignée), on regrette seulement qu’à force d’avoir trop multiplié les rebondissements, le suspense s’essouffle. Sans ces « coups de théâtre » inutiles qui l’alourdissent, le film aurait été (presque) parfait.

Recommandation : bon

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