LE CAS RICHARD JEWELL

L’HISTOIRE VRAIE D’UN HÉROS ORDINAIRE BROYÉ PAR LA MACHINE ÉTATIQUE : UN CLINT EASTWOOD GRAND CRU…
De
CLINT EASTWOOD
Avec
AVEC PAUL WALTER HAUSER, KATHY BATES, SAM ROCKWELL…
Notre recommandation
5/5

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Thème

Le 27 juillet 1996, pendant un concert donné en marge des jeux Olympiques d’Atlanta, Richard Jewell, un obscur agent de sécurité (Paul Walter Hauser) trouve un sac rempli d’explosifs sous un banc du parc du Centenaire. Il déclenche l’alerte et évite un carnage. Si ce héros anonyme devient immédiatement une star des médias, il est, précisément pour cette raison, assez vite suspecté par le FBI qui voit en lui un coupable idéal. La presse va tourner casaque et suivre bride abattue le FBI dans son délire paranoïaque. Richard Jewell va rejoindre la cohorte des pauvres gens victimes d’une machination. Sa vie et celle de sa mère (Katie Bates) vont être détruites…

C’est ce fait divers, qui a inspiré ici Clint Eastwood. Entre reconstitution et images d’archives, le cinéaste retrace la vie d’un homme naïf et intègre dont le seul rêve était d’être flic pour sauver son pays de la corruption, et qui se retrouve, sans comprendre pourquoi sur le banc des accusés, bouc émissaire dans une terrible affaire d’attentat. Grâce à un avocat providentiel (Sam Rockwell), il sera finalement blanchi. Mais son préjudice ne sera jamais complètement réparé. Usé prématurément, il mourra onze ans plus tard, à 44 ans d’une crise cardiaque.On apprendra que le vrai coupable sera arrêté quelques années plus tard. Il s’agissait d’un activiste d’extrême droite, Eric Rudolph.

Points forts

Il faudrait ne pas connaître Clint Eastwood pour ne pas comprendre ce qui a pu le séduire dans cette affaire Richard Jewell, élevé au rang de héros national en un jour et ravalé à celui d’ennemi public numéro 1 le lendemain. Le cinéaste s’est en effet toujours intéressé à la façon dont l’Amérique est capable de façonner des héros, puis de les déboulonner, avec la même vitesse, la même force et parfois, le même aveuglement.

Le casting est bluffant. Sosie presque parfait du vrai Richard Jewell, Paul Walter Hauser impressionne dans le rôle titre. Tour à tour effacé, maladroit, ahuri, tendre, sentimental, ambigu, bravache et imbu de l’importance de sa mission d’agent de sécurité, il est magistral. On a rarement vu un acteur susciter autant de compassion et d’interrogations sur son personnage. Sam Rockwell (3 billboards, Les panneaux de la vengeance ) est, pour sa part, excellent en avocat des déclassés. Dans la dignité, si douloureuse, avec laquelle elle incarne la mère du héros, Katie Bates arrache des larmes.

Quelques réserves

Si on voulait chipoter , on pourrait trouver que ce film donne une image un peu trop caricaturale de la presse. Mais est-ce vrai aujourd’hui? Sinon, zéro point faible.

Encore un mot...

Décidément, même nonagénaire (dans trois mois ),Clint Eastwood a la santé et la capacité d’indignation d’un jeune homme. Un an et demi après avoir réalisé la Mule, ce film à la fois drôle et crépusculaire dont tout le monde pensait qu’il serait son oeuvre testamentaire, le voilà de nouveau aux manettes d’un thriller sensationnel dans lequel une fois de plus après, entre autres, Jugé coupable et Sully, il dénonce la machine étatique américaine quand elle broie des individus innocents. Il en profite pour brocarder violemment au passage cette presse prête à tout quand il s’agit d’obtenir un scoop. Le grand Clint n’est jamais meilleur que lorsqu’il s’inspire d’une histoire vraie dont il pense qu’elle est « une tragédie typiquement américaine ». Sachant que Clint est viscéralement yankee, on ne peut que penser à l’adage: « Qui aime bien châtie bien ».

Une phrase

« On entend souvent parler de gens puissants qui se font accuser de choses et d’autres, mais ils ont de l’argent, font appel à un bon avocat, et échappent aux poursuites. L’histoire de Richard Jewell m’a intéressé parce que c’était un monsieur tout le monde. Il n’avait jamais été poursuivi, mais il a été largement persécuté. Les gens se sont empressés de l’accuser; il n’a pas pu échapper à ces accusations et pendant longtemps, il est resté trop naïf et idéaliste pour se rendre compte qu’il devait sauver sa peau… C‘est pour réhabiliter son honneur que j’ai voulu faire ce film » ( Clint Eastwood, réalisateur).

L'auteur

A bientôt 90 ans (le 31 mai prochain), Clint Eastwood est l’un des vétérans les plus admirés, écoutés et récompensés du cinéma américain. Á la fois acteur, scénariste. réalisateur, compositeur et producteur, il en incarne d’autant plus le rêve qu’il est autodidacte et s’est formé sur le tas.

Après des débuts médiocres et des boulots alimentaires, il se fait remarquer pendant son service militaire par le réalisateur de la série Rawhide. Sa grande taille (1m95), son allure dégingandée et son regard de lynx font merveille dans cette série qui raconte la vie quotidienne des cowboys.
Il est alors remarqué par un réalisateur italien encore peu connu, Sergio Leone, qui lui propose de l’accompagner en Espagne pour participer comme acteur au tournage de la Trilogie du dollar (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la Brute et le Truand).

Sa carrière est lancée. Devenu célèbre, il interprète de nombreux rôles, notamment ceux de l’Inspecteur Harry, un redresseur de torts qui le fait passer, à …tort, pour un épouvantable macho. En I968, il devient producteur et réalise en 1971son premier film : Un frisson dans la nuit.
Depuis les années 2000, il sort un film presque au rythme d'un par an. Parmi eux quelques chefs d’oeuvre dont Impitoyable, Million Dollar baby (Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur), Mystic River, Mémoires de nos pères, Invictus, American Sniper (le film le plus lucratif de 2014), et la Mule.

Le cas Richard Jewell est le trente huitième film réalisé par cette star, par ailleurs  compositeur de musique, golfeur assidu, pilote passionné et père de sept enfants. 

Et aussi

– « UNE MÈRE INCROYABLE » DE FRANCO LOLLI – AVEC CAROLINA SANIN, LETICIA GOMEZ, ANTONIO MARTINEZ…

A Bogota, Silvia, mère célibataire et juriste est mise en cause dans une affaire de corruption politico-financière. Á ses difficultés professionnelles s’en ajoute une plus personnelle : sa mère, Laetitia, caractère de chien et fumeuse invétérée, développe un cancer qu’elle refuse de soigner. Entre Silvia et sa mère, si les liens sont forts, les relations sont tendues, pour ne pas dire explosives. Il suffit que l’une dise blanc pour que l’autre dise noir. Ces mésententes perturbent tellement Silvia que sa vie sentimentale en pâtit .

En dressant ces portraits d’une mère et d’une fille que, sauf une tendresse indestructible, tout sépare, le réalisateur Franco Lolli aurait pu tomber dans le mélo. Son film est au contraire un petit bijou de vitalité et d’énergie. Si le coeur se serre parfois, le rire affleure souvent. Le réalisme l’emporte tout le temps, barrant le passage au pathos. Les deux comédiennes du film, pourtant non professionnelles (l’une est l’écrivaine Carolina Sanin, l’autre, la propre mère du réalisateur) sont épatantes. Ajouter qu’Une mère incroyable avait été choisi pour faire l’ouverture de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes.

Recommandation : excellent

 

– « DES HOMMES » DE ALICE ADIOT ET JEAN-ROBERT VIALLET – DOCUMENTAIRE

Et d’abord, l’image d’un homme derrière des barreaux demandant en vain qu’on lui donne du feu, juste à côté d’un panneau d’interdiction de fumer. Il articule mal, a des allures de lion en cage. Cette séquence impressionnante, tournée à plat, donne le ton de ce documentaire tourné à la prison des Baumettes à Marseille, quelques mois avant qu’elle ne soit rasée après 70 années de service, pour cause de vétusté et de surpopulation. Dès cette séquence d’ouverture, on comprend que ce qui a intéressé les deux auteurs de ce documentaire (Prix Albert Londres l’un et l’autre pour des oeuvres différentes), ce n’est pas tant la dégradation de cet établissement que les conditions de vie des hommes qui y ont séjourné : des journées passées à ne rien faire, juste à gamberger sur ce qui les a amenés là, juste à attendre les heures des repas, de douche, de gym ou de promenade. 

Le tournage de Des Hommes a duré 25 jours étalés sur deux ans. On va y croiser une humanité multiple, complexe, repentante ou non, agressive ou désabusée, mais quoiqu’il en soit toujours moralement « sinistrée ». On va aussi y rencontrer des membres de l’administration pénitentiaires formidables de compassion et aussi, parfois, d’humour. Au bout des 83 minutes que dure ce film, on va se rendre compte que la privation de liberté n’est peut être pas le meilleur moyen pour conduire un homme à retrouver une place dans la société et lui redonner sa dignité à l’issue de sa peine. Édifiant.

Recommandation : excellent.

 

– « LETTRE À FRANCO » DE ALEJANDRO AMENABAR – AVEC KARRA ELEJALDE, EDUARD FERNANDEZ, NATHALIE POZA…

Espagne, été 1936. Soutenu par les militaires, le général Francisco Franco prend la tête d’un coup d’état contre le gouvernement républicain espagnol. Pensant qu’il va rétablir l’ordre dans le pays, un célèbre écrivain, Miguel de Unamuno, va d’abord publiquement le soutenir, avant de se rendre compte de son erreur et de le combattre. Un discours courageux prononcé à Salamanque où ce brillant intellectuel prend position contre les nationalistes - “Vous vaincrez, mais ne convaincrez pas“- lui vaudra d’être renvoyé de son poste de doyen de l’Université de la ville et d’être assigné à résidence.

À travers le portrait d’un des intellectuels espagnols les plus importants du XXème siècle, c’est à une fidèle reconstitution de l’une des pages les plus marquantes et les plus douloureuses de l’Histoire de son pays que nous convie ici le réalisateur du cultissime Les Autres. Même si le ton est un peu âpre et le rythme, un peu lent, son film, ciselé, très respectueux de l’esprit des faits, est passionnant de bout en bout. Il est, en plus, formellement très beau. Dans le rôle de l’écrivain Miguel de Unamuno, Eduard Fernandez est remarquable.

Recommandation : bon.

 

– « AMARE AMARO » DE JULIEN PAOLINI – AVEC SYRUS SHAHIDI, CELESTE CASCIARO, TONY SPERANDEO…

Dans un petit village sicilien, Gaetano, un jeune boulanger d’origine française mène une existence austère et sans histoire. Un jour, son frère, truand notoire, est tué en représailles de deux crimes qu’il a commis dans le bistro de la rue principale. En raison des liens du sang, Gaetano décide de l’enterrer auprès de sa mère, dans le cimetière local. Mais les habitants ne vont pas l’entendre de cette oreille. Chez eux, les criminels ne peuvent pas être enterrés aux côtés des gens honnêtes. Une tragédie se met en marche, qui s’achèvera dans le sang.

Face à ce drame, il est impossible de ne pas songer à Antigone, cette héroïne jusqu’au boutiste de Sophocle qui paya de sa vie son sublime entêtement. Ici, il s’agit d’un homme qui s’insurge contre le pouvoir et les traditions. Mais son histoire est aussi belle, aussi sobre, aussi implacable que celle de l’héroïne grecque. Julien Paolini la magnifie encore avec un sens du cadre indéniable et une photo magnifique. Ce film est tellement splendide visuellement qu’on en oublie les quelques petites maladresses du scénario.

Recommandation : bon.

 

 – « TOUT PEUT CHANGER – ET SI LES FEMMES COMPTAIENT À HOLLYWOOD ? »  DE TOM DONAHUE – DOCUMENTAIRE

A la 52 ème cérémonie des Oscars, une fois encore, aucune femme n’avait la moindre chance de remporter le prix de la meilleure réalisation, puisqu’aucune n’avait été nommée dans cette catégorie. Dans ce contexte, ce documentaire sorti 10 jours après cette cérémonie tombe à pic, puisqu’il pointe la sous-représentation des femmes dans l’industrie cinématographique américaine. Produit par Geena Davis, actrice militante féministe depuis plus de quinze ans, ce documentaire dénonce, preuves et chiffres à l’appui, comment a été instaurée et s’est maintenue la discrimination féminine dans le 7ème art. Le réalisateur Tom Donahue appuie sa démonstration par des témoignages de figures importantes du cinéma américain – actrices ou productrices –, dont Meryl Streep, Nathalie Portman, Jessica Chastain et, bien sûr Geena Davis. C’est évidemment édifiant. Dommage que la forme -une succession d’extraits de films et d’interventions coupés « cut », sans jamais de confrontation, ni d’arrêt sur « images »- ne soit pas à la hauteur des propos tenus. On se console en se disant que  le plus important est que ce documentaire néanmoins très intéressant ait vu le jour et soit distribué dans le monde entier.

Recommandation: bon

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