UN HÉROS

Un scénario d’un suspense machiavélique, une mise en scène sous tension et une direction d’acteurs au cordeau. Avec Un Héros, Asghar Farhadi revient au meilleur de son cinéma, celui d’Une Séparation qui lui avait valu l’Ours d’Or de Berlin en 2011
De
ASGHAR FARHADI
Avec
AMIR JADIDI, MOHSEN TANABANDEH, FERESHTEH SADRE ORAFAEE…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Calligraphe dans la ville iranienne de Shiraz, Rahim (Amir Jadidi) se voit emprisonné pour une dette, contractée auprès de son ex-beau-frère et qu’il n’a pas pu rembourser car il a fait faillite. Lors d’une permission de deux jours, comme il ne réussit pas à convaincre son créancier de retirer sa plainte, malgré sa proposition de lui verser une partie de la somme due, sa compagne lui suggère de rembourser sa dette avec les pièces d’or contenues dans un sac qu’elle a trouvé dans la rue.

Mais après une courte hésitation, l’intègre Rahim choisit de rendre ce sac et il se met en quête de retrouver sa propriétaire par le biais de petites annonces. Sans se douter que par ce geste, pourtant tout à son honneur, il vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal… Rendu public  par l’administration pénitentiaire, son acte va d’abord lui valoir d’être porté aux nues par les médias. Mais petit à petit, à cause de la force maléfique des réseaux sociaux, sa sincérité va être remise en cause. Finalement ce « héros » d’un jour sera changé en paria, en quelques clics. 

Points forts

- Pour faire ce film, qui marque son retour dans son pays, Asghar Farhadi s’est inspiré de plusieurs faits divers locaux et il a fait plancher ses élèves ( il est prof de cinéma dans une école de Téhéran ) sur la construction d’un scénario unique… dont il s’est ensuite inspiré pour broder son histoire. Une histoire comme il les aime, en forme de thriller implacable, et dans laquelle des héros malchanceux s’embourbent, souvent à cause des diktats sociaux.

- Une fois encore, dans ce Héros, on retrouve ce qui fait la singularité du cinéaste iranien, d’abord un don sans pareil pour tricoter des contes réalistes en forme de drames qui ne manquent jamais de prendre en compte la complexité humaine de leurs personnages, ensuite, une écriture, d’une précision chirurgicale, et enfin, une direction d’acteurs au cordeau. Le cinéaste a été dramaturge et metteur en scène de théâtre. Ces expériences le nourrissent dans l’exercice de ses métiers de scénariste et de réalisateur.

- Comme d’habitude, il a choisi un casting parfait. Mention spéciale à Amir Jadidi, qui joue l’innocence de son personnage avec une componction à la fois tellement souriante et indéchiffrable qu’on en vient à douter de son altruisme et de sa bonne foi. Du grand art d’acteur !

Quelques réserves

La trop grande densité du scénario nuit par moments à sa lisibilité. Elle en étouffe aussi l’émotion que pourraient dégager certains personnages.

Encore un mot...

Malgré les succès des films qu’il a tournés dans des pays étrangers (le Passé, en France et Everybody knows en Espagne), Asghar Farhadi n’est jamais meilleur que lorsqu’il réalise dans son propre pays des chroniques en forme de thrillers à la mécanique infernale. Après Une Séparation (notamment Ours d’or à Berlin et Oscar 2012 du meilleur film étranger), il le démontre une fois encore avec Un Héros, qui est reparti du dernier festival de Cannes avec le Grand Prix, ratant de peu la Palme d’or, finalement attribuée à la Française Julia Ducournau pour Titane. En dépit de ses critiques envers, notamment, le fonctionnement du système pénitentiaire iranien, Un Héros a été choisi par les autorités du pays pour aller le représenter dans la course aux Oscars. Avant-hier, il a été nommé aux Golden Globe, dans la catégorie meilleur film en langue étrangère.

Une phrase

« Si le fait que l’Iran présente mon film aux Oscars vous fait déduire que je me range sous votre drapeau, je déclare explicitement que je ne vois aucun inconvénient à l’annulation de cette décision. J’ai fait ce film de tout mon coeur, mais son avenir ne m’importe plus, que ce soit en Iran ou à l’étranger. Si ce film a une vie, il la vivra. Sinon, il sera oublié. Je me désole que ma persistance à rester en Iran, à y tourner des films et à les y montrer, puisse être interprété comme un double jeu » (extrait d’un texte publié par Asghar Farhadi sur son compte Instagram à l’adresse de ses détracteurs, qui le taxent, à la fois, d’allégeance au régime iranien et à l’Etranger).

L'auteur

Né en 1942 de parents petits commerçants à Ispahan, Asghar Farhadi réalise son premier court métrage à treize ans. Quelques années plus tard, il entre à l’Université de Téhéran pour y étudier le théâtre, un choix qui va considérablement influencer sa manière de faire des films. Tout en continuant des études de mise en scène à l’Université de Tarbiat Modares, il se lance dans l’écriture de pièces radiophoniques et de séries télévisées. 

Après quelques documentaires pour le petit écran, il écrit et réalise en 2002 son premier long métrage, Danse avec la poussière. Mais ce n’est qu’au quatrième, A propos d’Elly, en 2009, qu’il va connaître une consécration internationale, remportant entre autres récompenses, l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin. Son style - des récits conçus selon un principe de spirales qui se resserrent de façon implacable sur le ou les protagoniste(s) du film - commence à faire florès chez d’autres réalisateurs, pas seulement iraniens.

En 2010, il sort Une Séparation. Plébiscité dans tous les pays où il est projeté, ce film qui fait le portrait d’une famille en crise, permet à Farhadi de figurer dans la liste des 100 personnalités les plus influentes du monde, établie par le Time Magazine.

Depuis, le cinéaste ne cesse d’alterner des films qu’il réalise dans son pays (Le Client en 2015) et à l’étranger (la France, avec Le Passé en 2013, ou l’Espagne avec Everybody knows en 2016).

Son nouvel opus, Un Héros, qui lui a valu de concourir pour la Palme d’or au dernier Festival de Cannes est le septième qu’il sort dans l’Hexagone.

Et aussi

 

-  LA PANTHÈRE DES NEIGES  de MARIE AMIGUET  et VINCENT MUNIER — DOCUMENTAIRE.

Au coeur des (très) hauts plateaux tibétains, entre 4500 et 6000 mètres d’altitude et par des températures comprises entre -18° et -35°, deux hommes nous convient à un voyage sur les traces de l’un des fauves les plus mystérieux du globe : la panthère des neiges. L’un, Vincent Munier compte parmi les meilleurs photographes animaliers de la planète, l’autre, Sylvain Tesson est l’un des plus grands écrivains-aventuriers de l’Hexagone. Pas étonnant que ces deux-là aient pensé à partir en tandem à la recherche du plus mythique des félins dans l’une des régions les plus reculées du monde. Car, en plus de partager un même goût pour la solitude et l’observation de la nature, ils se complètent admirablement. L’un, appareil photo en bandoulière, capte, comme peu, les beautés du monde, l’autre, donne à les imaginer  en noircissant ses carnets de mots simples mais précis qui font éclore des textes d’une lumineuse et merveilleuse poésie.

En 2018, un premier voyage au Tibet des deux globe-trotters avait donné lieu à un récit signé Sylvain Tesson, qui avait valu à l’écrivain de recevoir, l’année suivante, le Prix Renaudot. Le duo a réitéré son exploit pour ce documentaire réalisé par la cinéaste Marie Amiguet. On en sort ébloui, comme « lavé » des salissures quotidiennes, réconforté et apaisé. Un beau manifeste.

Recommandation : 4 coeurs

 

- MES TRÈS CHERS ENFANTS  d’ALEXANDRA LECLÈRE - Avec JOSIANE BALASKO, DIDIER BOURDON, MARILOU BERRI, BEN, LAURENT STOCKER…

Après Garde alternée qui mettait en scène une certaine vision du couple, Alexandra Leclère (Maman, Les Soeurs fâchées) revient à son sujet préféré, la famille, et dans son genre de prédilection, la comédie, dont le moteur est souvent le conflit. Dans Mes très chers enfants, ça va donc commencer par des chamailleries, et puis, insensiblement, ça va bifurquer vers l’absurde et une irrésistible loufoquerie.    

Amoureux comme au premier jour, Chantal et Christian auraient tout pour passer une retraite heureuse. Seulement voilà : depuis que leurs deux enfants, Sandrine et Stéphane, ont déserté la maison familiale, ils ne les voient presque plus. Quand ils comprennent que pour la première fois, ils vont devoir passer Noël en tête à tête, c’en est trop. Leur déprime se transforme en colère. Pour faire revenir à eux leurs ingrats rejetons, ils imaginent de leur faire croire qu’ils ont gagné le jackpot au loto et pour accréditer leur mensonge, ils se mettent à mener une vie bien au-dessus de leurs moyens. Au final, en sera-t-il comme de la morale de la fable de La Fontaine Le Rat et lhuître : « tel est pris qui croyait prendre » ? Ou bien… ?

Portés par les dialogues incisifs et les situations farfelues tricotés par une Alexandra Leclère en pleine forme créatrice, les interprètes de cette hilarante histoire familiale (Josiane Balasko, Didier Bourdon, Marilou Berri et Ben) s’en donnent à cœur joie, tous dans une inventivité et une énergie de jeu d’autant plus désopilantes et sympathiques qu’elles leur sont soufflées par la naïveté et la sentimentalité de leurs personnages. Dépourvue de méchanceté et d’ironie, Mes Très chers enfants est une comédie qui fait coup double : elle touche au cœur et déride les zygomatiques. Elle est, en outre, tous publics.   

Recommandation : 4 coeurs

 

- MYSTÈRE  de DENIS IMBERT — Avec VINCENT ELBAZ, MARIE GILLAIN, SHANNA KEIL…

Pour renouer avec Victoria, sa petite fille de 8 ans (Shanna Keil), devenue mutique à la mort de sa maman, Stéphane (Vincent Elbaz) s’installe dans le Cantal. Un jour, au cours d’une promenade en forêt, Victoria tombe sur un chiot appelé Mystère par le bûcheron qui l’a trouvé. Il est si adorable qu’elle l’adopte illico. Mais très vite, Stéphane va découvrir qu’en réalité, Mystère est un loup. Malgré le danger, devant les progrès de sa petite fille qui s’est remise à parler, il ne va pas se résoudre à la séparer de son nouveau compagnon. Jusqu’au moment où il va comprendre que Victoria est devenue assez forte pour qu’il lui dise la vérité…

Après Vicky, Denis Imbert avait envie de se lancer dans un film jeune public, qui se déroulerait  en pleine nature, loin de la frénésie urbaine. Quand on lui a raconté cette histoire (vraie) d’un père qui aurait offert à sa fille un chiot sans se douter qu’il s’agissait d’un bébé-loup, il sut immédiatement qu’il avait « son » sujet. Encore fallait-il qu’il trouve non seulement son héroïne (une petite fille qui n’aurait pas peur des animaux sauvages) mais aussi des louveteaux qui se laisseraient… apprivoiser. Entre le casting, les repérages et le tournage proprement dit, il  a fallu  plus d’un an au cinéaste pour mener son film à bien. Mais le résultat est là. Tenant à la fois du conte (réaliste), du documentaire animalier et de la comédie d’aventures, Mystère est un film passionnant et craquant, qui a comme mérite supplémentaire, de prendre les enfants au sérieux. A partir de sept ans.    

Recommandation:  4 coeurs

 

- BAD LUCK BANGING OR LOONY PORN  de RADU JUDE — Avec KATIA PASCARIU, CLAUDIA IEREMIA, OLIMPIA MĀLAI…

 Bucarest, de nos jours. Après la diffusion involontaire sur Internet d’une sex-tape tournée avec son mari, Emi, une enseignante, voit sa carrière et sa réputation menacées. Forcée de rencontrer les parents d’élèves qui exigent son renvoi, Emi résiste et pose la question de l’obscénité dans notre société contemporaine. Se limite-t-elle à la seule pornographie, ou est-t-elle, beaucoup plus insidieusement et dangereusement, dans la violence, les injustices, le racisme, le sexisme, le révisionnisme, etc…?

Exaspéré par les renvois à répétitions de professeurs, pour des motifs relevant de leur stricte vie privée, le cinéaste roumain Radu Jude (Aferim !, Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares) s’est amusé dans son nouveau film à dénoncer les vraies saloperies qui polluent, salissent et pourrissent le monde. Dans cet opus qu’il a conçu en trois actes dénonciateurs introduits malicieusement par des chansons de ce gai luron que fut Bobby Lapointe, il passe en revue tout ce qui avilie la société, du plus anodin, comme la vulgarité ostentatoire de certaines affiches, au plus abject, comme les horreurs des dictatures. 

A la fois hilarant, édifiant, glaçant et bigrement courageux, Bad Luck…. a été couronné à la dernière édition du Festival de Berlin par l’Ours d’or, un prix qui récompense le meilleur long métrage de la compétition. C’est dire la puissance de son propos et la force de sa démonstration. Attention, en raison du caractère  pornographique de certaines de ses séquences, il sort sur les écrans français assorti d’une interdiction aux moins de seize ans.

Recommandation : 4 coeurs

 

- CHÈRE LÉA  de JÉRÔME BONNELL - Avec GREGORY MONTEL, GRÉGORY GADEBOIS, ANAÏS DEMOUSTIER, LEA DRUCKER…

Six ans après son délicieux A trois on y va, Jérôme Bonnell est de retour au cinéma avec une comédie dramatique où il poursuit ce qui est au centre de sa filmographie : l’exploration du sentiment amoureux. 

Après une nuit arrosée, Jonas  (Gregory Montel) revient sur un coup de tête rendre visite à son ex-petite amie, Léa, dont il est toujours amoureux (Anaïs Demoustier), mais pour laquelle il n’a pourtant jamais réussi à quitter sa femme (Léa Drücker). Malgré leur relation encore passionnelle, Léa le rejette. Désespéré, Jonas se rend au café d’en face pour lui écrire une longue lettre, bousculant ainsi son emploi du temps et suscitant la curiosité chaleureuse du patron du café (Grégory Gadebois). Sa journée va s’écouler dans un charivari émotionnel incroyable.

Sauf à avoir un cœur de pierre, il est difficile de résister au charme et à l’élégance sentimentale de  ce Chère Léa qui ausculte avec délicatesse et justesse les tourments et les emportements des hommes placés dans des situations de rupture amoureuse à leur corps défendant. On y succombe d’autant plus qu’il est porté par une équipe de comédiens qui jouent tous, avec une belle subtilité, sur le fil de l’émotion. 

Recommandation : 3 coeurs

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