La Villa

Du grand cinéma, tous publics
De
Robert Guediguian
Avec
Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin, Gérard Meylan, Robinson Stevenin, Anais Demoustier
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Dans la calanque de Méjean, près de Marseille, surplombée par un viaduc sur lequel passent des trains, deux frères et une sœur, Joseph (Jean-Pierre Darroussin), Armand (Gérard Meylan), et Angèle (Ariane Ascaride) se rassemblent autour de leur père qu’une attaque cérébrale a laissé dans un état végétatif. 

Pour cette  fratrie, qui ne se voyait plus guère, ces retrouvailles vont sonner l’heure du bilan, qui, pour aucun des trois ne va se révéler très glorieux. Armand s’échine à essayer de maintenir, seul, le restaurant ouvrier de son père. Joseph court après sa jeunesse, en aimant sans illusion une femme plus jeune que lui (Anaïs Demoustier). Quant à Angèle, comédienne au long cours, elle essaie d’oublier dans les rôles qu’elle enchaîne, la douleur d’avoir perdu son fils, mort noyé  dans cette calanque…

Ces trois là qui se retrouvent donc, dans la villa de leur père, après un long éloignement, vont  régler leurs comptes, entre eux, et avec eux mêmes,  évoquant leurs idéaux de jeunesse et  leurs rêves brisés. Entre engueulades, fous rires et larmes,  ils vont parler de leurs drames personnels, de ce qui les a séparés, et de ce qui finalement les réunit, là, à ce moment-ci  de leur vie, au delà de la maladie de leur père. Leur lien fraternel n’a malgré tout jamais été vraiment rompu.

La beauté de ce coin perdu entre mer et rocs, comme planqué sous le haut   manteau pierreux de l’aqueduc, incite aux confidences, aux abandons et à la réconciliation. C‘est l’hiver, mais le soleil brille, qui réchauffe et embellit tout, comme toujours, comme avant, comme maintenant, dans ce film; et aussi, sans aucun doute, comme demain. 

Dans ce petit port du bout du monde, le temps ne s’est pas arrêté. De jeunes migrants orphelins y débarquent… La fratrie va se ressouder… La vie peut, va continuer…

Points forts

- Mais comment fait-il, Robert Guédiguian,  pour tisser des histoires à chaque fois bouleversantes, à chaque fois différentes,  avec, pourtant, pratiquement  toujours les mêmes acteurs, qui évoluent  dans pratiquement toujours  les mêmes lieux ? L’humanisme et la fraternité  sont chez lui des sources inépuisables de scénarios. La célébration des gens « simples » aussi.

 Ça fait un bien fou qu’un cinéaste nous rappelle que la beauté,  l’élégance   le partage et le bonheur, sont ailleurs que dans ce qu’on  glorifie partout aujourd’hui, le fric, la réussite sociale et le bling-bling.

- « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». L’intellectuel Guédiguian a toujours fait sienne cette maxime de Boileau. Chez lui, ni  périphrase, ni redondance, ni discours prétentieux. Ses mots sont simples, ses dialogues, dépouillés, écrits pour toucher directement  tous les publics, en plein cœur.

Ce souci de la simplicité se ressent aussi dans sa façon de filmer. Beaucoup de plans fixes, aux cadrages parfaits, qui prennent le temps  de magnifier les décors et d’accompagner  les personnages de l’histoire qui se joue.

- Et pour interpréter ces personnages, des acteurs déchirants de profondeur et de sincérité. Ici, les « récurrents » du cinéaste, comme Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin , des nouvellement cooptés, comme Anaïs Demoustier et des « entrés de fraîche date dans le clan » comme Robinson Stevenin, qui compose ici, avec une étrangeté incandescente, un marin-pêcheur fou amoureux de la femme qui l’a initié au théâtre, en l’occurrence, Angèle.

Quelques réserves

A condition qu’on accepte son côté  un peu « utopiste » (une foi inébranlable dans l’humanité, malgré l’individualisme et les atrocités du monde d’aujourd’hui), il n’y a rien, absolument rien, à reprocher à ce film.

Encore un mot...

Intelligent, profond, engagé, sentimental, généreux, nostalgique et en même temps, porteur d’un espoir fou dans la magnanimité humaine… La Villa de Robert Guédiguian est tout cela à la fois, et plus encore,  puisqu’on en sort bouleversé, chaviré. 

Réflexion sur le temps qui passe et celui à venir, c’est sans doute le plus beau film du cinéaste. « Beau » dans toutes les acceptions du terme. Au sens propre parce que, formellement, dans la simplicité radieuse de ses plans, il est splendide. Au sens figuré parce que, sans une once de discours moralisateur, il exalte ces valeurs qui maintiennent l’homme dans le partage et la fraternité. Loin de la barbarie et de l’indignité.

Une phrase

« Si j’exagère, je dirais que je ne pouvais pas faire un film aujourd’hui sans parler des réfugiés : on vit dans un pays où des gens se noient en mer tous les jours. Et je choisis exprès le mot « réfugiés ». Je me moque que ce soit pour des raisons climatiques, économiques ou à cause d’une guerre, ils viennent chercher un refuge, un foyer » (Robert Guédiguian, réalisateur).

L'auteur

Né à Marseille le 3 décembre 1953, d’un père ouvrier électricien d’origine arménienne, Robert Guédiguian se passionne, dès l’enfance, pour le cinéma, et dès l’adolescence pour la politique. Il n’a que quatorze ans lorsqu’il adhère au Parti communiste français (dont il se retirera en 1980).

Bien que vivant à Paris depuis 1975 (l’année de sa thèse), où il a désormais sa maison de  production, ce cinéaste a pour particularité de situer (presque) tous ses films dans sa ville natale. Elle lui inspire des histoires fortes, simples, solaires, portées par ces valeurs qu’il n'a jamais cessé de célébrer depuis ses engagements de jeunesse, à savoir la fraternité  et la solidarité. 

Autre particularité de ce cinéaste singulier, sa fidélité. Dans presque toutes ses œuvres, on retrouve ses trois  comédiens fétiches, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride qu‘il rencontra en 1970 à Aix-en-Provence, épousa quelques années après, et qui est à l’affiche de tous ses films, depuis son premier, Dernier Été (1980); exception faite du Promeneur du Champ de Mars en 2005.

Parmi ses films notables, A la vie, à la mort (1995), Marius et Jeannette (1997), Marie Jo et ses deux amours (2002), Les Neiges du Kilimandjaro (2011), et Une histoire de fou (2015).

La Villa est son vingtième long métrage.

Et aussi

« PLONGER », de Mélanie Laurent

 Pour son quatrième film en tant que réalisatrice, Mélanie Laurent a choisi de nous embarquer dans une histoire d’amour fou, adaptée du roman éponyme de Christophe Ono-di-Biot.

César, un journaliste baroudeur, rencontre Paz, une photographe aventurière. Il est quadragénaire et français, elle est à peine trentenaire, et espagnole, mais le corps et le cœur de ces deux-là  s’emballent : bonheur intense, passion charnelle. Devenue mère sans l’avoir vraiment désirée, Paz  finit pourtant par étouffer dans cette relation exclusive et elle s’enfuit. César part à sa recherche. Le film change de style et devient tragédie.

Soutenu par une image magnifique, porté par deux acteurs excellents, Maria Valverde (aussi intense que belle), et Gilles Lellouche (bouleversant en homme brisé par le chagrin), Plonger aurait dû enthousiasmer pleinement. Mais quelque chose retient. Peut-être la sophistication du récit qui filtre l’émotion. Dommage! Moins maniéré, ce film visuellement ambitieux aurait été (presque) parfait.

RECOMMANDATION : BON

 

« C’EST TOUT POUR MOI », de Nawell Madani et Ludovic Colbeau Justin

Vous cherchez une comédie « pepsy », sympathique, marrante, bien jouée,  et qui respire le vécu ? La voici !

Lila, une jeune belge (Nawell Madani), n’a qu’une idée en tête : venir à Paris pour devenir chorégraphe et se faire un nom dans le milieu du spectacle.   Evidemment, malgré sa gouaille, son énergie, son humour et son talent,  elle va enchaîner les  galères et les désillusions. Tenace, elle va s’accrocher. La danse ne veut  pas d’elle ? Tant pis ! Elle se lance bride abattue dans le théâtre, puis se jette, à cops perdu, dans le stand ‘up. Bingo! Elle y  trouve enfin  sa place…

Inspiré (très) librement de la vie de sa réalisatrice, Nawell Madani, écrit et joué par elle aussi, C’est tout pour moi, avait fait un carton au dernier festival d’Angoulême. On lui souhaite  le même genre d’accueil pour sa sortie en salles.

RECOMMANDATION : BON.

 

« LA PROMESSE » de Terry George.

La tragédie du génocide arménien, évoquée à travers une histoire d’amour triangulaire…

En 1914, à la veille de l’effondrement de l’Empire Ottoman, un étudiant en médecine arménien (Oscar Isaac) et un reporter photographe américain, venu enquêter sur les violences faites dans la région aux minorités ethniques (Christian Bale), se disputent les faveurs d’une jeune et jolie gouvernante (Charlotte Lebon).

Traiter d’un drame en utilisant les atouts d’une romance… Cette  méthode a souvent fait ses preuves. En témoignent, par exemple, Le Docteur Jivago ou La Fille de Ryan. Bien que moins bien maîtrisée, à de nombreux niveaux (scénario plus confus, images moins « belles », personnages moins attachants), cette façon de faire marche quand même ici, une fois encore. On regarde avec intérêt cette fresque d’un sujet rarement évoqué au cinéma. On compatit aux malheurs du peuple arménien. On applaudit à son courage. C’est très intéressant.

RECOMMANDATION : BON

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