L'ÉTRANGE MONSIEUR VICTOR

Un drame porté par Raimu et signé d’un cinéaste injustement resté dans l’ombre de Jean Renoir et de Marcel Carné…
De
JEAN GRÉMILLON
Sortie Blu-ray en version restaurée. Editions Pathé -
Bonus vidéo :
A l’ombre des persiennes, entretien avec Philippe Roger, Paul Vecchiali, Jean-Dominique Nuttens et Jean-François Buiré ( 57’) ; commentaire audio de Philippe Roger ; Archive : Raoul Ploquin ( producteur ) dans L’Histoire du cinéma par ceux qui l’ont fait ; Actualité Pathé d’époque : A propos de la suppression du bagne (1937).
Avec
RAIMU, MADELEINE RENAUD, VIVIANE ROMANCE…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Mari attentif d’une charmante épouse ( Madeleine Renaud), père aimant d’un nouveau-né, Victor Agardanne (Raimu) est un commerçant honoré. Difficile de soupçonner que dans son arrière-boutique, cet homme affable le jour est, la nuit, le receleur d’une bande de cambrioleurs. Un jour, menacé de chantage par l’un d’eux, il le tue. Son voisin, Bastien, cordonnier de son état (Pierre Blanchar), est accusé du meurtre à sa place et condamné au bagne. Après sept ans d’emprisonnement, Bastien s’évade, revient trouver Victor, qui lui propose alors de subvenir à ses besoins. Le meurtrier sera finalement dénoncé par un de ses anciens complices…

Points forts

- Le scénario, qui, étayé par des dialogues d’une précision et d’une efficacité parfaites – signés Charles Spaak et Marcel Achard –, ne tombe jamais dans le manichéisme. D’une maîtrise confondante, il démarre presque comme une comédie provençale (l’action se passe à Toulon!) et bascule insensiblement dans le drame psychologique.

– La mise en scène et la direction d’acteurs, qui évitent tout pathos, magnifient les acteurs.

– La distribution, qui, comme toujours avec ce cinéaste sans concession, est au-delà de l’impeccable. Dans le rôle-titre, Raimu offre l’une de ses plus étonnantes compositions. Plus sobre, plus intériorisé que d’habitude, le comédien sort de sa faconde méridionale et joue toutes les variations de son personnage : la noirceur et la douceur, la violence et la veulerie, la gentillesse et la dangerosité. Tour à tour Docteur Jekyll et Mister Hyde de la petite bourgeoisie commerçante toulonnaise, il est d’une ambiguïté rarement rencontrée chez lui. Sa prestation est exceptionnelle.

Quelques réserves

Paradoxalement, le scénario. Malgré sa grande maîtrise, notamment, dans sa bascule d’un genre à l’autre, il est par moments un peu trop touffu.

Encore un mot...

Tourné après Gueule d’amour et avant Remorques (deux des chefs-d’œuvre - trop méconnus- du cinéaste), L’étrange Monsieur Victor compte parmi les films les plus « forts » de Jean Grémillon. A la frontière du drame et du polar, c’est un formidable film noir à la française, d’un réalisme cru, volontairement dépouillé de toute prétention poétique. Sa photo en noir et blanc, est, en outre de toute beauté. Qu’il ressorte aujourd’hui en DVD va peut-être aider à la réhabilitation de son réalisateur, un immense cinéaste qui, inexplicablement, ne réussit jamais à jouir auprès du public, de la même renommée que ses compagnons de route Marcel Carné et Jean Renoir.

Une phrase

« Il était intelligent, cultivé, il savait écrire, peindre, composer de la musique. Il était beau, généreux, faisait très bien la cuisine, adorait la vie. Il avait tout pour réussir et il a eu une existence contrariée, sans arrêt marquée d’échecs. Cela venait un peu de son caractère : il aimait travailler avec les scénaristes, avec les acteurs, il était passionné par le montage, mais malheureusement, il n’aimait pas les producteurs, et ils le lui ont toujours bien rendu » ( Charles Spaak, scénariste, ami de Jean Grémillon).

L'auteur

Né à Bayeux le 3 octobre 1901 dans un milieu modeste, Jean Grémillon s’oriente d’abord vers la musique. Successivement lycéen à Brest, Dinan et au Havre, il finit par rejoindre Paris à 20 ans et s’inscrit à la Schola Cantorum où on enseigne la musique et le théâtre. Violoniste au sein d’orchestres qui se produisent pendant les projections de films muets, il noue une amitié avec le futur chef opérateur Georges Périnal. C’est par le biais du documentaire qu’il se lance dans le cinéma. Leur diversité sera le témoin de sa curiosité et de son souci esthétique. En 1927, Dullin lui offre de pouvoir réaliser son premier film de fiction, Maldonne, qui ne trouvera pas son public, à l’instar de ses deux films suivants. Après s’être exilé un temps en Espagne, il revient en France pour tourner, en 1937, Gueule d’amour avec Jean Gabin – qui y trouve l’un des plus beaux rôles de sa carrière – ; en 1938, L'Étrange Monsieur Victor, puis, en 1939, Remorques, à l’occasion de laquelle il retrouve Jean Gabin. Suivront Lumière d’été, avec Madeleine Robinson et Pierre Brasseur, puis Le ciel est à vous, avec Madeleine Renaud et Charles Vanel.

A la Libération, le réalisateur échafaude plusieurs projets de films historiques, mais en raison des réticences des producteurs, aucun ne verra le jour. Découragé, il passera quatre années sans tourner, réalisera encore deux longs métrages de fiction dont l'Étrange Madame X, et aussi quelques documentaires, dont un sur le peintre André Masson.

En 1958,Venise l’appelle pour présider son Jury aux côtés de son ami René Clair. Mais peu de temps après, il est hospitalisé. Il meurt le 25 novembre 1959, le même jour que Gérard Philipe. Il avait 58 ans.

Et aussi

 

THE ADDICTION d’ABEL FERRARA – Avec LILI TAYLOR, CHRISTOPHER WALKEN, ANNABELLA SCIORRA…

Brillante étudiante en philosophie à l’Université de New York, Kathleen prépare sa thèse de doctorat. Un soir elle croise sur son chemin une femme étrange et séduisante qui la conduit de force dans une impasse et la mord au cou… Bientôt Kathleen va développer un appétit féroce pour le sang humain que rien ni personne ne saura ni contrarier, ni assouvir…

Sa filmographie le prouve : Abel Ferrara a toujours adoré les volte-faces. En 1995, deux ans après Body Snatchers ( science-fiction horrifique ) et Snake Eyes (drame), le voici qui décide de se lancer sans un sou vaillant dans un film de vampire, sur des thématiques très personnelles… Visiblement, le manque de moyens a inspiré le bad boy du cinéma américain. Tourné dans un New York très cauchemardesque, filmé dans un magnifique noir et blanc rappelant ceux de Murnau, The Addiction est une œuvre choc et haletante, tellement intense qu’on lui pardonne certaines de ses extravagances qui flirtent pourtant avec la caricature ou le grotesque. On l’aime, Ferrara, qui ose tout et n’hésite jamais à s’aventurer aux confins du « pire » avec ce sens de la dérision qui le caractérise et nous réjouit. The Addiction est à découvrir pour la première fois en Blu-ray et DVD dans une magnifique restauration.

Recommandation : Excellent

Sortie vidéo DVD, Blu-ray – Editions Carlotta.
Bonus vidéo :

Entretien avec les vampires : documentaire réalisé par Abel Ferrara avec Christopher Walken, Lili Taylor, Joe Delia et Ken Kelsch (HD, 31’)
Entretien avec Abel Ferrara (HD, 16’)
Analyse de Brad Stevens (HD, 9’)
Abel Ferrara pendant le montage du film (9’)
Bande-annonce originale

 

– SILENCE de MASAHIRO SHINODA – Avec DAVID LAMPSON, DON KENNY, TETSURÔ TANBA, SHIMA IWASHITA…

Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites portugais, le père Rodrigues et le père Garrpe, débarquent sur les côtes japonaises. Leur objectif est d’aider à réimplanter le christianisme dans ce pays où la religion catholique est interdite et ses fidèles persécutés. Accueillis avec enthousiasme par les croyants obligés de se cacher pour pratiquer leur foi, les deux missionnaires vont parallèlement tenter de découvrir la vérité sur leur mentor, le père Ferreira, mystérieusement disparu après sa captivité cinq ans plus tôt…

Adapté du roman éponyme de Shusaku Endo – un classique de la littérature japonaise – Silence  avait été projeté en compétition au festival de Cannes l’année de sa sortie en 1971. Bien qu’encensé par la critique qui en avait loué la beauté formelle, l’approche documentaire, l’austérité toute janséniste, et la force de réflexion, il n’avait jamais été distribué sur les écrans français. Est-ce la sortie, en 2016 de la version qu’en avait tiré Martin Scorsese qui a « mis le feu aux poudres » ? En tous cas, voici ce Silence japonais pour la première fois disponible en Blu-ray et DVD dans sa version restaurée. Voyage spirituel et physique au cœur de la foi, c’est un film  magnétique, violent et vertigineux dont on sort difficilement indemne.

Recommandation : Excellent

Sortie DVD, Blu-ray – Editions Carlotta
Bonus vidéo : Préface de Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant, spécialiste du cinéma japonais et co-auteur du Dictionnaire des acteurs et actrices japonais ; bande-annonce originale, bande-annonce originale 2019.

 

– LA PREMIÈRE MARCHE de HAKIM ATOUI et BAPTISTE ETCHEGARAY- DOCUMENTAIRE.

C’est à Saint-Denis qu'eut lieu le 9 juin 2019 la première Marche des Fiertés dans une ville de banlieue. Pour célébrer cet événement organisé là où personne n’aurait osé l’imaginer, le producteur Hakim Atoui et le journaliste Baptiste Etchegaray décident de se faire documentaristes. Pendant six mois, les deux primo-cinéastes braquent leur caméra sur quatre des jeunes militants des droits LGBT banlieusards chargés de l’organisation de cette marche, inédite dans une ville qui traîne une réputation à des années-lumière du combat LGBT. Dégageant sympathie, émotion et énergie, leur film capte la combativité et la détermination audacieuse de ces jeunes, qu’on voit ici trouver des slogans, distribuer des tracts, coller des affiches, tenter de convaincre les médias d’annoncer leur évènement, etc. Parce que La première Marche est tout le temps sincère, par moments très drôle, et aussi « signifiant » sur notre époque, on peut lui pardonner ses quelques longueurs. Il sort en DVD, agrémenté d’une interview des deux réalisateurs. Édifiant et émouvant.

Recommandation : Bon

Sortie DVD – Editions Outplay
Bonus vidéo : Entretien avec les réalisateurs (38’) ; scènes coupées ; bande-annonce.

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