KOMPROMAT

La cavale à travers la Russie d’un Français accusé à tort de pédophilie. Un thriller puissant et spectaculaire, inspiré d’une histoire vraie, et porté par un Gilles Lellouche complètement investi
De
JÉRÔME SALLE
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Lu / Vu par

Thème

Un soir de février 2015, alors qu’il est tranquillement chez lui avec sa fille, Mathieu Roussel, diplomate à Irkoutsk  (Gilles Lellouche)  est  plaqué au sol et embarqué par une équipe de gros bras appartenant au FSB ( les Services de Sécurité Russes) : il est accusé à la fois d’avoir diffusé des images pornographiques et de s’être livré à des attouchements sur sa propre fille. A tort.

En réalité —on l’apprendra plus tard— Mathieu est victime d’un Kompromat (un dossier constitué de faux documents fabriqués par le FSB utilisé pour nuire à des personnalités jugées hostiles à l’Etat russe). Incarcéré dans une geôle, Mathieu réussit à s’ évader. Commence alors pour lui une interminable cavale, notamment à travers les hostiles forêts estoniennes. Outre courir plus vite que ses poursuivants et se fondre dans des paysages hostiles, il va apprendre à ne plus faire confiance à personne, jusqu’à en friser la paranoïa…Mis à part un traumatisme dont on se doute qu’il ne se débarrassera pas facilement, tout finira bien pour lui…

Points forts

  • Décidément Jérôme Salle est un cinéaste qui voit grand : Il aime les épopées, les histoires folles et les personnages qui sortent de l’ordinaire. Aussi quand il prend connaissance de l’histoire vraie de Yoann Barbeau, ce directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk qui, en 2015, accusé à tort de crimes sexuels réussit à échapper aux rêts du FSB après une épopée folle de plusieurs milliers de kilomètres à travers la Russie, il se dit qu’il tient là un sujet. Pour écrire son scénario, il fait appel à l’écrivain Caryl Férey, dont il avait déjà adapté en 2013 le roman Zulu. Cette collaboration donne un scénario haletant que le réalisateur va déployer sur le grand écran sans avoir recours à  ces effets spéciaux qui biseautent  les cartes du réalisme et de l’émotion.
  • A scénario ambitieux, distribution cinq étoiles. Jérôme Salle connaît peu Gilles Lellouche qu’il n’a dirigé que pour un rôle secondaire dans son premier film Anthony Zimmer. Mais il a suivi la carrière de l’acteur et sait que ce dernier n’aime rien tant jouer que ces personnages psychologiquement fracassés mais physiquement résistants, voire battants. Il n’aurait pu trouver mieux. L’acteur de Bac Nord est sensationnel dans le rôle. De sincérité, de densité, de complexité et de détermination. Dans le rôle féminin principal qui donne sa dimension amoureuse à ce thriller, l’actrice polonaise Joanna Kulig qu’on avait découverte dans Cold War  fait elle aussi des étincelles. Et elle réussit ici l’exploit de  parler russe et français alors que sa langue maternelle est le polonais.
  • Comme à son habitude Jérôme Salle  ( L’Odyssée, Largo Winch, Anthony Zimmer) a particulièrement soigné l’esthétique de son film. Les cadres sont précis et efficaces, et la photo, splendide. Saluons au passage son « auteur », Denis Rouden, l’un des plus grands chefs op français.

Quelques réserves

Le film sort par moments de son ancrage réaliste pour nous embarquer dans des séquences difficilement crédibles. Son histoire étant en elle-même suffisamment costaude, il n’en avait pas besoin.

Encore un mot...

 Six ans après l’Odyssée qui racontait la vie du commandant Cousteau, Jérôme Salle revient à ses premières amours, le thriller d’action. Contrairement à Anthony Zimmer qui relevait de la pure fiction, Kompromat s’inspire d’une histoire vraie dont on devine, à travers la reconstitution qu’en fait son réalisateur, qu’elle fut forte et haletante pour celui qui la vécut. Jérôme Salle a beaucoup  de goût et d’élégance. Il a aussi un indéniable savoir-faire, un vrai amour pour le cinéma  et un respect infini pour ses acteurs (Gilles Lellouche est formidablement bien filmé). Cela se sent, cela se voit, une fois encore. S’il ne révolutionne pas le 7ème art, Kompromat est  de la belle ouvrage. Il est beau, efficace, haletant et édifiant puisqu’au passage, il en dit long sur les méthodes des Services secrets russes.

Une phrase

« Mathieu Roussel, c’est le « boy next door » à qui il arrive des histoires incroyables. J’adore ça parce que j’ai l’impression que c’est la quintessence du cinéma. En tous cas, dans le film, ça faisait écho à des fantasmes de cinéma qui me parlent : Le Fugitif, Les Trois jours du Condor… Mais il y avait surtout la possibilité de jouer des scènes que je n’avais jamais interprétées avant. » ( Gilles Lellouche, comédien, « Première »).

L'auteur

C’est en 2005, avec Anthony Zimmer, son tout premier film que ce cinéaste, né à Paris le 8 juin 1971, se fait connaître. Ce polar, porté par Sophie Marceau et Yvan Attal, lui valut une nomination au César du meilleur premier film. 

 Après près de vingt ans de carrière, s’il fallait attribuer à Jérôme Salle une singularité, on pourrait dire qu’il est le cinéaste français des films à grande envergure. Largo Winch, 1 et 2 ( 2008 et 2010), c’est lui. Zulu en 2013 ( un polar à grand spectacle dans l’Afrique du Sud du temps de l’Apartheid), c’est encore lui. L’Odyssée, en 2016, qui brossait le portrait à la fois intime et public d’un commandant Cousteau incarné pour la circonstance par un Lambert Wilson particulièrement habité, c’est toujours lui. 

Il récidive aujourd’hui dans le film à grand spectacle  avec ce Kompromat. On peut  raisonnablement penser que malgré la crise du cinéma, ce thriller aussi spectaculaire qu’ ambitieux va réaliser un joli score au box office.

Et aussi

  • LE TIGRE ET LE PRÉSIDENT  de JEAN-MARC PEYREFITTE - Avec JACQUES GAMBLIN, ANDRÉ DUSSOLIER , CHRISTIAN HECQ , ANNA MOUGLALIS…

1920, au début des Années Folles. Georges Clémenceau, surnommé le Tigre pour  sa stature, sa virilité et son don pour balancer des formules cinglantes, vient de perdre l’élection présidentielle (à son grand dam) au profit de Paul Deschanel. Totalement inconnu, ce dernier est un idéaliste fantasque et évanescent, qui s’imagine naïvement  pouvoir changer le pays grâce à ses idées progressistes, qu’il véhicule dans des discours d’un langage trop châtié pour qu’ils  marquent les esprits. Tombé par mégarde d’un train en marche, et devenu, de ce fait, la risée de la classe politique, cet homme lunaire et bon ne tardera pas à démissionner avant d’avoir pu s’inscrire dans l’Histoire. Il ne sera resté que sept mois au pouvoir.

Quelle belle idée avait eu Jean-Marc Peyrefitte de confronter deux hommes d’Etat que tout opposait : l’ambition, la stature, les idées et la manière d’appréhender la vie publique. C’était l’occasion de découvrir un Président français méconnu et d’en apprendre de belles sur les mœurs politiques d’un homme d’Etat passé, pour sa part, à la postérité. Si les dialogues de son film se révèlent intéressants, en revanche, sa réalisation ne suit pas, qui ressemble à celle d’un téléfilm plutôt plan-plan. Heureusement, l’interprétation est délectable, qui nous tient en éveil jusqu’au bout. Jacques Gamblin campe avec la poésie qu’on lui connaît un Paul Deschanel dépassé par les événements. Méconnaissable sous son faux crâne, André Dussollier interprète quant à lui un  Clémenceau féroce avec une gourmandise toute féline. 

Recommandation : 3 coeurs

 

  • PLAN 75 de CHIE HAYAKAWA- Avec CHIEKO BAISHO, HAYATO ISOMURA, KAWAI YUUMI…

Au Japon dans un futur proche, le vieillissement de la population s’accélère. Estimant  qu’à partir d’un certain âge les seniors de plus de 75 ans deviennent une charge inutile  pour la société, le gouvernement met en place le bien nommé  « plan 75 » qui leur propose un accompagnement logistique et financier pour mettre fin à leurs jours. Une candidate à ce plan, Michi, un recruteur du gouvernement, Hiromu, et une jeune aide-soignante philippine, Maria, vont se retrouver confrontés à ce plan mortifère…

 Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Chie Hayakawa a choisi d’aborder un sujet délicat, qui préoccupe depuis plusieurs années les dirigeants de son pays : celui des personnes âgées dont le nombre croissant ( 28,4% de la population japonaise a aujourd’hui plus de 65 ans ) pèse sur l’économie du pays du Soleil Levant. La primo cinéaste le fait à travers cette inquiétante fiction dramatique  (d’anticipation? On l’espère !) où un gouvernement va autoriser l’euthanasie sans conditions pour les plus de 75 ans. Elle en profite pour poser ces angoissantes questions : jusqu’où une population serait prête à aller pour préserver l’avenir de ses générations futures? Jusqu’où des gouvernants accepteraient de rendre infernale la vie de leurs Anciens pour qu’ils adhèrent au Plan 75? Sombre, intelligent, tendu et d’une logique implacable, le film de Chie Hayakawa, qui a été récompensé au dernier festival de Cannes par la Caméra d’Or, fait froid dans le dos. Elle l’a qualifié « d’anticipation ». On l’espère.

Recommandation : 4 coeurs

 

Commentaires

PLUQUET Gérard
mer 07/09/2022 - 18:32

J’ai vu le tigre et le président je suis un peu partagé je trouve par moment que ce film est un film muet qui se serait adapté au parlant et empreint de comédie et je ne m’y attendais pas. Par contre je salue la performance de Mr GAMBLIN et les morceaux musicaux adaptés aux situations rencontrées par chacun des deux personnages et au caractère afférent à chacun d’eux.

PLUQUET Gerard
mer 07/09/2022 - 18:36

J’ai vu KOMPROMAT ce matin et félicite Gilles LELOUCHE pour sa performance et bravo au réalisateur pour nous montrer le fonctionnement de la société russe.

Nathalie FLORENT
lun 12/09/2022 - 16:17

Très beau film, à voir

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
Vous pourriez aussi être intéressé

Vous pourriez aussi être intéressé