La mort de Staline

Petit voyage de fantaisie au pays du nouveau Spoutnik V...
De
Armando Iannucci
Production anglo-franco-belge - distribué par Gaumont -
2017- sortie en France avril 2018 -
Inspiré de la bande dessinée de Nury et Robin (Dargaud editeur), durée 106 mn -
Tous les films cités ici sont atteignables sur supports DVD ou autres, ainsi que par les chaînes à la demande.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

La mort de Staline s’avère une comédie anglaise délirante, endiablée, aussi hilarante que terrifiante, servie par des acteurs déchaînés, tournée à Moscou sur les lieux mêmes de l’action et à Kiev.

L’action débute sur un concert très ...déconcertant. Staline meurt dans la nuit du 2 mars 1953 : son entourage est désemparé, terrorisé, accablé, triomphant… Ils sont tous là : Beria, Malenkov, Boulganine, Khrouchtchev, Kaganovitch, Mikoyan, Molotov, Joukov, les encombrants enfants Staline… Confusion, hésitations, course au pouvoir, aux honneurs, valse des sorties et entrées de prisons. 

Ajoutons pour la petite histoire que le camarade Lénine adorait le cinéma ; Il disait « de tous les arts, c’est le plus important », et encouragea une production propagandiste considérable, souvent d’excellente facture. Staline aussi adorait le cinoche, surtout les westerns dont il se régalait le soir après le bortsch.  Pendant la 2WW, par les convois américains qui aboutissaient à Mourmansk, il recevait régulièrement les exploits de Gary Cooper, Errol Flynn, Grégory Peck et du jeune John Wayne, empaquetés au milieu des chars, des munitions et des bombardiers. Une grande époque fraternelle…

Points forts

Steve Buscemi est un Nikita Khrouchtchev plus vrai que nature. Simon Russell Beale un Beria vraiment dégoûtant.  Michaël Palin (le bègue d’Un Poisson nommé Wanda) un Molotov paumé. Jason Isaacs un Joukov pétaradant couvert de médailles. Tous ces acteurs britanniques s’en donnent à coeur joie. 

C’est parodique, burlesque, guignolesque, mais fort près de l’exacte vérité, et le rire s’accompagne d’un frisson rétrospectif.

Quelques réserves

Comment trouver des faiblesses à une comédie satirique coécrite et réalisée par un maître de la satire politique  ? L'œil occidental aime beaucoup ironiser, se moquer, critiquer le régime, l’opacité des mystères soviétiques ou désormais redevenus russes...

Encore un mot...

Un film formidable, couvert de prix, médailles et nominations. 

L'auteur

Le britannique Armando Iannucci (né en 1963) scénariste et réalisateur, est apprécié pour ses satires politiques (sauf  bien sûr par les Russes pour ce film-là !). Il a écrit de nombreux scénarios pour des séries télévisées et a réalisé quatre films pour le cinéma. Son film In the loop a reçu pas moins de cinq prix du meilleur scénario. 

Et aussi

 

 - Twist again à Moscou de Jean-Marie Poiré (1986) : Un très mauvais film ! Vulgaire, lourdingue, sans queue ni tête...mais qu’est-ce qu’on s’amuse ! Une sombre histoire de famille poursuivie par le KGB pour non conformité politique et fraude fiscale (tiens, tiens ?). Un parent bien en cour qui rechigne à aider. Les dames cerbères qui gardent les clefs d’étage dans le grand hôtel dirigé par  Noiret faux jeton rappellent la réalité de l’époque. La fuite éperdue génère une cavalcade dans la neige à travers les steppes infinies...Clavier et Lamotte en font des tonnes. Blier et Noiret avouent n’avoir « jamais autant rigolé sur un tournage » (Voir le Philippe Noiret de Dominique Maillet p.322 et son éditeur Henri Veyrier, 1989), tout cela sous le sublime regard d’une Marina Vlady resplendissante, très Impératrice de toutes les Russies.

- Est-Ouest de Régis Wargnier (1998), le spécialiste des situations pleurnicheuses coincées dans la réalité historique (Indochine). C’est très bien fait, un peu long, pas vraiment tonique : en 1946 un médecin russe réfugié en France et sa jeune épouse française succombent aux sirènes aguicheuses de Staline de ré-installation dans la mère patrie. Mais la réalité est terrible. Tourné dans l’euphorie des échanges culturels des années 90, il y a une certaine raideur : la grande star russe Oleg Menchikov doit être doublé en permanence, Sandrine Bonnaire est un peu empaillée, Catherine Deneuve a grossi dans un rôle surjoué. Le véritable intérêt réside dans l’histoire vraie de ce nageur olympique qui a réussi à passer à l’Ouest en traversant la Mer Noire. Les dernières minutes, sur le Bosphore, sont très belles. Proposé aux Oscars en 2000.

- Le  Concert de Radu Mihaileanu, avec Alexeï Guskov, Dimitri Nazarov, Miou Miou, Mélanie Laurent. Un ancien chef d’orchestre du Bolchoï, devenu homme de ménage du même prestigieux théâtre, intercepte un fax du théâtre du Châtelet invitant l’orchestre à Paris. Il monte alors un énorme mensonge vengeur et reconstitue l’orchestre du passé. Tout le monde (2 millions d’entrées en 2010) a vu ce morceau de bravoure très bien fait, un peu long (2h), un peu  surchargé, mais où l’on rit beaucoup, et l’on pleure un peu à la fin. Il vaut mieux aimer les Russes et Tchaïkovsky.

- L’Affaire Farewell de Christian Carion (2010) avec Guillaume Canet et surtout Emir Kusturica. A ranger dans les drames ou les thrillers. C’est l’histoire vraie d’un ingénieur français dont la couverture a sauté et qu’il faudrait exfiltrer. Adapté du livre-témoignage Bonjour Farewell (de Sergueï Kostine,  Robert Laffont, 1999), c’est de la belle ouvrage : début un peu mou, fin haletante, Moscou splendide ; Canet est supportable, Kusturica grandiose. On peut associer ce travail à Atomic Blonde  de David Leitch, en contournant l’inutile violence, où l’on ne comprend rien,  mais où Charlize Theron – blonde ou brune - est toujours aussi belle.

- L’Insoutenable légèreté de l’être de Philippe Kaufman (1988) : un vieux joyau toujours émouvant et joyeux. Prague 1968. Les chars russes. On a bien aimé Juliette Binoche débutante, fraîche, et innocente, et Daniel Day-Lewis tellement enjôleur. Le mélange des images d’époque avec  celles du film est révélateur du rôle à double face des reportages de journalistes. La dernière partie à la campagne, avec le chien Karénine, est magnifique.

- La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck. Rare et superbe, Oscar du meilleur film étranger en 2007. La RDA dans toute la splendeur de son système de surveillance généralisée. Quelques scènes inoubliables (celle dans l’ascenseur avec le ballon du petit garçon, le rôle de l’encre rouge…).  De remarquables acteurs. On ressort de la salle de cinéma en se disant qu’on l’a échappé belle ! L’effet, au fond de son canapé à la maison, n’est peut être pas aussi fort. D’où l’aspect « essentiel » du partage dans les salles obscures du cinéma. 

- Il faut aussi aimer le beau cinéma russe : par exemple Les Yeux noirs de Nikita Mikhalkov, d’après Tchekhov, avec l’inoubliable Mastroianni et une sublime Silvana Mangano  (« chatoyant » écrit Tulard) ou ceux de son frère  Andreï Mikhalkov-Kontchalovski, ancien assistant et scénariste de Tarkovski pour Andreï Roublev, surtout -réalisés aux USA - son Runaway Train (85) avec Jon Voight, saisissante odyssée d’un train fou en Alaska (on  s’en remet pas) et Le Bayou en 1987. Mais le plus admirable et attachant est L’Arche Russe (2002), cet unique plan-séquence  d’une heure et demi d’Alexandre Sokourov (Mère et fils, 1997) un  projet  audacieux, filmé dans le Palais de l’Ermitage, relatant trois siècles d’histoire de la Russie. Magnifique (à moins que ce ne soit un bon somnifère).

Allons ! et comme on dit en russe Karacho, Tovaritch Spoutnik !!!

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