Face à la mort, le témoignage inédit d'un gendarme

Une réalité révélée, sans langue de bois
De
Rémy Nollet
Édition du Rocher
Janvier 2023
219 pages
18,5 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Rémy Nollet est gendarme. Enfin, un gendarme pas très "ordinaire" quand même, en dépit de tout le respect dû à cette "branche" de l'armée française chargée de missions de police et de maintien de l'ordre dans notre pays. Aujourd'hui jeune Colonel, Rémy Nollet est un ancien élève de l'école polytechnique qui a choisi de faire sa carrière dans la gendarmerie nationale. Un choix assez peu courant qui l'a conduit à exercer les fonctions de commandant de brigades et de compagnies sur plusieurs départements français.

Il raconte dans ces pages un volet singulier de son expérience : celle de la confrontation à la mort dans l'exercice de ses fonctions. Il en développe, en masquant les identités véritables, les contextes, les enquêtes et les effets collatéraux, pour lui comme pour ses équipes, pour les proches des victimes aussi. 

Ce livre témoignage, écrit des années après les faits, présente des situations différentes comme autant de cas particuliers, de difficultés à surmonter, de dilemmes à trancher, de procédures à respecter, de violences physiques et morales à vivre et à résoudre dans l'urgence de l'accident, du crime, de la disparition, de l'agression ou de la mort imminente.

Points forts

Ce livre est écrit à la première personne. Il est absolument concret, sans violence excessive des mots, si les situations décrites le sont nécessairement. Il raconte la réalité de la vie d'une compagnie de gendarmerie, qui n'est certes pas confrontée à la mort tous les jours, mais bien plus souvent qu'on ne le croit. 

Ecrire pour témoigner, c'est faire la pédagogie "des réalités les moins connues [de la vie des gendarmes], participer à une prise de conscience." 

Ce livre brasse, en autant de chapitres, les situations - décès accidentels (chutes, disparitions, accidents de chasse, de la route), crimes ou suicides, ayant pour victimes des jeunes adultes, des adultes, des séniors, des enfants, mais aussi des collègues, victimes d'accidents, ou s'étant donné la mort.

En paraphrasant l'une des observations de son auteur, il contribue à la double prise de conscience des qualités morales, techniques et psychologiques dont les gendarmes doivent savoir faire preuve, mais aussi prévenir les risques émotionnels, psychologiques qu'ils engendrent, au plan individuel et collectif. Une réalité que le commandement autant que les professionnels de santé spécialisés doivent et savent aujourd'hui mieux anticiper et gérer. 

Il rend aussi, incidemment, hommage au Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (le PGHM), dont la solidarité et les méthodes sont exemplaires, pour un corps qui a, plus que d'autres, la mort comme terme d'une course.

En fin d'ouvrage, Rémy Nollet rend également hommage au Commandant Arnaud Beltrame, dont il met le sacrifice en perspective avec sa propre expérience.

Quelques réserves

Pas de réserve sur ce livre très facile à lire. 

Sauf peut-être le manque d'une petite annexe qui explique le fonctionnement territorial de la gendarmerie, ses prérogatives "locales" et ses prérogatives plus transverses.

Encore un mot...

Le Général d'Armée Christian Rodriguez, qui dirige la Gendarmerie Nationale, résume bien dans son avant-propos la valeur ajoutée de ce récit : "Mêlant témoignage personnel et réflexions plus générales, ce livre nécessaire restitue donc l'intensité de leur expérience pour la transmettre au plus grand nombre. Avec talent, le Colonel Nollet parvient à décrire ces moments d'intimité absolue que nous avons tous connus dans notre carrière."

Si le sujet n'est pas particulièrement drôle, l'écriture est simple, sans langue de bois et utile. Cet essai, qui évoque des histoires qui se terminent mal et sont traitées dans les médias de façon souvent très superficielle, laisse percevoir, par analogie, le dévouement, l'intelligence, la rigueur et l'opiniâtreté qui permettent à beaucoup d'autres de se terminer "mieux", ou bien, des affaires dont on parle peu, résolues au prix d'un engagement dont on n'a pas réellement conscience ! 

Selon les mots de Rémy Nollet, résoudre les questions posées par la mort d'une victime, c'est d'abord lui témoigner le plus grand respect, c'est aussi aider les proches et la société à les vivre avec dignité. Un véritable acte de foi.

Notez enfin que les droits d'auteur de cet ouvrage sont reversés à l'association créée en mémoire de l'adjudant-chef Sébastien Thomas, dit Sebio, mort en montagne en 2013. Sebio Solidarité Secours en Montagne "soutient les familles des gendarmes de  montagne en cas de coups durs, accueille des orphelins de la gendarmerie en séjour de neige ou des blessés en service pour participer à la reconstruction par le sport."

Une phrase

"Tu verras, le pire c'est le jour où tu arrives avant les pompiers. Surtout si c'est un enfant". A l'école de gendarmerie, j'avais entendu cette phrase prononcée par un ancien. Les officiers-élèves issus du recrutement interne aimaient en effet nous raconter leur expérience de "sous-off" acquise pour la plupart en escadron de gendarmerie mobile, souvent en renfort des unités départementales. […] Le sujet de la confrontation à la mort revenait donc souvent dans les conversations. Arriver avant les pompiers, c'était généralement en parlant d'un accident grave. Venaient ensuite les récits entendus ici et là d'un gendarme traumatisé par telle ou telle intervention, notamment lorsque les circonstances le renvoyaient à sa propre situation. Ces militaires, souvent jeunes pères de famille [en 2005, les unités de gendarmerie étaient moins féminisées qu'aujourd'hui, NDLR] redoutaient particulièrement d'être confrontés à la mort violente d'un enfant du même âge que l'un des leurs." P. 98

L'auteur

Le colonel Rémy Nollet est aujourd'hui chef du département de la prospective et de l'innovation, un service de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale. C'est en 2005, au cours de ses études à l'École Polytechnique et à l'École des Mines de Paris, qu'il décide de consacrer sa carrière à la Gendarmerie Nationale. Il y sera commandant de brigade en Aquitaine, commandant de compagnie en région Rhône Alpes, avant de reprendre des études (Ecole de Guerre) et des fonctions d'État Major. Face à la mort relate un pan de ses années de commandement opérationnel.

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