La Saison des Femmes

Du très bon cinéma à "message", ce qui est rare...
De
Leena Yadav
Avec
Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte, Surveen Chawla, Lehar Khan, Riddhi Sen, Mahesh Balraj, Chandan Anand, Sumeet Vyas, Adil Hussain
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

De nos jours, à Ujhaas, village pauvre de l’Etat du Gujarat, au nord-ouest de l’Inde, Rani, veuve depuis 15 ans, marie son ado Gulab à la jeune Janaki. Préférant la compagnie des prostituées pour les faveurs desquelles il s’endette, Gulab rejette avec mépris son épouse. De plus, il hait Kishan, homme moderne qui pousse son épouse Naobi à étudier, revend honnêtement les tissus confectionnés sur place et a décidé d’obtenir l’argent qui apportera la TV au village. Face à ses dérives, Rani trouve le réconfort auprès de ses amies Lajjo, stérile et battue par son mari alcoolique, et Bijli, Go Go dancer sous chapiteau et prostituée. Leur complicité et l’influence de Bilji vont amener Rani, Lajjo et Janaki à s’émanciper avec elle de la tutelle misogyne des hommes et à choisir la voie de leur cœur.

Points forts

Leena Yadav établit un parfait équilibre entre le cinéma indien avec son intrigue entrecoupée de chants et de danses à la Bollywood et le goût européen, plus catégoriel dans sa narration.

De la même façon, son subtil contrepoint associant souffle d’optimisme libérateur et attaque édifiante de la misogynie parfois violente comme de la transmission des traditions faisant de la femme un objet sexuel et de marchandage assure de bout en bout l’aspect roboratif du spectacle.

Les quatre comédiennes sont formidables de nuance et de naturel tandis que le récit alterne en toute harmonie gaieté et drame.

Les plans sont de véritables tableaux alternant couleurs criardes et tons chauds sans jamais être pour autant illustratifs de la teneur des scènes : celles-ci peuvent être lumineuses et vouées à la cruauté ou sombres et empreintes de sensualité et d’amour. Et inversement.

Quelques réserves

Il faut, bien sûr, accepter l’empreinte “indienne” du traitement (ainsi les surgissements chantés) si malins soient-ils et s’intéresser à ce qu’il se passe hors de l’Occident en général et de la France en particulier...

Encore un mot...

Si, comme en atteste l’actualité, les femmes occupent des postes politiques importants dans l’Inde d'aujourd'hui, leur condition y reste profondément marquée par une discrimination de genre ancrée dans des traditions moyen-âgeuses, depuis les milliers de dowry deaths (femmes tuées parce que leur dot est insuffisante pour un mariage) jusqu'aux infanticides de filles en passant par le mariage des fillettes. Le rapport de 2007 du forum économique mondial indiquant l’écart entre les sexes place l’Inde à la 114ème place sur 128 pays étudiés. Elle serait actuellement le quatrième pays le plus dangereux au monde pour elles. 

Notons que Leena Yadav eut à pâtir de cette situation sur le terrain, les villageois – surtout des jeunes ! -  ayant refusé qu’une femme portant un pantalon s’adressât à des hommes car ça les pervertirait. Pour contourner cet obstacle et rester la plus authentique possible, elle dut inventer le village d’Ujhaasainsi que la langue qui y est parlée, un mélange d’hindi et de dialecte local. 

Dédié aux femmes dont les témoignages ont permis de dresser le portrait des quatre héroïnes (tout comme les hommes sont les concentrés de comportements réels), financé par le mari de la réalisatrice, ce film est à voir pour la qualité de sa forme, la pertinence de son fond, l’urgence et la puissance de son message.

Une phrase

- “Avant d’être un homme, apprends à être humain”. (Rani à son fils Gulab)

- “Les femmes qui sont instruites font de mauvaises épouses”.(Un membre du conseil des anciens)

L'auteur

Née en 1971, fille d’un ex général de division de l’armée indienne qui changeait d’affectation tous les deux ans, Leena Yadav a retiré de ses constants déménagements une grande capacité d’adaptation, qui a eu un impact considérable sur elle. Il convient d’y ajouter l’influence de ses grands-parents qui lui ont appris à aimer les gens pour ce qu’ils sont et non selon leur appartenance sociale, religieuse, de caste, etc.     

     Professionnellement, Leena Yadav fait son entrée dans l’univers du cinéma en montant des publicités au début des années 1990. Elle réalise ensuite plus de 300 heures de programmes pour la télévision, notamment des séries à succès. 

    Son premier film, Shabd (2005), est une comédie autour d’un romancier manipulant sa femme pour trouver l’inspiration, avec les stars Aishwarya Rai, Sanjay Dutt et Zayed Khan. Le deuxième, Teen Patti (2010), est un thriller sur la cupidité, la tromperie et la théorie des jeux, avec deux légendes du cinéma au générique : Amitabh Bachchan et Sir Ben Kingsley. 

La saison des femmes est donc son troisième long-métrage.

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