AU-DESSOUS DU VOLCAN
Bonus vidéo : préface de Patrick Brion; Entretien de Michel Ciment avec John Huston ; Évocation par le critique Serge Chauvin de l’appropriation par Huston du roman de Malcolm Lowry ; et un documentaire de 59’ du travail du cinéaste sur le tournage du film.
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Thème
Mexique,1938. En cette veille de 1er novembre, la nuit est tombée sur Cuernavaca. Mais l’animation est encore vive dans les rues car on prépare activement la fête des morts. Geoffrey Firmin, ex-consul britannique, erre parmi la foule. Ivre mort, il tente d’oublier le départ de sa femme, Yvonne (Jacqueline Bisset). Imbibé d’alcool et rongé par le passé, il est devenu une figure tragique notoire qui fait sans cesse la tournée des estaminets. Au petit matin de cette nuit d’errance, après un an d’absence, Yvonne réapparaît sans crier gare. Malgré le retour, survenu presque en même temps, de Hugh, un de ses ex-amants et demi-frère de Geoffrey (Anthony Andrews), elle revient chercher son époux pour essayer de sauver son mariage. Mais c’est trop tard. Les affres du doute, du remords et de la jalousie ont définitivement pris le pas sur les élans du cœur de Geoffrey, qui va finir tragiquement assassiné, juste avant Yvonne.
Points forts
– Lorsque John Huston annonce qu’il va porter à l’écran le roman culte de Malcolm Lowry, certains affichent leur scepticisme. L’œuvre est réputée inadaptable, d’ailleurs plusieurs cinéastes (dont Buñuel et Joseph Losey) s’y sont déjà cassé les dents. C’est oublier que John Huston a déjà gagné un pari similaire, presque trente ans auparavant, avec un autre récit qu’on disait « intransposable », Moby Dick de Herman Melville. Secondé par un jeune scénariste nommé Guy Gallo, le cinéaste va s’en sortir brillamment. Il va axer son travail sur la culpabilité inexpugnable que portent ses héros et va muscler la force dramatique de son scénario en faisant monter la tension entre ses personnages, cela, en s’appuyant sur leur désespoir et leur incapacité à se réconcilier, en se servant, aussi, avec une habileté qui laisse pantois, de la puissance anxiogène de l’environnement.
– Dans le roman, la ville de Cuernavaca n’avait pas été choisie par hasard par Malcom Lowry : elle est dominée par un volcan à deux sommets qui évoquent l’image d’un couple dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il est condamné à voler en éclats en cas d’éruption. La métaphore était trop belle : John Huston a évidemment tourné dans les paysages tragiques du roman. Comme il les connaissait bien, il a su en capter l’inquiétante et mystérieuse beauté. Il a su aussi restituer les us et coutumes de cette région qui célèbre la mort, sinon pour l’accepter, du moins pour l’apprivoiser et la narguer.
– La distribution est parfaite. En héros alcoolique, suicidaire, rongé par le naufrage de sa vie, Albert Finney – alors lui même grand buveur – est sensationnel dans cette façon qu’il a, pleine de retenue et d’intériorité, de donner à ressentir le déboussolent, le désespoir et la passion déçue de son personnage. Il est, ici, comme un double du cinéaste, taraudé lui aussi par les démons de l’alcool et de la solitude. Jacqueline Bisset réussit pour sa part à faire surgir du pathétique du bleu, si pur, de son regard.
Quelques réserves
Les personnages d’Yvonne et de son ex-amant Hugh restent un peu trop secondaires.
Encore un mot...
Parce qu’ils sont (re)diffusés régulièrement à la télévision, on connaît bien certains films de John Huston comme le Faucon maltais (en 1941, son premier long métrage en tant que réalisateur ), ou Le Trésor de la Sierra Madre (en 1948, Oscar du meilleur scénario et de la meilleure réalisation) ou encore les Désaxés (en 1961, le dernier film « achevé » de Marilyn Monroe). Sans qu’on sache trop bien pourquoi, le petit écran ressort beaucoup moins souvent d’autres chefs d'œuvre de l’immense cinéaste américain. Grâce soit donc rendue aux Éditions Carlotta qui éditent pour la première fois en Blu-ray (dans un nouveau master restauré HD), l’envoutant et crépusculaire Au-dessous d’un volcan, que le cinéaste réalisa en 1984, trois ans avant sa disparition. Il est accompagné de « succulents » suppléments, dont une conversation de Michel Ciment avec le cinéaste (19’) et un documentaire d’exception où le réalisateur Gary Conklin capte le travail de ce dernier sur le tournage de son film. A noter aussi que Carlotta sort concomitamment en Blu-ray (également dans un nouveau master restauré HD) Le Malin du même John Huston. Un film puissant et féroce, qui à travers le portrait d’un jeune « illuminé » (incarné par un ahurissant Brad Dourif), dresse celui, cinglant, d’une Amérique profonde culturellement très « influencée » par la religion.
Une phrase
« Chez John Huston, à la maison, il fallait lire. Moby Dick, la Bible, Gens de Dublin, Au-dessous du volcan… Il s’est attaqué à des œuvres inadaptables avec une grande liberté, en décidant d’en garder les angles qui l’intéressaient. Il n’essaie pas de restituer ce qui ne l’est pas, mais de garder ce qui l’est, et notamment des récits d’obsession ou de révolte en les ancrant dans des pays - comme le Mexique - qu'il connaît intimement » (Serge Chauvin, traducteur et critique).
L'auteur
Il fut l’un des artistes les plus singuliers du cinéma américain, un touche-à-tout impénitent aussi, qui s’essaya, souvent avec brio, aux métiers les plus créatifs du cinéma : monteur, acteur, dialoguiste, scénariste, réalisateur et producteur. Comment cet éclectique forcené, à la fois mondain et solitaire, trouva-t-il encore du temps pour s’adonner à des activités aussi diverses que : séduire les actrices, monter à cheval, boxer, peindre, collectionner les œuvres d’art, fumer le cigare, voyager, jouer au poker et s’enivrer jusqu’à plus soif… C’est le mystère, si fascinant, jamais élucidé, de John Huston. Un mystère qui naît dès son enfance. Qui aurait pu prédire une vie aussi riche et aussi exubérante à un petit garçon souffreteux, chez lequel, à l’âge de 12 ans, on détecta une insuffisance rénale congénitale ?
Né le 5 août 1906, au Nevada dans le Missouri, d’un père comédien et d’une mère journaliste, John Huston n’a pas quinze ans quand, pour braver la maladie de Bright qui l’affecte depuis sa naissance et le condamne à une existence étriquée, il plonge dans un fleuve glacé. Il aurait pu en mourir… il en sort guéri et en gardera toute sa vie une passion inextinguible pour les jeux de cartes et de hasard.
A peine débarrassé de son mal, John entre dans une école militaire, puis en sort, assez vite, pour apprendre la boxe. En 1921, nouvelle volte-face : il cesse toute scolarité et décide de gagner sa vie. Après un vagabondage de 10 ans qui le mène notamment à Paris, il devient scénariste pour Samuel Goldwyn (Law and order), puis participe à l’écriture d’une dizaine de films dont L’Insoumise de William Wyler.
En 1941, c’est le grand saut : il signe son premier film en tant que metteur en scène. C’est Le Faucon maltais.Il en réalisera une quarantaine d’autres, de registres différents, dont la grande majorité sont considérés aujourd’hui comme des œuvres majeures (Le Trésor de la Sierra Madre, Les Désaxés, La Nuit de l’Iguane, etc.). Quelques-uns, comme L’Homme qui voulut être roi ou Au-dessous du volcan , accèderont même au rang de chef d’œuvre.
Créateur hors norme, n’en n’ayant jamais fait qu’à sa tête, John Huston le magnifique meurt d’une pneumonie, le 28 août 1987. Déjà très malade (il était atteint d’emphysème sévère), il venait d’achever l’époustouflant Gens de Dublin.
Et aussi
- AU FEU LES POMPIERS ! de MILOS FORMAN - Avec JAN VOSTRČIL, JOSEF SEBÀNEK, JOSEF VALNOHA…
Dans une petite ville tchèque, des pompiers bénévoles préparent leur bal annuel, à l’issue duquel ils doivent remettre la Hache d’or à leur président d’honneur, âgé de 86 ans et atteint d’un cancer. Rien ne va se dérouler comme prévu. La fête va rapidement tourner à la confusion générale. Le concours de reine de beauté va se transformer en débandade, à tel point que le titre va finalement échoir à une dame d’âge mûr ; les lots de la tombola, pourtant d’un intérêt et d’une valeur discutables, vont être volés les uns après les autres, et, pour parachever le tableau, un incendie va survenir dans une des maisons de la ville, provoquant la dislocation du bal…
Troisième film de Milos Forman après L’As et pique et Les Amours d’une blonde (deux autres petits chefs-d’œuvre qui sortent aussi parallèlement cette semaine en DVD et Blu-ray chez Carlotta), Au feu les pompiers ! est le dernier opus du cinéaste tchèque avant son exil aux Etats-Unis, motivé par la répression du Printemps de Prague. Écrit à partir d’une histoire originale due au scénariste Václav Sasek, c’est une succulente satire sociale dont le désenchantement teinté d’ironie et d’humour ubuesque lui valut d’être sélectionné au festival de Cannes en 1968. Ce petit chef-d’œuvre avait pratiquement disparu des écrans (grand et petit). Pour les fans du cinéaste, sa ressortie en DVD et Blu-ray est une aubaine.
Recommandation : Excellent
Sortie vidéo DVD, Blu-ray – Editions Carlotta
Bonus vidéo : Milos Forman années 60 de Luc Lagier (50’); Bande-annonce 2019 HD
- L'Enfer de Claude Chabrol - Avec Emmanuelle Béart, François Cluzet, Nathalie Cardone, Marc Lavoine…
Paul vient d’acheter et de rénover l’auberge où il travaille depuis toujours. Il épouse Nelly, une des plus belles filles de la région, qui lui donne vite un enfant. Sans les emprunts à rembourser, tout irait pour le mieux si, irrité par l’attitude séductrice de sa femme, Paul ne devenait jaloux, d’une jalousie maladive qui va transformer sa vie et celle de sa femme en enfer…
Comme elle va bien à Claude Chabrol cette histoire imaginée par le machiavélique Henri-Georges Clouzot ! A partir de celle-ci construite autour du délire paranoïaque d’un homme, le malicieux cinéaste a concocté un film comme il les aime, où, tel un démiurge, il s’amuse à manipuler le spectateur, qui plus est, dans l’univers des bourgeois provinciaux qu’il connaît comme sa poche. Avec, en têtes d’affiche, deux des acteurs français parmi les meilleurs et plus populaires (Emmanuelle Béart et François Cluzet), L’Enfer est un régal de noirceur et de sensualité. Sa ressortie en DVD s’accompagne notamment d’un bonus sur trois de ses scènes que le réalisateur commente avec passion. Avis aux amateurs, Carlotta édite aussi cette semaine quatre autres petits « bijoux chabroliens » : La Fleur du mal, Merci pour le chocolat, Rien ne va plus et La Cérémonie.
Recommandation : Excellent
Sortie Blu-ray, le 7 avril, version restaurée 4K et DVD, le 28 avril – Editions Carlotta.
Bonus vidéo : présentation du film par Joël Magny, scènes commentées par Claude Chabrol, entretiens et conversations inédites, bande-annonce originale.
– PETITE FILLE de SÉBASTIEN LIFSHITZ – DOCUMENTAIRE
Sasha, né garçon, se vit comme une petite fille depuis l’âge de 3 ans. A sept ans, elle ne rêve que de tutus et de jolies robes. Ce documentaire suit, pendant un an, sa vie au quotidien, le questionnement de ses parents et de sa fratrie et aussi et surtout le combat incessant que mène sa maman pour faire comprendre sa différence…
Contrairement à Adolescentes, du même Sébastien Lifshitz, qui avait eu droit à une sortie en salle, Petite fille avait été diffusé directement sur Arte, le privant d’une confrontation directe avec le spectateur, ce qui, soit-dit en passant, n’avait pas empêché qu’il soit récompensé au dernier Festival de Berlin. Le voici qui paraît en Blu-ray. Comme hymne à la tolérance et comme guide à l’usage de parents confrontés à la dysphorie de genre de leur enfant, on a rarement fait mieux. Sébastien Lifshitz sait regarder la différence comme personne, sans voyeurisme, avec un tact fou. Édifiant et bouleversant.
Recommandation : En priorité.
Sortie Blu-ray, DVD – Arte éditions.
Bonus vidéo : Séquences coupées ; entretien avec Sébastien Lifshitz.
– CALAMITY de RÉMI CHAYÉ – FILM D’ANIMATION – Avec LES VOIX DE SALOMÉ BOULVEN, ALEXANDRA LAMY…
1863. Dans un convoi qui progresse vers l’Ouest américain, Martha Jane, 10 ans, orpheline de mère, doit remplacer son père, blessé, pour conduire le chariot familial. Parce que ses jupons l’entravent, Martha la téméraire enfile un pantalon et se coupe les cheveux. Mais son nouveau look de garçon manqué ne plaît pas. Chassée du convoi pour un vol qu’elle n’a pas commis, la jeune effrontée, qui manie le lasso avec une dextérité de cowboy aguerri, se voit obligée d’affronter un monde en pleine construction. Entre péripéties mouvementées et chevauchées intrépides, sa personnalité, unique, va s’affirmer. Martha Jane va devenir une hors-la-loi de légende.
Calamity Jane a inspiré un nouveau film d’animation à Rémi Chayé (Tout en haut du monde, 2015). Grâce la personnalité de son héroïne, ce film, tout en aplats de couleurs et d’un graphisme sublime a pris les allures d’un conte initiatique mâtiné de western féministe, où sont abordées, avec subtilité et à hauteur d’enfant, les questions du genre. Visible à partir de 8 ans, conjuguant beauté, émotion, divertissement et réflexion, Calamity a remporté le Cristal du long métrage à la dernière édition du Festival d’Annecy. Sorti le 14 octobre dernier, juste deux semaines avant le confinement, ce beau film avait vu son exploitation brisée. Sa sortie en DVD lui offre une seconde chance. Idéal pour un après-midi en famille pendant les vacances scolaires.
Recommandation : Excellent.
Sortie DVD, Blu-ray – Universal Pictures France.
Bonus vidéo : 5 femmes pour Calamity, La genèse de Calamity, La couleur de Calamity, Les voix de Calamity, La mu
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