
Castelnau. Le maréchal escamoté. 1851-1944
Parution le 14 novembre 2024
448 pages
23,50 €
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Thème
Alors que s’estompe le souvenir de la Guerre de 1914, Jean Louis Thiériot publie une biographie du général de Castelnau (1851-1944), figure du haut commandement français durant la Grande Guerre. Jeune officier, Édouard de Curières de Castelnau participe à la guerre de 1870 contre les Prussiens, avant d’affronter les Allemands en 1914 comme chef d'armée. Après la guerre, il est député du Bloc National dans la chambre bleu horizon. Battu aux élections générales de 1924, catholique, il devient le président de la FNC (Fédération Nationale Catholique) qui porte la voix des catholiques dans la politique française, à l’heure de la fin compliquée de la IIIème République.
Points forts
Pourquoi ressortir de la poussière de l’Histoire un officier général disparu depuis 80 ans et totalement inconnu des jeunes générations?
C’est que son histoire recouvre étroitement celle de la République, de sa création le 4 septembre 1870 à sa chute à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Et M. Thiériot met clairement en relief des éléments qui trouvent leur prolongement dans la France et le monde contemporains.
Il dissèque par le menu la Guerre de 1914, guerre de positions sur un front étendu qui n’est pas sans analogies avec la guerre d’Ukraine. Appuyé sur des archives éloquentes, il dote Castelnau d’une capacité d’analyse stratégique qui, si elle avait été suivie d’effets, aurait probablement abrégé le conflit. C’est passionnant parce que, mutatis mutandis, on retrouve les mêmes considérations dans la guerre russo-ukrainienne actuelle: emploi combiné infanterie/artillerie, lecture du terrain, priorité à la défensive, inanité des grandes offensives coûteuses en hommes…
Castelnau est également le prototype de l’officier catholique, mais non réactionnaire, fidèle au Saint-Siège, dans la ligne du pape Léon XIII. Le récit de ses démêlés avec le gouvernement, constamment aux mains des radicaux anticléricaux, illustre les conséquences délétères du sectarisme, surtout lorsqu’il est pratiqué par le pouvoir: le scandale des fiches stigmatisant les officiers qui “allaient à la messe“, la brimade des officiers catholiques privés d’avancement… Pour Clemenceau, Castelnau est le “capucin botté“, le général de la “jésuitière“; et bien qu’il estime ses talents militaires, il se refuse à lui donner un commandement qui eût peut-être changé le cours de la guerre.
À lire Thiériot, on comprend mieux les racines et la violence de la querelle sur la laïcité et l’école libre qui agitent encore aujourd’hui la politique française.
C’est aussi l’occasion pour Thiériot de revenir sur le traité de Versailles et la montée du nazisme que Castelnau s’époumone à dénoncer dans l’opinion publique pacifiste de l’entre-deux-guerres.
Enfin Thiériot brosse le portrait d’un homme, courageux, superbement doué pour la chose militaire, talent dont les politiciens ont cru pouvoir se passer.
Quelques réserves
Bien que le livre soit aussi bien écrit qu’agréable à lire, son biographe pare le général de toutes les vertus. Comme Cassandre, il avait tout prévu. Le malheur est qu’on ne l’a pas écouté. Bien sûr, tout ceci ne sort pas d’un chapeau, mais d’une étude approfondie des archives, lettres et notes…
Le lecteur peut rester dubitatif sur cette étonnante clairvoyance, comme d’ailleurs sur les insuffisances des autres officiers généraux, Joffre, Foch, Pétain…et la sottise du monde politique emporté par son anticléricalisme (Painlevé, Malvy, Poincaré…); seul Paul Doumer trouve grâce à ses yeux.
Encore un mot...
C’est un plaisir de lire une biographie aussi bien documentée et bien écrite. Jean Louis Thiériot met en relief des événements, une période, des comportements qui par leur actualité même, peuvent servir de base à une méditation sur la France, son armée, les tendances profondes de sa vie politique, à travers la vie d’un héros qui sut combiner la fidélité à son pays et la fidélité à sa foi. Au fond, son Castelnau pourrait prendre une place méritée parmi les hommes illustres de Plutarque.
Une phrase
« Le 1 er décembre (1915), Poincaré, Gallieni et Briand s’accordent sur cette porte de sortie. À Poincaré qui lui demande: « Qui proposez-vous? », Gallieni répond: « Le premier que je propose, c’est Castelnau; le deuxième, c’est Castelnau; le troisième, c’est Castelnau. » Et il met sa démission dans la balance.
Le Conseil des ministres qui suit est houleux. Si la promotion sanction de Joffre ne fait aucune difficulté, la nomination de Castelnau soulève un tollé à gauche. Malvy, Sembat et Guesde poussent des cris d’orfraie. Poincaré s’emporte: « En sommes nous sommes revenus aux querelles du temps de paix? » (… ) Le Conseil se sépare sans avoir tranché. » Page 219
L'auteur
Avocat, Jean Louis Thiériot est député de Seine et Marne. Il fut un éphémère ministre délégué auprès du ministre des Armées, dans le gouvernement de M. Barnier. Il est l’auteur de biographies remarquées, de François-Ferdinand, l’archiduc assassiné à Sarajevo, de Margaret Thatcher, de Stauffenberg qui rata l’attentat contre Hitler ou du général de Gaulle.
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