Gustave Caillebotte. L’Impressionniste inconnu

Une première biographie de Caillebotte, sérieuse, documentée mais sans fantaisie
De
Stéphanie Chardeau-Botteri
Fayard
Parution en juin 2023
353 pages
24 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Stéphanie Chardeau-Botteri a réuni des lettres, articles, photographies et autres papiers de famille puis réveillé sa mémoire d’enfant nourrie des récits de son arrière-grand-mère qui fut, à la première génération,  la seule descendante des frères Caillebotte, la fille de Martial le musicien et la  nièce de Gustave le peintre, lui-même mort sans postérité. C’est donc d’une biographie qu’il est question, la première jamais écrite sur cet artiste discret, acteur et mécène zélé du mouvement impressionniste, ami de Monet, Renoir, Manet, Degas et tant d’autres…

Gustave, le second des trois frères Caillebotte,  peintre longtemps négligé et aujourd’hui mondialement salué qui fut aussi et à la fois l’un des plus grands philatélistes de son époque, un pionnier du nautisme, compétiteur hors pair maintes fois primé, un architecte naval maintes fois breveté, un amateur de jardins et botaniste distingué, ces deux dernières passions élisant domicile entre Gennevilliers et Argenteuil, sur ces bords de Seine que peignaient Monet et Sisley, ses amis.

Points forts

  • La découverte du rôle éminent de Gustave Caillebotte dans l’avènement du mouvement impressionniste, de son intérêt sans relâche pour cette expression artistique nouvelle associé à l’opiniâtreté à la défendre contre les réticences du Salon et de l’Académie, à son soutien financier et désintéressé aussi par l’organisation de salons dissidents et l’acquisition récurrente des œuvres de ses amis longtemps méprisés.
  • La touche sensible apportée ici ou là à cette biographie objective et fouillée procédant sans doute du lien familial entre le héros et l’auteur, nourrie par le récit de l’arrière-grand-mère qui a connu les trois frères Caillebotte et leurs amis peintres, tous aujourd’hui portés au faîte d’une gloire posthume en écho au bannissement de leurs pairs. 
  • L’intérêt très particulier du dernier chapitre portant sur les errements de l’administration des Musées français, le Louvre et le Luxembourg, pour accepter et finalement refuser le legs Caillebotte, quintessence des œuvres des plus grands achetées sa vie durant par ce généreux donateur.

Quelques réserves

Le parti pris de traiter le sujet dans un ordre strictement chronologique, année par année de 1874 à 1894, celle de la mort du peintre, donnant au récit un tour un peu répétitif quelquefois, sans approche thématique ni synthèse, l’analyse introspective revenant finalement au lecteur.

Encore un mot...

L’ouvrage écrit dans un bon style se lit aisément mais c’est sans doute plus son contenu que sa forme qui retient l’attention du lecteur . Un contenu riche de cette fin de siècle qui réunit dans une même opinion hostile les maîtres incontestés du mouvement impressionniste,  longtemps boudés de leur vivant par « le Salon » qui refuse leurs œuvres d’une année sur l’autre, les critiques se gaussant des perspectives maladroites des « Raboteurs de Parquet » ou de l’usage excessif du cobalt chez Caillebotte, dénonçant l’arrogance scandaleuse de l’Olympia de Manet ou fustigeant avec le même dédain la brume épaisse de la Gare Saint-Lazare de Monet…

Le texte restitue bien cette ambiance créative, amicale et subversive, met en scène les peintres et leurs œuvres et leurs soutiens aussi, au premier rang desquels Caillebotte lui-même, encore Durand-Ruel, le marchand incontournable, Duranty, le critique enthousiaste, Bérard, le bourgeois amateur ou Chocquet, le collectionneur compulsif.  Un contenu riche de la polyvalence de ce peintre majeur aujourd’hui mondialement célèbre, mécène et ami généreux, philatéliste distingué, marin confirmé, ingénieur nautique acharné, sportif et compétiteur accomplis. Autant de talents épanouis au cœur d’une famille unie et d’une bourgeoisie éclairée, avec pour théâtre la Plaine Monceau et la Nouvelle-Athènes au cœur de laquelle œuvre Alfred, l’ainé des frères, curé de Notre Dame de Lorette. Tout un monde émigré rive droite, ouvert aux idées nouvelles et généreuses.

Une phrase

"En juin, Gustave eut la déception de lire les textes d’Émile Zola sur l’exposition. Cet écrivain, un des seuls à défendre les impressionnistes contre l’intolérance d’un jury par trop académique, dénonçait le réalisme photographique de ses Raboteurs et du portrait de René : « Caillebotte a exposé les Raboteurs de parquet, et un Jeune Homme à sa fenêtre d’un relief extraordinaire. Cependant, c’est une peinture anti-artistique, une peinture proprette comme du verre, une peinture bourgeoise, en raison de la précision de la copie. La photographie de la réalité qui n’est pas marquée du sceau original du talent du peintre, c’est une piètre chose». Encore un qui ne le comprenait pas, il y en aurait d’autres". (Page 90)

L'auteur

Stéphanie Chardeau-Botteri descend donc de Martial Caillebotte, le frère de Gustave , mort quant à lui sans postérité. C’est à ce titre qu’elle écrit. Elle est au demeurant très proche de l’œuvre de ce grand oncle éminent et compte parmi les experts des œuvres du XIXème siècle et des Impressionnistes, notamment celle d’Armand Guillaumin, ami de Pissarro et de Cézanne. Elle est membre de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection..

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