Truman

Tact, délicatesse, pudeur, et profondeur
De
Cesc Gay
Avec
Ricardo Darin, Javier Camara
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Tomàs et Juliàn sont amis depuis toujours. Mais la vie les a géographiquement séparés. Tomàs enseigne les maths dans une université  canadienne, Juliàn est acteur de théâtre à Madrid. Un jour pourtant, le premier va retraverser l’Atlantique pour revoir son ami. Il n’a pas beaucoup de temps : Juliàn est atteint d’un cancer qu’il sait incurable et qu’il refuse de soigner.

Le film va raconter les quatre derniers jours que ces deux là vont passer ensemble, dans la continuité de leur amitié, presque comme si de rien n’était, entre fous-rires, disputes, balades, gueuletons, paris fous, femmes et, échanges plus profonds… Au milieu de leur tandem reformé pour ces quelques jours, il y aura Truman le chien fidèle et chéri de Juliàn, - qui donne son titre au film - à qui il va falloir trouver un nouveau maitre…

Points forts

- Généralement, les films qui ont, en leur centre, la maladie et la mort sombrent dans la lourdeur, ou le pathos, ou la mièvrerie, quand ils ne cumulent pas ces trois travers. Ce qui est formidable dans ce « Truman », c' est qu’à aucun moment il ne tombe dans ces pièges typiques du mélo. Du premier au dernier plan, c’est la vie qui y zigzague, certes avec ce qu’elle a  de pire, comme la trahison, ou plus terrible, la maladie et la mort, mais surtout  avec ce qu’elle a de meilleur comme l’amour, l’amitié, la reconnaissance de ses pairs, et aussi, des satisfactions, a priori de  moindre importance, comme la fidélité affectueuse d’un  animal de compagnie. Au fond, cette histoire – formidablement bien contée - de deux amis qui se retrouvent pour une ultime fois, n’a pas d’autre objectif que de nous faire comprendre que l’acceptation de la mort doit faire partie de la vie, qu’il faut traverser avec le plus de joie possible.

- La pudeur du film, sa sincérité, et la légèreté - apparente - de  son ton. On a rarement vu au cinéma une histoire d’amitié masculine narrée avec autant de retenue. Ce qui soude ici les deux héros est moins ce qu’ils se disent ou vivent (des phrases et des choses de la vie quotidienne), que  tout ce qu’ils taisent (les grands sentiments, leur philosophie de la vie). Les non-dits du film sont pour beaucoup dans sa force émotionnelle.

- La simplicité du « filmage ». Sa majorité de plans fixes accentue la sobriété (chaleureuse) du récit.

- La prestation haut de gamme du duo de comédiens qui interprète les deux amis, l’argentin Ricardo Darin et l’espagnol Javier Cámara. Ces deux là, qui, avaient déjà fait la paire dans le précédent film de Cesc Gay, illuminent l’écran par leur jeu, tout en naturel et intériorité, même dans les scènes les plus émouvantes. Le cinéma espagnol ne s’est pas trompé en les récompensant chacun d’un Goya cette année.

Quelques réserves

Pour certaines séquences, peut-être par peur qu’elles ne versent dans un sentimentalisme larmoyant, le réalisateur tient les brides de l’émotion un tout petit peu trop serrées. D’où, sans doute, cette impression  que le film souffre d’un (très) léger manque de souffle.

Encore un mot...

La mort en embuscade, sur le chemin d’une amitié  masculine indéfectible… Le sujet n’était pas facile. Il aurait même pu être plombant. Or voici sur l’écran un film d’une légèreté et d’une simplicité lumineuses. S’il n’évite pas la gravité et la mélancolie ( la niaiserie aveugle ne s’est heureusement pas invitée dans le scénario ! ) « Truman » se regarde comme une ode à la vie, celle de tous les jours, avec ses grandes et petites joies, et qui doit être plus forte que tout. Il ne s’agit donc pas d’une de ces œuvres subversives qui proclament « s’en fout la mort », mais d’une œuvre qui explique avec tact, sérénité, tendresse et humour aussi, que malgré le chagrin et la dévastation d’une disparition annoncée, on peut et on doit « faire avec ». C’est une belle leçon de bonheur qu’on nous donne là. Et elle est magnifiquement jouée et filmée.

Une phrase

« Truman » est un essai. Une tentative de surmonter la panique que nous ressentons face à la maladie et à la mort imminente, la nôtre, ou celle d’un être cher ». Cesc Gay.

L'auteur

Né en 1967 à Barcelone, Cesc Gay  (diminutif de Francesc Gay y Puig) est un cinéaste qui, depuis ses débuts, a cette particularité de ne réaliser que des    films dont il a écrit le scénario. Il a commencé, en 1998, avec « Hôtel Room » et a ensuite enchainé les tournages, au rythme d’environ un tous les deux ans. Parmi ses films, « En la Ciudad », en 2003, qui a valu à Eduard Fernández un Goya du meilleur acteur et « Ficciòn », en 2006, qui a  été sacré meilleur film au Festival International de Mar del Plata.

Jusqu’à présent, la notoriété de ce réalisateur catalan, pourtant très apprécié en son pays, n‘avait pas tellement franchi les frontières de  l’Espagne. « Truman » va sans doute changer cette donne, puisqu’il a été multi-récompensé aux derniers Goyas, les équivalents espagnols de nos César. Nommé dans six catégories, ce film a remporté cinq statuettes , celles du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (pour Ricardo Darin), meilleur acteur dans un second rôle (pour Javier Cámara) et du meilleur scénario original.

A noter que pour ce « Truman », inspiré par des souvenirs personnels, Cesc Gay retrouve deux des acteurs de son précédent opus « Les Hommes! De quoi parlent-ils ? » encensé par la presse et le public espagnols, lors de sa sortie en 2012.

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