Rio Corgo

Une invitation authentique mais exigeante au voyage intérieur
De
Sergio da Costa et Maya Kosa
Documentaire Portugal/Suisse
Avec
Joaquim Silva
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Vu
par Culture-Tops

Thème

Après avoir parcouru son pays depuis son adolescence, Joaquim Silva retrouve sa maison d’enfance à Relvas, village perdu dans les hauteurs de Tras-Os-Montes (Portugal). Entre gestes quotidiens, balades, rencontres avec les anciens mais aussi la jeune Ana, qui lui apporte sa viande quotidienne, il réinvestit les lieux qu’ils confrontent à sa mémoire et à son vécu. Or l’un comme l’autre sont riches des expériences chez cet homme un peu poète, fils d’un réparateur de parapluies et dont la mère quitta la région alors qu’il il avait 4 ans, et qui a exercé plusieurs métiers, d’artisan à magicien et clown…

Points forts

Il y a d’abord Joaquim Silva lui-même, aux allures de Pancho Villa avec son sombrero et sa grosse moustache, balançant entre silences observateurs et phrases tour à tour laconiques, profondes ou ironiques.

Il y a ensuite le somptueux paysage de cette région montagneuse, aux couleurs vives, aux contours multiples où le présent paraît avoir pénétré avec parcimonie.

Il y a enfin, qu’on prenne la vie comme un cycle (avec ce retour au point de départ) ou comme une linéarité (le récit en action), la résonance des questionnements de Joaquim Silva avec notre for intérieur : quelles sont les figures qui nous peuplent ? Qu’est-ce qui nous a construit ? Qu’avons-nous fait de nos aptitudes, qu’elles soient innées ou acquises ? Comment transformer les souvenirs en ultime ados du temps qu’il reste à vivre ?

Mais loin d’être un pensum philosophique ou pompeux, la malice du propos, les échappées poétiques, le flirt incestueux entre imagination et réalité font de ce parcours un authentique voyage introspectif pour chacun. Il est vrai que la mise en image et en sons, venant compléter les silences et les vides, est d’une haute intelligence, y compris au sens premier de “relier les choses entre elles”. En effet, ici, le silence fertilise la parole, les bruits (de la faune, des pieds sur le sol, de la nature et du village) complètent ce que les yeux perçoivent et les nombreux animaux, spectateurs  des agitations humaines, comme l’élément féminin (symboliquement présent à travers les rivières, la lune, la nuit… et a fortiori les femmes racontées et croisées) nous ouvrent à l’univers de Joaquim Silva pour mieux raviver le nôtre.

Comme il se doit, le rythme épouse cette flânerie existentielle et contemplative. Et s’il s’accélère sur la fin, c’est qu’à l’approche de la mort, il devient urgent de solder ses fantasmes et ses réminiscences avant de tirer sa révérence.

Quelques réserves

Attention ! Il s’agit bien d’un point faible en terme d’amplitude du public à atteindre mais en aucun cas une critique péjorative : il faut impérativement accepter de lâcher prise, savoir observer, être à l’écoute et se laisser porter.

Encore un mot...

Découlant du “point faible”, voilà un film dont la puissance de pénétration est proportionnelle au vécu du spectateur et des questions qu’il se pose sur sa vie. Ce qui pourra paraître abscons à un public jeune ou non porté au questionnement.

In fine, ce réalisateur éminemment original, confectionnant des œuvres cinématographiques profondes, à la cinégénie aussi envoûtante qu’exigeante, “se mérite” selon la formule consacrée.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Vous pourriez aussi être intéressé