Loving

Attention: grand film!
De
Jeff Nichols
Notre recommandation
5/5

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Thème

« Loving » est un film tiré d’une histoire vraie, celle d’un couple qui, à la fin des années 50, osa contrevenir aux lois ségrégationnistes alors en vigueur dans leur contrée.

Nous sommes à Central Point, en Virginie, en 1958.

Richard Loving, un homme taiseux, têtu, travailleur, et maçon de profession, aime la douce Mildred Dolores. Quand Mildred tombe enceinte de leur premier enfant, Richard décide de l’épouser. Le mariage a lieu à Washington, puis les deux amoureux retournent vivre à Central Point. 

Ce qui devrait être un mariage normal, ne le sera pas. Mildred est noire, Richard est blanc, et dans leur Etat, les mariages mixtes sont interdits.  Après une arrestation très brutale, le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu’il quitte l’Etat. Il doit  obtempérer. Mais considérant que leurs droits civiques ne sont pas respectés, et ayant envie de rentrer « chez eux »,les jeunes époux  finiront  par porter plainte et solliciter l’aide du ministre de la Justice, Robert Kennedy. 

Leur combat, soutenu par des juristes d’exception, durera sept ans. En 1967, une décision de la Cour Suprême déclarera anticonstitutionnelle toute loi interdisant les mariages mixtes. 

Malgré eux, les Loving entreront dans l’Histoire.

Points forts

- Au début des années 2010,  l’histoire de ce couple avait donné lieu à un documentaire qui avait bouleversé critique et public. Parmi les spectateurs se trouvait Colin Firth, qui, le premier, y vit un formidable sujet pour le cinéma. Le comédien avait raison : « Loving » a suscité ce biopic  en forme de mélodrame d’une intensité rare.  

Le formidable est que ce film, écrit et conduit  par Jeff Nichols, évite tous les écueils du genre. Il  n’est ni académique, ni spectaculaire, ni tonitruant, ni pleurnichard, ni hyperbolique dans les sentiments. Il est, au contraire, d’une sobriété exemplaire. Chaque scène, chaque plan est signifiant, mais sans effet ni affect. Précise, tout autant que discrète et tendre, la caméra s’arrête sur le quotidien d’un couple simple, qui, ne demandant rien d’autre que de pouvoir vivre librement au grand jour, s’est placé, malgré lui, dans la position intenable des hors-la-loi. 

On s’attache d’autant plus à ces deux là que, dans leurs rêves, ils n’accordent de place, ni à l’argent, ni à la réussite, ni non plus à la notoriété. Chez eux,  l’amour et la liberté ont pris tout l’espace.

- La façon dont Jeff Nichols filme leur histoire est magnifique. Elle est à la fois ample et intime. Les cadrages sont parfaits, les dialogues, au cordeau. Pas un mot de trop. Aucun pathos ; des ellipses, irréprochables, qui  n’édulcorent rien, n’obstruent jamais non plus la compréhension de l’intrigue. Et d’un bout à l’autre, une émotion, qui sourd sous chaque image.

- Les interprètes du film sont au niveau de la réalisation. Dans le rôle de Mildred, exceptionnelle de grâce, de retenue et de détermination, Ruth Negga. Avec ce rôle, la comédienne londonienne de trente-quatre ans, née d’une mère irlandaise et d’un père éthiopien, et jusque là essentiellement connue au théâtre, fait une entrée fracassante au cinéma. Elle est d’ailleurs en lice pour l’Oscar 2017 de la meilleure actrice.

L’acteur australien, Joël Edgerton, qui campe un  Richard Loving mutique, époustouflant d’intensité,  mérite les mêmes dithyrambes. 

Quelques réserves

Sauf à aimer les films dégoulinants de bons sentiments ou rythmés artificiellement par un montage bourré d‘effets, il n’y a pas de point faible.

Encore un mot...

En 2007, son premier film « Shotgun Stories » avait placé d’emblée Jeff Nichols dans la cour des grands réalisateurs. Ce n’est pas son cinquième opus qui l’en fera sortir. Avec ce « Loving », qui, une fois encore, explore le Sud Américain dans ce que cette région n’a pas de plus glorieux,  le cinéaste confirme son talent, son souffle et sa singularité. Il nous donne du cinéma comme on l’aime, d’une grande beauté formelle, du fond (mais sans pathos et sans donner de leçon), et aussi, des acteurs à leur meilleur, dont on comprend à la façon dont il les filme, à quel point il les aime. 

Une phrase

« Dans son cinéma, Jeff n’est jamais dans l’esbroufe. Dans « Loving » il adopte un point de vue très subtil sur l’affaire de ce couple. C’est grâce à ces nuances qu’il tient un propos extrêmement actuel dans lequel tout le monde peut se reconnaître » . Joel Edgerton.

L'auteur

Ancien étudiant à la North Carolina School of Arts, section cinéma, Jeff Nichols, né le 7 décembre 1978 à Little Rock en Arkansas, s’est fait un nom dès son premier film en tant que réalisateur, « Shotgun Stories », un électrique néo-western tourné dans les plaines de son Etat natal et porté par la prestation viscérale de Michael Shannon. 

Depuis, outre ses activités de directeur de production, le jeune cinéaste américain a tourné quatre autres films : « Take Shelter » en 2011, un drame vibrant qui repartit de Cannes auréolé du Grand Prix de la Semaine internationale de la critique; « Mud », en 2012, interprété par un impressionnant Matthew Mc Conaughey et qui fut sélectionné en compétition officielle du festival de Cannes; « Midnight Special » en 2016; et ce « Loving », sorti la même année aux USA, et qui fut également choisi pour la compétition officielle du dernier festival de Cannes.

Particularité de Jeff Nichols : il est fidèle. Son chef opérateur, Adam Stone, rencontré alors qu’il était encore étudiant, est au générique de tous ses films. L’acteur Michael Shannon, aussi, même si dans ce « Loving », il n’a qu’une seule scène (mais quelle scène !).

La fidélité de Jeff Nichols vaut aussi pour son inspiration. Tous ses scénarios sont ancrés  dans le Sud des Etats Unis.

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