De l'urgence d'être conservateur

Important mais un peu indigeste
De
Roger Scruton
Editions L'Artilleur - 281 pages
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Sidéré par les violences des étudiants en mai 1968 et leur confusion idéologique, Roger Scruton se persuade qu'il est préférable de conserver les choses plutôt que de les détruire sans savoir vraiment comment les remplacer.  

Influencé par la pensée d'Edmond Burke sur la Révolution Française, il estime que le jeu économique du marché est certes une condition nécessaire à l'exercice de la liberté, mais qu'il doit être contrebalancé par un ordre juridique et des valeurs morales.

En effet, chacun a besoin d'un enracinement dans un lieu et une communauté, avec ses coutumes et ses traditions. La solidarité la plus opérante est celle qui s'exerce grâce aux "vertus sociales": la compassion, la bienveillance, la sympathie.

Le contrat social doit prendre en compte les morts, dont l'héritage est plein d'enseignements, et les générations à naître, pour lesquelles nous avons la responsabilité de léguer une société harmonieuse et une terre habitable. Il s'agit donc de conserver et de respecter l'environnement. Cela commence par l'amour de son foyer et l'entretien la beauté des paysages.

Ce thème de la belle vie est en opposition totale aussi bien avec le  totalitarisme qu'avec le libéralisme effréné. Roger Scruton a, par voie de conséquence, été laissé de côté durant la période du thatchérisme et stigmatisé par les adeptes de la déconstruction (Deleuze, Lacan, etc.)

Points forts

Roger Scruton échenille brillamment ses arguments  sur le nationalisme, le socialisme, le capitalisme, le libéralisme, le multiculturalisme, l'environnementalisme, l'internationalisme et le conservatisme. 

Il exprime une sorte de synthèse aboutie de sa pensée politique. 

Selon lui, le libéralisme confère trop de droits aux individus, telle la discrimination positive qui peut s'apparenter à une "déclaration de guerre à la culture majoritaire".

Le multiculturalisme doit être canalisé, car "l'ordre politique requiert une unité culturelle". Il est exclu qu'il nous faille marginaliser nos cultures et nos croyances et laisser les nouveaux arrivants ne faire aucun effort d'adaptation.

L'environnementalisme exige de brider l'expansion économique sauvage des groupes mondiaux pour qui "l'effort de conservation est à la fois futile et désuet". Mais la focalisation sur les problématiques sur lesquelles chacun a peu de prises  (le réchauffement climatique, l'extinction d'espèces, la fonte des glaciers) détourne de l'urgence de prendre des mesures concrètes au niveau local, dans un cadre national.

Sur l'internationalisme, il faut se méfier des bureaucratie irresponsables qui gèrent les organismes internationaux, censées favoriser l'harmonisation des politiques, la défenses des droits de l'hommes, et le maintien de la paix. Il faut également contenir l'immigration de masse qui donne naissance à des minorité déloyales. 

Le recul de la foi chrétienne a laissé un vide dans lequel s'est engouffré le nihilisme, le matérialisme et l'islamisme.

Quelques réserves

Une trop grande densité, assortie de références à beaucoup d'auteurs, transforme cet essai en une thèse ardue où beaucoup d'arguments s'entremêlent.

Encore un mot...

Ce livre, considéré comme le plus abouti de Roger Scruton, est en réalité une sorte de testament philosophique et politique ramassé en 280 pages. Cela lui permet, retiré dans sa maison de campagne, de chasser à courre et de cultiver son jardin loin des turbulences politiques...

Revenons aux choses sérieuses: cet ouvrage, malheureusement trop complexe, arrive néanmoins à point nommé pour donner un fondement philosophique et historique à l'aggiornamento de la pensée de la droite humaniste.

Une phrase

Ou plutôt plusieurs extraits:

- "L'obéissance est la vertu première des êtres politiques, la disposition qui fait qu'il est possible de les gouverner et sans laquelle les sociétés se désintégreraient dans la poussière et la parole de l'individualité."

- p.149 "Nous ne pouvons accueillir les immigrés que si nous les accueillons dans notre culture et pas à côté d'elle ou contre elle"

- p. 173 "Selon Pie XI, la subsidiarité signifie que les décisions doivent toujours être prises au niveau le plus bas, tout en étant compatibles avec l'autorité surplombant le gouvernement."

- p 208 "Le droit n'existe pas pour contrôler l'individu mais pour le rendre libre".

- p 239 " le rire nous aide à dépasser notre isolement et nous fortifie contre le désespoir".

L'auteur

Agé de 72 ans, Roger Scruton est un philosophe anglais, issu d'une famille pauvre de Manchester; père alcoolique et journaliste, et  mère rongée par le cancer. Il réussit à intégrer une "grammar school" puis  Jesus College à Cambridge.  Il est nommé Research Fellow en  esthétique au Peterhouse College à Cambridge. Ensuite, il devient professeur d'esthétique au Birkbeck College à Londres. Depuis 1993, il est professeur invité à plusieurs universités (Boston, Saint-Andrew, Oxford). 

Roger Scruton a parallèlement créé une revue politique conservatrice, "Salsbury Review", qu'il dirige depuis 18 ans.

Il a écrit une trentaine d'ouvrages dont beaucoup sont consacrés à l'esthétique : Art and Imagination (1974), The aesthetics of music (1997), Beauty (2009); ou à la pensée politique conservatrice :  "A political philosophy : arguments for conservatism" et "The Palgrave MacMillar Dictionary of Political Thought" (2007).

Par ailleurs, il a écrit deux romans et composé deux opéras.

Pendant la guerre froide, il a participé à la création d'université clandestines en Europe centrale. 

En 2014, il écrit " De l'urgence d'être conservateur". Traduit en français par Laetitia Bonard, spécialiste du conservatisme, ce livre a été publié en France en 2016

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir

Essais
Suite orphique
De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux