Alexandra Kollontaï, la walkyrie de la Révolution

Sur un personnage méconnu, un beau travail d’historien mais trop érudit pour être séduisant
De
Hélène Carrère d’Encausse
Fayard
Parution le 10 novembre 2021
300 pages
23 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Née en 1872 à Saint Pétersbourg dans une famille d’aristocrates, Alexandra Kollontaï est séduite très tôt par les idées qui amèneront la Russie à devenir l’URSS. L’éducation raffinée que lui ont donné ses parents et les moyens qu’ils lui fournissent lui permettent de s’adonner à sa passion pour le socialisme et le féminisme avant de rejoindre la bannière bolchevique de Lénine et devenir la première femme de l'Histoire contemporaine à avoir été membre d'un gouvernement et ambassadrice dans un pays étranger. Ayant échappé aux grandes purges de 1930 et à la folie destructrice de Staline, elle s’éteint paisiblement à Moscou quelques mois avant le dictateur après avoir terminé sa vie publique en juillet 1945 (après la victoire de l’U.R.S.S. sur l’Allemagne) et occupé sa retraite à écrire ses Mémoires.

Points forts

De la fin du XIX° siècle jusqu'aux années 1950 l'histoire de la Russie (et de l'URSS après 1922) défile tout au long de la vie de cette Kollontaï, méconnue et très en avance sur son temps, qui multiplie les images différentes :

- La féministe : 
Elle se bat pour les femmes, mariées comme prostituées, afin qu’elles puissent travailler tout en s’occupant de leurs enfants et puissent accomplir leur destin de femme grâce à un salaire décent.
Quant à elle, c’est une théoricienne de l’amour libre ; depuis son bref mariage avec Kollontaï épousé contre l’avis de ses parents et père de son fils Micha, jusqu’à ses nombreux amants, dont les très aimés Dibenko et Chliapnikov, elle affirme que « l’image de femme mariée (…)  lui était insupportable » (p.155).
C’est elle qui crée « la journée mondiale des femmes », toujours célébrée le 8 mars, et qui fut - remarquable coïncidence- le jour de sa mort en 1952.

- La politique :
Elle participe à la révolution de 1917 et devient commissaire du peuple à l’Assistance publique (qui correspond aux actuels ministères de la santé) dans le gouvernement des soviets. Elle se révèle ensuite une vraie révolutionnaire par son adhésion au principe « la fin justifie les moyens » de toute dictature lorsque Staline prend le pouvoir. On peut interpréter sa fidélité à Staline comme une fidélité à la Russie : il est à ses yeux le seul homme du parti qu'elle juge apte à poursuivre la construction du socialisme malgré les purges, les arrestations, le Goulag…

- La diplomate
1926/1927 Ministre plénipotentiaire de l’Union Soviétique au Mexique.
1927/1930 Ministre plénipotentiaire de l’Union Soviétique en Norvège.
1930/19345 Ambassadrice de l’Union Soviétique en Suède.
A ce titre, elle obtient la reconnaissance de l'URSS par la Norvège et le retour en URSS de l'or déposé par Kerensky dans les banques suédoises.

- L’oratrice
Polyglotte (elle parle cinq langues), elle se fait connaître comme un tribun remarquable, dans toute l’Europe et aux Etats Unis au cours de ses huit années d’exil avant de mettre son verbe enflammé au service de Lénine, puis de Staline.

- La pacifiste
Violemment opposée à l’entrée en guerre de la Russie en 1914, elle négocie l'armistice en Finlande en 1940 avant de débattre des termes de l'armistice avec la Roumanie en 1944.. Des hommes politiques finlandais proposeront d’ailleurs sa candidature pour le Prix Nobel de la paix, en 1946, proposition qui restera lettre morte.

- L’écrivain
Elle laisse une dizaine d’articles de presse conséquents et cinq livres dont son autobiographie.

Quelques réserves

Nous ne sommes pas ici en face d’une biographie romancée, parsemée d’anecdotes qui parlent à la mémoire, mais d’un sévère travail d'historienne.

Ce ne sont que Mencheviks contre Bolcheviks congrès du Komintern, Comité Central, séances plénières, sections féminines, ligne du Parti, Syndicats Ouvriers, Démocratie Prolétarienne, Conférences du Parti et autres confiscations du pouvoir par l’Intelligentsia (mot soviétique pour idéologie) ...

Encore un mot...

Je croyais découvrir la vie d’une femme hors normes mais la Kollontaï ne vit pas, en tous cas pas suffisamment, pour accrocher le lecteur. Il s’agit d’une relation sèche, certes remarquablement documentée, d’une période extrêmement complexe qu’elle traverse sans nous attacher.

Une phrase

 « Elle ne sait pas encore qu’au milieu des années 1930 les vieux bolcheviks seront contraints par la torture d’avouer publiquement les forfaits les plus invraisemblables (…) Même si Kollontaï n’imagine pas ce processus qui permettra à Staline de se poser un jour en seul successeur du Père de la révolution, elle voit très tôt en Staline celui qui est apte à revendiquer ce statut et dont, par conséquent, on ne peut mettre en question l’autorité. » (p.275)

L'auteur

Secrétaire perpétuel de l’Académie française depuis 1999, Hélène Carrère d’Encausse  est une historienne de la Russie, auteur de L’Empire éclaté (Flammarion, 1978), et, tous édités chez Fayard, Le Malheur russe : essai sur le meutre politique (1988), Nicolas II (1996), Lénine (1998), Les Romanov: une dynastie sous le règne du sang ( 2013),  Le Général de Gaulle et la Russie (2017), La Russie et la France : de Pierre le Grand à Lénine ( 2019).

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