Showing up

La réalisatrice phare du cinéma indépendant américain retrouve son actrice fétiche, Michelle Williams, pour la quatrième fois. La comédienne est, bien sûr, sensationnelle. A la fois intriguant et déroutant.
De
Kelly Reichardt
Avec
Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Dans un quartier d’artistes situé à la périphérie de Portland, Lizzy, sculptrice célibataire sans enfant ni compagnon (Michelle Williams), mène une vie à la fois douce, compliquée et un peu déprimante. Si, contrairement à certains de ses amis, elle n’a pas vraiment de problèmes financiers (elle gagne sa vie comme administrative dans une école d’art située à côté de chez elle), elle se heurte quand même à quelques ennuis : son frère est un peu (beaucoup) dérangé, son père est un brin (trop) envahissant, sa douche se refuse obstinément à lui fournir de l’eau chaude, et son chat roux, omniprésent, ne cesse de râler. Pour couronner le tout, et alors qu’elle prépare une exposition de ses œuvres (des figurines de porcelaine colorée, à la fois expressives, étranges et tourmentées), la propriétaire du petit appartement qu’elle loue, vient lui demander de s’occuper de son pigeon blessé. Lizzy va dès lors afficher une mine renfrognée et désabusée. On va la voir vivre dans son quotidien, entre mutisme, bougonnements, désillusion et (légère) dépression…

Points forts

  • Au cinéma, rarissimes sont les films de fiction qui évoquent le quotidien d’artistes sans notoriété, vivant pourtant paisiblement de leur art, sans fracas ni scandale. C’était donc un vrai challenge pour la singulière Kelly Reichardt, de parvenir à bâtir un scénario qui rende compte de l’existence « tranquille » d’un de ces créateurs, avec pourtant suffisamment  de singularité pour retenir l’attention d’un producteur. C’est en jouant sur le minimalisme et l’épure que la cinéaste a réussi son pari. Si son film intéresse, c’est parce qu’elle a su  rendre compte du train-train quotidien d’une artiste « ordinaire », en le décortiquant à l’os, sans longueur, ni superflu.
  • L’autre atout majeur de ce film délicat est évidemment son interprète principale, Michelle Williams. Son interprétation, entre fragilité, mélancolie et douce humanité, d'une sculptrice désemparée  par les chienlits du monde ensorcelé. A signaler qu’elle est très bien entourée par des partenaires, Hong Chau, Maryann Plunkett ….

Quelques réserves

On flotte un peu en regardant ce film, paradoxalement, à la fois assez magnétique par la personnalité mystérieuse de son héroïne, la nonchalance de son rythme et la beauté de son image et de ses cadres, mais en même temps un peu trop lisse, puisqu’on ne voit pas très bien où il veut nous mener, si ce n’est nous faire ressentir à quel point, parfois, la vie d’un artiste, aussi talentueux soit-il, peut ressembler à celle de n’importe quel quidam, avec ses petits désagréments et ses espérances, si souvent déçues.

Encore un mot...

Présenté en compétition officielle l’année dernière au Festival de Cannes,  Showing up, le nouveau long-métrage de Kelly Reichardt, est le quatrième que la cinéaste  américaine a réalisé avec son actrice fétiche, Michelle Williams. Dans son rôle de sculptrice inspirée et en même temps désabusée et un rien déprimée, écrit sur mesure pour elle, la comédienne (nominée aux derniers Oscars pour son rôle dans The Fabelmans de Spielberg) montre une fois de plus l’étendue de son talent. Dans ce film très intéressant sur le quotidien des artistes dans l’Amérique d’aujourd’hui, mais qui manque un peu d’ancrage et de point de vue, elle aimante le regard, par sa façon, ici, d’être à la fois si présente et si absente. Entre solitude et ennui, passion et dépression, un beau portrait de créatrice bobo.

 

Une phrase

« Ce qu’il y a d’unique dans le cinéma de Kelly, c’est que le récit est à la fois conscient et inconscient. Si l’on s’en tient aux faits, Showing Up est l’histoire d’une artiste qui prépare une exposition tout en s’occupant de sa famille. Mais il y a aussi tous ces détails sous-jacents que Kelly apporte avec sa façon si particulière de cadrer, monter les images et de voir la vie » ( Michelle Williams, comédienne).

L'auteur

Fille d’un officier  de police et d’une mère employée de l’Agence fédérale de la lutte antidrogue, Kelly Reichardt, née à Miami en 1964, s’est d’abord passionnée pour la photographie. C’est à New York en 1989 qu’elle va s’intéresser au cinéma, en supervisant les costumes de  L’Incroyable vérité,un film dans lequel elle tient un petit rôle, puis, en 1991, en collaborant à la réalisation de Poison,un film de Todd Haynes. Elle devient ensuite une cinéaste indépendante, plutôt à contre-courant, ce qui fera sa singularité.

En 1995, elle tourne son premier long métrage, River of grass, pour lequel elle rafle le Grand Prix du Jury au Festival de Sundance. Vont suivre : en 2006, Old Joy; en 2008, Wendy et Lucy ( sélectionné à Un Certain Regard au Festival de Cannes); en 2010,La Dernière piste, un western minimaliste; en 2013, Night Movies; en 2016, Certain Women et en 2019 First Cow.

Showing Up est le huitième film de cette réalisatrice, qui scénarise et monte aussi la plupart de ses films et à qui le Centre Georges Pompidou à Paris avait consacré  en 2021 une rétrospective intégrale. Aujourd’hui Kelly Reichardt est considérée comme la papesse du cinéma américain indépendant. Le critique français Jean-Michel Frodon voit en elle une  cinéaste « essentielle, pour aujourd’hui et pour demain ».

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