Vendeur

Métier, paternité: un remarquable premier long-métrage, à double détente
De
Sylvain Desclous
Avec
Gilbert Melki, Pio Marmaï, Sara Giraudeau, Pascal Elso, Clémentine Poidatz, Christian Hecq
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Serge (Gilbert Melki) est un vendeur de cuisines hors pair. Ou qu’il aille exercer ses talents de « commercial », ses patrons sont sûrs qu’avec lui, il y aura immédiatement un retour sur investissement… Seulement voilà, cet as en son domaine a tout sacrifié à son métier : sa vie de famille, sa vie amicale et aussi sa santé. 

Un jour, son fils, Gérald (Pio Marmäi), qu’il n’a pas revu depuis des lustres, débarque pour lui demander de l’aider à trouver de l’argent pour financer un projet de restaurant. 

Ces deux-là, qui ne se sont pas parlé pendant très longtemps, commenceront par s’affronter… Avant que Serge ne propose à son fils de se faire embaucher comme vendeur… Avant que ce fils ne se découvre aussi doué que son père… Avant que ce père, qui consomme, à tout va, filles perdues (Sara Giraudeau), whiskies et cocaïne, ne  prenne conscience qu’il n’a pas envie que son fils suive son exemple et se retrouve, comme lui, à la fin d’une cinquantaine fatiguée, titulaire d’une vie privée bâtie sur un champ de ruines…

Points forts

- Comme souvent, d’abord le scénario. Il est ici à double détente. Sylvain Desclous commence par nous plonger dans l’univers de ces « commerciaux » dopés aux séances de coaching, obnubilés par la performance et leur chiffre d’affaires, mais qui, à force de sillonner la France, se retrouvent souvent dans une solitude terrible, qu’ils  masquent à coups d’expédients de toutes sortes… 

  On s’installe donc en pensant  assister à un film sur un milieu rarement montré à l’écran… Mais rien ne va se passer comme on le supposait, car insensiblement, Sylvain Desclous va infléchir le cours de « Vendeur ». Sans en abandonner le sujet initial (une radiographie du métier de vendeur), il va, à travers le portrait de son  personnage principal, nous faire assister à la naissance du sentiment de paternité, et donc de responsabilité parentale chez un homme qui en avait toujours été dépourvu. Un drame psychologique comme ressort d’un film sur le monde du travail… Pour réussir ce tour de passe-passe scénaristique, il fallait un joli « coup de crayon !

- La prestation de Gilbert Melki. Le comédien, qui on le sait, ne fonctionne qu’aux coups de cœur, avait presque disparu du grand écran. Dans ce rôle de vendeur de cuisines, à la fois déglingué, solitaire, égoïste, noceur et fanfaron, il effectue un retour éblouissant, dont on espère pour lui qu’il marquera un nouveau tournant dans sa carrière.

Dans le rôle de son fils, renfermé au début, puis acquérant de l’aisance, il faut également saluer Pio Marmaï. Lui aussi (dont le jeu évoque parfois celui du regretté Patrick  Dewaere) magnétise. Et il sort ici du registre de « séducteur malgré lui » dans lequel certains metteurs en scène auraient trop tendance à vouloir l’enfermer.

- La beauté formelle du film. Dans la vraie vie, les zones commerciales provoquent rarement rêves, enthousiasme et gaieté. En les filmant souvent en plan large, dans des cadres qui font la part belle à la perspective, Sylvain Desclous les a dotées d’une « photogénie » inattendue. Résultat dans ce « Vendeur »: ces endroits parviennent à générer de l’émotion et de la poésie.

- L’ambiance musicale du film. Mine de rien, elle  participe, presque au même titre que l’image, à la poésie du film…

Quelques réserves

- Le personnage du père de Gilbert Melki, incarné par l’écrivain Serge Livrozet. Il est un peu trop « too much » et du coup, n’apporte pas l’émotion qu’il aurait dû provoquer.

 - La séquence finale du film (mais chut, c’est la chute !!), qui survient un peu trop abruptement.

Encore un mot...

Oui, il faut sans hésiter aller voir ce « Vendeur ». Pour au moins trois raisons:

- Parce qu’au delà du portrait  touchant d’un homme que son métier a perdu, il réussit à brosser, avec un réalisme passionnant, celui  du monde du travail. 

- Parce qu’il  signe le retour à l’écran d’un Gilbert Melki magistral.

- Enfin, parce qu’il faut soutenir  un cinéaste , en l’occurrence  Sylvain Desclous, qui, pour son premier long métrage,  a fait preuve  non seulement d’une  vraie « patte » mais aussi d’un joli culot en ne s’engouffrant pas, comme tant d’autres, dans les sentiers rebattus de la comédie de moeurs.

L'auteur

Après avoir fait des études de sciences politiques, de droit, d’économie  et de lettres, Sylvain Desclous, né en 1973 dans la région parisienne, commence par exercer plusieurs métiers, notamment dans l’édition et l’organisation de séminaires d’entreprises. 

En 2005, il se lance dans le cinéma et réalise son premier court métrage « CDD/I ». Quatre ans plus tard, ce sera « Là-bas ». Suivront trois autres courts et moyens métrages dont « Le Monde à l’envers » (2012) et « Mon héros » (2015) qui, tous les deux, seront sélectionnés dans de nombreux festivals et pour les César du meilleur court-métrage.

Avec « Vendeur », ce cinéaste, qui connaît bien le monde de l’entreprise,  signe son premier long métrage. En tant que réalisateur et co-scénariste.

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