LES AMANDIERS

Valeria Bruni Tedeschi réinvente l’école de théâtre des Amandiers de Nanterre dans les années 80. Un récit vibrionnant, à la fois sombre et lumineux
De
VALERIA BRUNI TEDESCHI
Avec
NADIA TERESZKIEWICZ, LOUIS GARREL, MICHA LESCOT, SUZANNE LINDON…
Notre recommandation
4/5

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Thème

Fin des années 80, Stella (Nadia Tereszkiewicz), Etienne (Sofiane Bennacer ), Adèle ( Clara Bretheau ), et neuf autres apprentis comédiens, tous âgés d’une vingtaine d’années, passent le concours d’entrée de la célèbre école créé par Patrice Chéreau (Louis Garrel) et Pierre Romans (Micha Lescot) au théâtre des Amandiers de Nanterre. 

Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu et l’amour, ils vont vivre ensemble le premier tournant de leur vie, mais aussi leurs premières tragédies. La drogue circule beaucoup dans l’école et à l’extérieur, le sida commence à faire des ravages ...

Points forts

  • Quand elle intègre, en 1986, à 22 ans, l’école des Amandiers de Nanterre créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans, Valeria Bruni Tedeschi ne sait pas encore qu’elle va vivre les mois sans doute les plus incandescents de sa vie, ceux où elle ne vibrera que pour le jeu d’acteur qu’elle confondra dès lors, avec sa vie - comme certains de ses camarades de promo -, ceux aussi où elle connaîtra le premier grand amour de sa vie. Trente-cinq ans après cette année qui fut pour elle celle de tous les apprentissages, les plus euphorisants comme les plus dramatiques, elle a voulu la raconter dans un film à sa manière à elle, au plus près de sa vérité, ce qui lui donne son côté bouleversant.
  • Ce qui est formidable dans son film presque fleuve (2h05), c’est la façon dont elle explore ce qui constitue l’essence du métier d’acteur, un métier pas comme les autres, aux ailes duquel se brûle nombre de ceux qui l’exercent, à l’instar, par exemple, d’un Patrick Dewaere ou d’une Christine Pascal.
  • Remarquable aussi est sa distribution. Louis Garrel et Micha Lescot sont sensationnels dans leur  personnages  respectifs de Patrice Chéreau et de Pierre Romans. Mais c’est surtout Nadia Tereszkiewicz qui impressionne dans le rôle de Stella (en réalité, Valeria elle-même). Elle est phénoménale, merveilleuse de candeur, de profondeur, de virtuosité et de fragilité. 

Quelques réserves

Comme souvent avec Valeria Bruni Tedeschi, Les Amandiers souffre du flot incessant d’images et de sentiments qu’elle fait déferler sur son film. Même si cette façon d’être constamment dans l’hyperbole est sa marque de fabrique et qu’on l’aime justement, exactement, pour cela, on a envie que, par moments, elle mette sur pause, pour qu’on reprenne notre souffle.

Encore un mot...

Les Amandiers est-il à ce jour le film le plus ambitieux de Valeria Bruni Tedeschi ? Peut-être, tant il tient dans sa forme, de la fresque, tant il est porté de bout en bout par une sincérité déchirante et une intensité remarquable, tant, aussi, il met en scène des personnages, douloureux et fougueux  - aucun ne confine au banal - dont on perçoit que la cinéaste n’a pu les écrire qu’en se mettant à vif. Le cinquième film de la réalisatrice court trop vite ? Peut-être, mais quelle leçon d’humanité ! De cinéma aussi, évidemment ! 

Une phrase

« L’école des Amandiers de Nanterre a été fondatrice pour moi, dans mon travail et dans ma vie. Les gens que j’ai rencontrés, les choses que j’y ai vécues sont toujours fortement ancrées en moi. Quand j’ai recontacté les anciens élèves pour faire le film, ça a été joyeux. J’avais l’impression que le temps n’était pas passé. Ils savaient que le film serait de la fiction, qu’on allait modifier la réalité, que leurs noms n'apparaîtraient pas. Ils ont tous été généreux dans leur témoignage » (Valeria Bruni Tedeschi, réalisatrice). 

L'auteur

Née en 1964 à Turin, Valeria Bruni Tedeschi est la fille d’Alberto Bruni Tedeschi, un compositeur d’opéra italien et de Marisa Borini, pianiste concertiste et actrice italienne. Elle est aussi la sœur de Carla Bruni et de Virginio Bruni Tedeschi, marin et photographe mort en 2006 des suites du sida.

Elle a neuf ans quand ses parents quittent l’Italie pour la France par peur des enlèvements par les Brigades rouges. Après le bac et un an d’hypokhâgne, elle suit des cours de danse et de théâtre. C’est ce dernier qui l’emportera : elle sera comédienne. Débutent alors les années Chéreau qui la fait jouer au théâtre et lui offre son premier vrai rôle au cinéma. Sa carrière d’actrice est lancée, solidifiée par un César du meilleur espoir féminin qu’elle obtient en 1994 grâce à sa prestation dans Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa. C’est en coécrivant avec le cinéaste Mimmo Calopresti, son compagnon d’alors qu’elle prend goût à l’écriture. Cinq ans après, elle se lance dans le long métrage avec un film autobiographique, Il est plus facile pour un chameau…qui lui vaut le Prix Louis Delluc du premier film en 2003. Suivront, pour le cinéma, Actrices, Un Château en Italie et Les Estivants.

 Les Amandiers est le cinquième film de cette cinéaste hypersensible dont presque tous les films relèvent d’un genre particulier, l’autofiction. 

Et aussi

- RESTE UN PEU de GAD ELMALEH- Avec GAD ELMALEH, JUDITH ELMALEH, RÉGINE ELMALEH…

C’est un film qui va en surprendre plus d’un, un film où un humoriste qui nous fait rire depuis vingt-cinq ans, raconte dans ce qu’il faut bien appeler une « docufiction » son retour des Etats-Unis à Paris dans le but d’annoncer à ses parents, juifs séfarades très pratiquants, qu’étant tombé amoureux très jeune de la Vierge Marie (à leur insu) et ayant été touché par la foi chrétienne, il veut, et, sans doute, va se convertir au catholicisme…

Evidemment, celui qui fut l’inénarrable créateur de Coco (2009), fait rire dans sa façon de raconter son aventure, mais pas seulement. Sous ses gags et son autodérision, il a une façon drôlement touchante, sincère et humble, oui humble, d’expliquer son cheminement religieux. Par moments, l’homme de foi, celui qui fait discrètement des retraites à l’Abbaye de Conques, lit des livres de théologie, discute avec de (vrais) prêtres et pique des fous rires avec Soeur Catherine (une vraie religieuse) prend le pas sur l’humoriste, et ses interrogations passionnent et émeuvent. On est d’autant plus touché que le catéchumène a demandé à ses parents et à sa sœur de jouer leur propre rôle et qu’à l’annonce de sa probable conversion, ils sombrent dans un désespoir qui, visiblement, n’est pas feint. De vrais religieux d’obédience catholique contribuent à enrichir le film. Formidable, courageux et bien sûr enthousiasmant. Une réussite.

Recommandation :  4 coeurs

 

- UNE COMÉDIE ROMANTIQUE de THIBAULT SEGOUIN- Avec ALEX LUTZ, GOLSHIFTEH FARAHANI…

Chanteur raté et « quadra » immature, César, désormais à la rue et sans le sou, réapparait chez Salomé, la femme, pourtant si positive, qu’il avait quittée quatre ans plus tôt sans prévenir. Elle est maman d’une petite fille de trois ans, dont il découvre qu’il est le père. C’est beaucoup pour cet artiste immature qui s’obstine à chanter dans les rues de Montmartre et à se conduire comme un ado. Elle va vouloir croire à une nouvelle chance…

Pour son premier film, Thibault Segouin (le co-scénariste de Guy) a choisi de nous entraîner dans une comédie romantique pleine de charme, qui se déroule à Montmartre, un quartier qu’il connaît comme sa poche et dont il nous fait goûter tous les sortilèges. Si son récit comporte quelques maladresses, on l’absout car c’est à Golshifteh Farahani et Alex Lutz  qu’il a demandé de jouer son couple d’amoureux. Ces derniers, qui n’avaient jamais joué ensemble, ont un charme fou. Il est impossible de ne pas fondre devant leur duo pourtant a priori si désassorti. Ah ! Amour, quand tu nous tiens !  

Recommandation : 3 coeurs

 

- LES ENGAGÉS d’EMILIE FRÈCHE- Avec BENJAMIN LAVERNHE, JULIA PIATON…

Pour son premier long métrage, Emilie Frèche, écrivaine et scénariste engagée, nous propose un film inspiré d’un fait divers qui avait défrayé la chronique en 2018, où la justice avait condamné sept militants pour avoir facilité l’entrée en France d’une vingtaine de migrants (militants qui furent ensuite relaxés en appel). Les Engagés met en scène David, un kiné quadra de Briançon, qui, après avoir malencontreusement renversé un jeune Guinéen de 15 ans poursuivi par la police, se met en tête de le protéger, au mépris de la loi qui interdit alors aux Français d’aider les migrants ayant réussi à franchir la frontière franco-italienne, suscitant par là même cette question : que vaut la loi face à la morale ? A la fin de son film qui se déroule en 2017, Émilie Frèche nous rappelle que grâce aux « Justes » qui avaient osé contrevenir à la loi, cette dernière avait changé et finalement reconnu le « principe de fraternité ».  Dommage que cette histoire émouvante, bien documentée, portée par un Benjamin Lavernhe très investi, soit, par moments, alourdie par un discours militant un peu trop appuyé.

Recommandation : 3 coeurs

 

- LES FEMMES DU SQUARE de  JULIEN RAMBALDI- Avec EYE HAÏDARA, LÉA DRUCKER, AHMED SYLLA…

Angèle, jeune femme ivoirienne sans papiers, s’en est toujours sortie grâce à son culot et à son bagout. Pour échapper à une bande de malfrats, elle parvient, grâce à une copine, à se faire embaucher comme nounou d’Arthur, un petit garçon de 8 ans des beaux quartiers. Au parc, elle fait la connaissance d’autres femmes immigrées qui, comme elle, gardent des enfants. Très vite, elle découvre leurs conditions de travail et leur précarité. Elle décide de monter au créneau. La chance veut qu’elle rencontre Edouard, un jeune avocat qui va l’aider à rendre justice…

Quelle chance de tomber sur une comédie sociale bien écrite, drôle, enlevée, tendre aussi, et qui parle d’intégration avec une générosité qui ne s’égare jamais dans la mièvrerie et le militantisme. Pour son quatrième long métrage, Julien Rambaldi a mis dans le mille. Le charme de son film, qui s’aventure par moments aux confins de la comédie romantique, vient aussi de sa distribution, à la tête de laquelle, dans le rôle d’Angèle, la sensationnelle Eye Haïdara (elle crève l’écran), dans celui de la maman d’Arthur, la toujours impeccable Léa Drucker et dans celui du jeune avocat, l’acteur et humoriste Ahmed Sylla. Une des plus jolies surprises de ce mois de novembre. 

Recommandation : 4 coeurs

 

- JUSTE UNE NUIT d’ALI ASGARI- Avec SADAF ASGARI, GHAZAL SHOJAEI…

Elle s’appelle Fereshteh. Elle vit à Téhéran où, encore étudiante, elle a eu un enfant avec un homme qui a refusé de l’assumer. Elle élève donc seule sa petite fille de deux mois dont elle n’a dit mot à ses parents. Quand ceux-ci, qui demeurent à la campagne, lui annoncent leur visite, c'est la panique. Fereshteh a la journée pour réussir à cacher les affaires de son bébé, trouver quelqu’un pour le garder une nuit et… aller, quand même, à ses cours. Commence pour elle une course contre la montre où, flanquée de sa meilleure amie impuissante à résoudre ses problèmes, elle va aller de refus en déconvenues et prendre, de plein fouet, la réalité sociale de la femme en Iran.

Pour son deuxième long métrage (mais le premier à sortir en France), le réalisateur iranien Ali Asgari a de nouveau enfourché son cheval de bataille, montrer les difficultés du quotidien des plus précaires dans son pays. Il le fait ici à travers le portrait d’une femme qui doit s’assumer seule, ce qui, dans un pays musulman régi par un patriarcat implacable, est très difficile, pour ne pas dire impossible. Son film est magnifique, qui tient du drame et du thriller tant il nous tient en haleine, jusqu’au dernier plan, dopé par un scénario impeccablement construit et une mise en scène nerveuse. Comme en contrepoint de la dure tension qui le parcourt, mais qui ajoute encore à  son émotion, il y a la beauté de sa photo qu’on peut voir comme un hommage à la si douce obstination de son héroïne. Édifiant. 

 Recommandation :  4 coeurs

 

- LA MAISON d’ ANISSA BONNEFONT- Avec ANA GIRARDOT, AURE ATIKA, ROSSY DE PALMA, PHILIPPE REBBOT…

Pour ses débuts dans le long métrage de fiction, Anissa Bonnefont (autrice du documentaire Wonder Boy, Olivier Rousteing, né sous X) n’a pas choisi la facilité. Elle a adapté La Maison, d’Emma Becker, paru en France en 2008, et qui raconte, dans une autofiction plutôt gonflée, comment et pourquoi elle se prostitua pendant plus de deux ans dans des bordels berlinois. Pour être l’héroïne de son film, où à l’instar du livre dont il est inspiré, elle explore crûment les corps, la cinéaste a choisi Ana Girardot, jusque-là plutôt abonnée aux rôles sages. La comédienne s’abandonne à son rôle avec une audace qui laisse pantois. Le résultat est beau, car les cadres sont soignés, la photo, magnifique, et qu’Ana Girardot a beaucoup de talent, mais il manque au film le point de vue qui en aurait rehaussé l’intérêt. A la fois fou et curieux. A noter que le film est interdit aux moins de 16 ans.

Recommandation :  3 coeurs

 

- PREMIÈRES URGENCES d’ERIC GUÉRET- DOCUMENTAIRE.

Amin, Evan, Hélène, Lucie et Melissa sont étudiants en médecine. Ils arrivent aux urgences de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis pour y effectuer, pendant six mois, leur premier stage en internat. Leur vocation résistera-t-elle à la dure réalité de l’hôpital public, c’est-à-dire aux aberrations et aux dysfonctionnements de son système et à son manque de moyens, humains et techniques ?

Cela fait trente ans qu’Eric Guéret réalise des documentaires en filmant  la société française en immersion totale. Après Le feu sacré qui retraçait  la bataille des aciéristes d’Ascoval pour sauver leur usine, le cinéaste s’est plongé pendant six mois dans le monde des urgences de l’hôpital public pour expliquer, au mieux, les raisons de sa crise. Le « plus » de son film est qu’il a effectué cette plongée à travers le prisme des ressentis et des regards de futurs médecins, tous très engagés, mais tous très différents les uns des autres. Au final, cela donne un film passionnant, mais qui montre bien l’état de déliquescence dans lequel est tombé l’H.P. Sur les cinq internes qu’il a suivis, quatre, une fois médecins, iront proposer leurs services dans le privé. C’est tout dire. 

Recommandation : 4 coeurs

 

- COMA de BERTRAND BONELLO - Avec JULIA FAURE, LOUISE LABÈQUE ET LES VOIX DE LOUIS GARREL, LAETITIA CASTA ET GASPARD ULLIEL…

Pendant la période du confinement, une adolescente (Louise Labèque) se découvre le pouvoir de nous faire entrer dans ses rêves, les joyeux et les cauchemardesques. Enfermée dans sa chambre, son seul rapport avec l’extérieur est celui qu’elle entretient, virtuellement, avec une youtubeuse inquiétante et mystérieuse, qui répond au nom de Patricia Coma (Julia Faure)…

Mais qu’est-il arrivé au réalisateur si talentueux de l’Apollonide : souvenirs de la maison close, de Saint-Laurent ou de Nocturama? Quelle mouche l’a piqué pour qu’il nous serve un OVNI qui désarçonne autant ? Il y a certes de magnifiques images comme il sait en fabriquer, quelques séquences assez fascinantes par leur étrangeté et puis quoi ? Un récit abscons. Lors de la projection de Coma au Festival de Berlin, certains avaient crié au génie. Pas nous.

Recommandation :  2 coeurs

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