Souvenir

Une autre Isabelle Huppert, fragile et émouvante
De
Bavo Defurne
Avec
Isabelle Huppert & Kevin Azaos
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Connue autrefois comme chanteuse, sous le nom de Laura, ancienne lauréate du Prix de l’Eurovision, Liliane ( Isabelle Huppert) travaille désormais incognito, dans une usine de charcuterie. Charlotte sur la tête, vêtue d’une combinaison blanche, elle dispose, à la chaîne, des feuilles de laurier sur des pâtés. Un jour, elle rencontre Jean (Kevin Azaïs), un jeune intérimaire, qui rêve de devenir boxeur. C’est un fan de l’ancienne idole. Il en tombe amoureux et n’aura de cesse qu’elle fasse son come-back et se présente à nouveau à l’Eurovision.

Points forts

- Il est difficile de ne pas être sensible à cette histoire d’amour entre un jeune homme subjugué par son ancienne idole, et cette  dernière, star déchue, blessée, et devenue aussi mutique qu’alcoolique. Ils sont, l’un et l’autre, tellement sincères, tellement « à côté », tellement enfermés dans leur imaginaire, qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils sont complètement démodés et moqués dans le regard des autres. Cette indifférence au monde qui les entoure les rend terriblement touchants.

- Isabelle Huppert, est, un nouvelle fois, extraordinaire. Dans ce personnage de chanteuse à la fois kitsch, naïve, paumée et désespérée, elle  montre sa formidable capacité à émouvoir et trimballe une humanité d’une force peu commune à l’écran.  Ah ! Regarder la comédienne se préparer à remonter sur scène, avec une gestuelle inénarrable de raideur et d’application, dans une tenue de star de troisième zone des années 80…. Rien que pour cette séquence, qui tire les larmes des yeux, « Souvenir » mérite le déplacement. On ne peut s’empêcher de penser au Gérard Depardieu du « Quand j’étais chanteur ».

- Décidément Kévin Azaïs confirme son talent. Celui qu’on avait remarqué, bouche bée, en 2014, pour sa pugnacité taiseuse dans « Les Combattants », est en passe de devenir un des acteurs indispensables au cinéma français. Quelle présence ! Quel charisme ! Quelle capacité à passer d’un état à un autre, dans la même séquence ! Il peut véhiculer une violence folle et la seconde d’après, sans aucun trucage, laisser tomber l’armure et exprimer l’innocence d’un enfant.

- Le groupe Pink Martini a beaucoup mis son « grain de sel » dans la musique du film, et le résultat est assez formidable. Ce « Souvenir »  lui doit une grande partie de sa douceur et  de sa  tendresse.

- L’esthétique du film. Cadres soignés, lumières étudiées, le réalisateur aime le beau cinéma.

Quelques réserves

Ce film se perd par moments dans des invraisemblances et son scénario accuse un « coup de mou » à mi-parcours. 

Encore un mot...

Il serait dommage de passer à côté de ce « Souvenir », venu, c’est si rare, du cinéma flamand. C’est un mélo léger, kitsch et sentimental, dont le charme, suranné, réaliste mais teinté d’onirisme, va droit au cœur. Ses défauts et manques scénaristiques sont largement compensés par la prestation d’une Isabelle Huppert, à la fois différente et toujours recommencée dans l’infini de son talent,  et celle, aussi d’un Kevin Azaïs qui, à 24 ans seulement, réussit à crever l’écran.

Une phrase

« Peut-être que ce qui définit le plus mes films, c’est l’importance accordée aux émotions des personnages. Pour être au plus près de ces émotions, je stylise au maximum. Je recrée un monde onirique, et c’est dans ce monde que mes acteurs évoluent… Mes films peuvent être vus comme des contes universels ». Bavo Defurne

L'auteur

Bavo Defurne est un des électrons libres du cinéma belge. Né à Gand en 1971, ce flamand, biberonné aux films de Hitchcock  et de Fritz Lang,  grand admirateur aussi de Fassbinder et d’Almodovar, autant dire, un cinéphage éclectique, s’est longtemps  adonné au court métrage. Neuf, entre 1990 et 2000, dont plusieurs ont eu été récompensés, notamment « Kampvuur/Campfire », qui gagna un prix au festival du court métrage de Londres en 2000.

Bavo Defurne disparaît ensuite  des écrans pendant dix ans, pour y revenir en 2011, avec son premier long-métrage, « Sur le chemin des dunes ». Ce film, qui met en scène deux adolescents homosexuels, dans les années 60, recevra plusieurs prix internationaux.

Le voici de retour avec ce « Souvenir », avec, en têtes d’affiche, Isabelle Huppert, qu’on ne présente plus, mais dont on note une fois encore l’insatiable curiosité à s’aventurer sur  des terres de ciné encore peu exploitées, et Kevin Azaïs, une des valeurs montantes du cinéma français.

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