L’Histoire de Souleymane

Porté par des acteurs non professionnels, le nouveau film de Boris Lojkine sur le quotidien d’un sans-papier éblouit et émeut….
De
Boris Lojkine
Avec
Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Depuis son arrivée clandestine en France, la vie de Souleymane (Abou Sangare) ressemble à l’enfer. Réfugié guinéen sans papiers, il est  forcé de travailler illégalement pour survivre. En l’occurrence, du matin au soir, il livre des repas à vélo, à la place d’un compatriote qui lui sous-loue son application téléphonique. Une activité qui lui permet à peine de gagner de quoi se nourrir. Le soir, Souleymane prend un bus pour aller dans le centre d’accueil de banlieue où le matin, il a réservé un lit pour dormir. 

Quand le film commence, Souleymane prépare son entretien de demande d’asile à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) , le seul moyen pour lui d’obtenir des papiers. Mais le jeune homme flippe : il n’arrive pas à retenir le discours que lui a concocté, moyennant finances, un de ses « congénères ». Pendant les deux jours qui précèdent son entretien, on va le suivre dans ses pérégrinations, qui vont se révéler être d’une violence insoupçonnée.

Points forts

  • Le sujet même du film, à savoir le difficile quotidien de ces livreurs africains qui parcourent Paris à vélo pour un salaire de misère. Un quotidien rarement exploité au cinéma. Pour le traiter, Boris Lojkine a longuement interrogé des dizaines de livreurs guinéens, et à partir de ces témoignages, il a « inventé » l’histoire de Souleymane. Elle est tellement crédible que son film  a la force d’ un documentaire.

  • La dramaturgie. Pourtant chronologique, elle est  tendue, proche du thriller. A chaque petit accident de vie de Souleymane, on se demande s’il va réussir à terminer sa journée. Impossible de calmer les battements de son cœur. 

  • Le choix de l’acteur qui joue Souleymane. Abou Sangaré  a été recruté sur essai. Dire que dans le film, il est  intense, bouleversant et d’une justesse éblouissante ne relève pas de l’exagération : sa prestation  lui a d’ailleurs valu de recevoir le prix du meilleur acteur au dernier festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Dans la vie Abou Sangaré est mécanicien. Arrivé de Guinée à l’âge de 15 ans, il vivait à Amiens depuis six ans. Bien qu’il travaille de façon régulière, lorsqu’il a été engagé pour le film, on venait une nouvelle fois de lui refuser sa régularisation. On ne sait pas à ce jour, si, depuis, elle lui a été accordée.

Quelques réserves

Aucune  remarque négative pour ce film puissant et émouvant.

Encore un mot...

Pour son troisième film de fiction, l’ex-documentariste Boris Lojkine nous propose un film  à la Ken Loach : social, dramatique, passionnant, poignant mais sans pathos ni militantisme. Un film comme il « voulait le faire », a précisé le cinéaste lors de sa projection à Cannes où en plus du Prix d’interprétation masculine d’un Certain Regard, il a également décroché celui du Jury. Une double récompense amplement mérité.

Une phrase

« J’ai choisi de raconter l’histoire d’un homme qui a décidé de mentir. D’un point de vue fictionnel, le menteur est souvent plus intéressant que celui qui dit la vérité. C’est aussi un choix politique. Je ne voulais pas faire un récit trop exemplaire, montrant un bon gars aux prises avec une vilaine politique migratoire. Je préfère poser des questions aux spectateurs: Souleymane mérite-t-il de rester en France? Faut-il lui donner l’asile? D’après-vous, en a -t-il le droit? Est-ce qu’il le mérite? Qu’est-ce que vous voudriez, vous? » (Boris  Lojkine, réalisateur. Dossier de presse du film).

L'auteur

Normalien, agrégé de philosophieBoris Lojkine, né à Paris en 1969, décide à l’issue de sa thèse de quitter l’université où il enseigne et de partir au Vietnam où il avait vécu précédemment et appris la langue. Il y réalise deux documentaires, Ceux qui restent en 2001 et Les Âmes errantes en 2005, qui racontent, côté vietnamien, le deuil impossible de ceux qui ont traversé la guerre. Il change ensuite de continent et part travailler dans la République démocratique du Congo. En 2013, il y tourne sa première fiction, Hope, qui est récompensée en 2014 notamment par le Prix SACD de la Semaine de la Critique, puis deux Valois au Festival d’Angoulême. En 2019, Camille reçoit le prix du public au Festival de Locarno, puis à Angoulême, le Valois de la meilleure actrice pour  Nina Meurisse, l’actrice qui le porte. L’Histoire de Souleymane est le troisième  film du cinéaste. 

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