Les Chatouilles
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Thème
Odette est une adorable petite fille, taiseuse et courageuse, qui partage ses loisirs entre le dessin et surtout la danse, puisqu’elle rêve de devenir étoile. Elle a huit ans quand Gilbert, le meilleur ami de ses parents lui propose de jouer aux « chatouilles ». Pourquoi se méfierait-elle de cet homme à l’apparence si sympathique? Pourtant, Gilbert va se livrer sur elle à des attouchements qui dureront des années. Sans que jamais ses parents ne se doutent de rien, et qui la détruiront durablement. Odette restera longtemps sans pouvoir formuler l’indicible.
Pour libérer son dégoût et sa colère, elle dansera, beaucoup, énergiquement, malmenant son corps au delà des limites du raisonnable. Bloc de haine et de rage, elle fera aussi des bêtises, jusqu’à ce qu’elle rencontre une psy qui arrivera à l’apaiser. Malgré le déni de sa mère qui, parce que ça l’arrange, s’obstinera à la traiter de fabulatrice.
Les Chatouilles est un film choc qui raconte le cheminement vers la résilience d’une petite fille traumatisée.
Points forts
- Le scénario. Construit comme un puzzle, il reconstitue, par flashs, les souvenirs de la jeune femme blessée, dans l’ordre où ils reviennent dans sa mémoire. Un ordre qui, évidemment, n’est pas linéaire. D’un bout à l’autre du film, on va donc aller et venir au gré du surgissement de ces souvenirs. Ces zigzags permanents entre le présent de la narratrice, son passé proche et son enfance lointaine, ses cauchemars vécus et ses rêves éveillés, impriment à ces Chatouilles des rythmes inattendus. Ils induisent aussi des ruptures de ton qui permettent d’introduire, dans ce récit d’une difficile reconstruction sur une dévastation, des respirations d’humour, de tendresse et de cocasserie.
- La réalisation. Vive, dynamique, jamais répétitive, elle étonne par ses trouvailles, comme celle d‘introduire de l’onirisme dans des scènes très réalistes, ou de traduire des sentiments par des gestes chorégraphiques .
- L’interprétation. Elle est éblouissante. A commencer par celle d’Andréa Bescond. Co-signataire de la réalisation et du scénario qui raconte son histoire, la comédienne-danseuse est extraordinaire de présence, de vérité, d’intensité et d’émotion. D’un dynamisme sans faille, tour à tour dure comme une pierre, pathétique comme une enfant perdue, déchirante et drôle comme un clown triste, elle crève l’écran.
Dans son personnage de mère sèche, autoritaire, mal dans sa peau, obstinément murée dans son refus de la vérité, Karine Viard est extraordinaire elle aussi.
En père incrédule, dépassé par les évènements, rongé par le remords, Clovis Cornillac est bouleversant.
Quant à Pierre Deladonchamps, qui joue le pédophile, loin de l’image classique inquiétante du pervers, il fascine par son ton glacé et sa douceur mielleuse.
Quelques réserves
Quelques scènes sont un peu trop démonstratives, d’autres, trop sophistiquées mais, dans leur maladresse, elles sont plus touchantes que gênantes…
Encore un mot...
Bâti entre larmes et rires grâce à l’autodérision de son « auteure », débordant d’une énergie époustouflante, Les Chatouilles avait d’abord été un « seule en scène », dont les 400 représentations s’étaient immanquablement soldées par un triomphe de la part d’un public qu’il sidérait, glaçait , transportait et émouvait jusqu’aux larmes. Transposé pour le cinéma, ce spectacle est devenu un film majeur, un grand film populaire qui touche et enthousiasme tout autant. C’est sans doute la première fois que la pédophilie est abordé de cette manière là sur un grand écran, entre légèreté et gravité, réalisme et onirisme, sans pesanteur accusatrice, mais sans rien cacher non plus de la dévastation qu’il induit chez ceux qui le subissent.
Malgré son sujet, Les Chatouilles réussit à être un film solaire, dynamique, éclatant de vitalité. On est très loin du ton et de l’esthétique, si sombres, de Festen.
Une phrase
« Nos producteurs (François Kraus et Didier Pineau-Valencienne) ont fait preuve d’une audace incroyable. Ils nous ont dit : Vous n’avez jamais écrit de scénario- peu importe, au besoin, on vous proposera l’aide d’un consultant. Vous n’avez jamais réalisé, mais on adore produire les premiers films. Enfin, personne d’autre ne peut jouer Odette que toi, Andrea, et on t’entourera de têtes d’affiche. Ils nous ont fait totalement confiance, en nous laissant prendre le temps qu’il fallait ». (Andrea Bescond, scénariste-réalisatrice-comédienne).
L'auteur
C’est sur les planches qu’Andrea Bescond (danseuse-comédienne née en 1979 en Bretagne) et Eric Métayer (comédien-metteur en scène-auteur de théâtre né le 23 janvier 1958 à Paris) se rencontrent pour la première fois. Ils font tous deux partie de la comédie musicale Les Aventures de Rabbi Jacob mise scène par Patrick Timsitt. Nous sommes en 2008 et c’est un coup de foudre amoureux et artistique. Andrea Bescond ne se consacre alors qu’à la danse, son nouveau compagnon la convainc de monter sur scène pour jouer. En 2009, il lui offre son premier rôle au théâtre dans Les 39 marches , qui lui vaut une nomination au Molière de la Révélation féminine. En 2014, elle écrit un « seule en scène », inspiré de son parcours autobiographique. Elle l’interprète, entre danse et jeu, sous la direction de celui qui, entre-temps est devenu son mari. Il s’agit des Chatouilles, sous-titré la danse de la colère, qui raconte les traumatismes d’une jeune danseuse consécutifs aux viols subis pendant son enfance. Sacré par le Prix d’interprétation féminine Avignon critique off, puis, en 2016, par le Molière du « Seule en scène » la pièce connait un succès phénoménal. En 2018, épaulés par François Kraus et Denis Pineau-Valencienne, Andréa Bescond et Eric Métayer décident de le porter à l’écran. Ce film qui est leur premier, débarque sur les écrans auréolé d’une tournée d’avant-premières triomphales.
Et aussi
- Frères de sang de Damien et Fabio D’Innocenzo - Avec Andrea Carpenzano, Matteo Olivetti, Milena Mancini…
Dans la banlieue de Rome, Manolo et Mirko, deux copains de lycée, comme deux frères « à la vie à la mort », gagnent leur argent de poche en livrant des pizzas. Un soir, en rentrant en voiture d’une virée, Mirko, qui conduit, renverse un piéton. Manolo le pousse à s’enfuir. Coup de chance (croient les deux copains!) l’homme était recherché par un clan mafieux qui les embauche comme tueurs des mauvais payeurs. Mirko et Manolo entament alors une carrière criminelle, qui s’avèrera minable, les coupera de leurs familles, les conduira au drame.
Pour leur premier long-métrage écrit et réalisé à quatre mains, les frères d’Innocenzo ont choisi de montrer comment la jeunesse italienne, pauvre, désoeuvrée et sans aucune perspective, se fait facilement prendre dans les rets de la mafia, miroir aux alouettes d’une existence meilleure, parce que moins désargentée. Ils le font à travers la relation d’une amitié indéfectible entre deux copains formidablement attachants, dans leur enthousiasme naïf à croire à une amélioration de leurs conditions de vie, dans l’amour qu’ils portent à leur famille, dans leur propension à rire d’un rien, comme en souvenir de leur adolescence tout juste enfuie.
Baigné d’ironie, filmé efficacement, avec soin mais sans chichi, ce Frères de sang devrait intéresser à la fois les amateurs de thrillers et les fans du cinéma italien néo-réaliste.
Recommandation : EXCELLENT
- Mon cher enfant de Mohamed Ben Attia - avec Mohamed Dhrif, Mouna Mejri…
Riadh s’apprête à prendre sa retraite de cariste au port de Tunis. Avec sa femme Nazli, ils forment un couple uni autour de leur fils Sami qui se prépare à passer son bac. Un jour, ce dernier, qui se plaignait de migraines répétées, disparait. Sans laisser de mot. Après enquête, Riadh va comprendre que son fils est allé rejoindre Daëch… Il va partir à sa recherche. Seul. Avec pour tout bagage, l’amour fou qu’il lui porte et son obstination .
Après Hedi, un vent de liberté (meilleur premier film et Ours d’argent à la Berlinade 2016), le tunisien Mohamed Ben Attia a choisi de revenir au cinéma avec cette histoire de père désarmé par le choix de son enfant. Cette histoire d’une actualité brûlante, le cinéaste choisit de la raconter avec une grande sobriété, sans aucun effet, sans jamais quitter le point de vue du père, sans non plus une once de manichéisme ou une simplification excessive.
Dans le rôle du père, Mohamed Dhrif est bouleversant. Il porte avec justesse les dialogues et situations de ce film subtil, qui fut présenté à Cannes en mai dernier, à la Quinzaine de Réalisateurs.
Recommandation : BON
- Célébration d’Olivier Meyrou - documentaire sur Yves Saint-Laurent.
Et d’abord, en ouverture, ce gros plan, magnifique, en noir et blanc, de mains à la fois vieillissantes et tremblantes, mais qui, paradoxalement, dessinent, sans « repentir », dans un style d’une élégance rare, une robe de haute couture… Ces mains sont celles d’Yves Saint-Laurent, malade, en fin de vie.
Nous sommes dans un documentaire qui sort seulement aujourd’hui, mais qui fut tourné entre 1998 et 2001, dans les coulisses des défilés du couturier mythique. Ce dernier n’apparaitra jamais ici qu’en noir et blanc, presque toujours en arrière-plan, la couleur et les plans rapprochés étant réservés à ses collaborateurs, ses mannequins, et surtout à son compagnon et mentor Pierre Bergé, dont ce film dessine, en creux, un portrait à la fois touchant et sans complaisance.
Célébration est un film hypnotique, qui raconte avec pudeur, admiration et théâtralité , l’intimité d’une Maison de couture dont le créateur restera à jamais comme l’un des monstres sacrés de la mode.
Recommandation : EXCELLENT
- Suspiria de Luca Guadagnino - Avec Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth…
Jeune danseuse américaine, Susie Bannion débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Après une audition particulièrement éprouvante, elle est non seulement intégrée mais promue danseuse étoile par la chorégraphe du Ballet, Madame Blanc. Au fur et à mesure des répétitions, Suzie commence à faire de terrifiantes découvertes sur la Compagnie…
Ce scénario et ce titre vous évoquent quelque chose? Normal, il s’agit d’un remake du film de Dario Argento qui avait glacé d’horreur ses spectateurs à sa sortie, en 1977, et dont la seule affiche, représentant le corps ruisselant de sang d’une danseuse à la tête coupée, avait impressionné pour toujours un petit garçon de 10 ans. Devenu grand et cinéaste, Luca Guadagnino a décidé de rendre hommage à ce Suspiria qui l’avait marqué au fer rouge de ses cauchemars. Cela donne ce film sombre, terrifiant, sanguinolent, ancré dans le Berlin si dangereux des années 60-70, celles de l’ère de la bande à Baader. On peut préférer l’original d’Argento, mais il est impossible de nier à ce remake signé du réalisateur de Call me by your name, un grand pouvoir de fascination.
Recommandation: EXCELLENT (à condition d’aimer les films d’horreur)
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