L’effet aquatique

En souvenir, et pas seulement
De
Solveig Anspach
Avec
Florence Loiret Caille, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Samir (Sami Guesmi), ouvrier dans le bâtiment, tombe raide amoureux d’Agathe (Florence Loiret Caille), maître-nageuse au stade nautique Maurice Thorez à Montreuil. Pour l’approcher, il ne trouve pas mieux que de s’inscrire à ses cours de natation alors qu’il sait nager, ce qu’elle ne tarde pas à découvrir à son grand déplaisir, car elle n’aime pas les menteurs. Quand elle s’envole pour l’Islande où se tient comme par hasard un congrès international de maîtres-nageurs, Samir prend l’avion suivant et se fait passer pour un membre de la délégation palestinienne, nouveau mensonge.

Points forts

- « Nos fidélités sont des citadelles » disait Antoine de Saint-Exupéry. Les fidélités de Solveig Anspach sont, de film en film, tenaces. D’abord la banlieue de Montreuil où elle tournait avec sa bande de copains. Dans « L’effet aquatique », sa tendresse pour cette banlieue est touchante comme un adieu.

- Ensuite ses acteurs et actrices, et, en premier lieu, Florence Loiret Caille, androgyne volontaire et déterminée voire butée, que la réalisatrice filme avec un amusement constant. Quand elle est dans le cadre, Florence, elle supplante tout le monde. Idem pour Didda Jonsdottir, une Islandaise fantasque, débrouillarde, écolo en diable, encombrée d’un grand fils maladroit, une femme que la réalisatrice balade de film en film et qui vit dans ce nord extrême où si tu n’es pas solidaire, tu meurs. Une actrice que l’on retrouve dans ce que la réalisatrice appelait sa « trilogie fauchée » puisque « Queen of Montreuil » est plus ou moins la suite de « Back soon » et que « L’effet aquatique » en est le troisième et dernier volet. Mais ces trois long métrages ont chacun une intrigue propre.

- Enfin il y a l’Islande où finissent la plupart des films de Solveig après avoir commencé à Montreuil ou ailleurs. L’Islande et ses fabuleux paysages. L’Islande et son goût prononcé pour l’hygiène qui devrait nous faire honte, nous Français, mais qui, dans ce film, nous fait plutôt pleurer de rire.

Quelques réserves

Le burlesque est un genre intenable sur la longueur, sauf pour quelques clowns géniaux comme Jerry Lewis. Voilà pourquoi Laurel et Hardy, Charly Chaplin au début et Buster Keaton cultivaient les films courts. Car sur la longueur, il arrive que l’intrigue plonge pour rester immobile au fond de la piscine. Heureusement, la réalisatrice ne fait pas dans le burlesque permanent ; à l’image d’un Pierre Jolivet, elle alterne les scènes loufoques avec des instants d’émotion poétique.

Encore un mot...

Solveig Anspach a réalisé de nombreux documentaires et cela se voit dans sa façon de filmer son pays natal et Paris. Samir, l’amoureux menteur, est grutier. Du haut de sa machine, il regarde la course du soleil sur la grande ville. « Qui n’a pas vu à l’aube une route droite entre deux rangées d’arbres ne sait pas ce que c’est que l’espérance » écrivait Bernanos qui, lui, cultivait la campagne plutôt que la ville. Qui n’a pas vu le soleil se coucher sur Paris dans un film de Solveig Anspach ne sait pas ce que c’est que le cinéma...

Une phrase

Ou plutôt un court extrait:
« Ma mère était un genre de Le Corbusier nordique. Et elle me disait : “Petite Solveig, les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hommes…” J'avais 8 ans et je n'en ai jamais démordu. J'ai passé le concours de l'Idhec à 18 ans. Raté. J'ai fait des études pour m'ouvrir l'esprit en gardant ce cap. Philo, psycho. Et j'ai repassé le concours. Raté de trois places. J'ai recommencé et, enfin, je l'ai eu. Tenace, c'est le mot clé. »

L'auteur

Solveig Anspach est née en 1960 en Islande, d’une mère islandaise protestante et d’un père américain, lui-même né à Berlin, d’un père roumain et juif.  Le père de Solveig a appris l’islandais après avoir rencontré sa mère. « C’est la langue qu’on parlait à la maison », disait la cinéaste dans une interview à “Télérama”. 

Elle a fait ses études secondaires dans une école allemande. L’été, elle allait soit aux Etats-Unis, soit en Islande. Elle a été élevée dans la culture juive, mais pas dans la religion. « Mes parents me disaient : “Tu es une citoyenne du monde et tu as beaucoup de chance” ». Diplômée de l’Idhec à Paris en 1989, section réalisation, elle n’a jamais oublié cette éducation. C’est la raison pour laquelle « Stormy weather » (2003), son deuxième long métrage de fiction se déroule entre Paris et l’Islande, comme son troisième, « Back soon » (2007) et son cinquième, « Queen of Montreuil » (2011). 
En 2010, elle a tenté une belle biographie, « Louise Michel la rebelle », avec Sylvie Testud, où se dessine en clair ce qu’on retrouve dans tous ses films en pointillé, une défense et illustration des femmes et de leur place dans la société. 

« L’effet aquatique », comédie présentée cette année à la Quinzaine des réalisateurs cannoise, restera son tout dernier film puisqu’elle a succombé il y a un an à une récidive du cancer du sein, qu’elle avait évoqué en 1999 dans son premier très beau film de fiction, « Haut les cœurs », avec Karin Viard, qu’elle avait retrouvée en 2012 pour « Lulu, femme nue », revu récemment à la télévision. 

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