La Guerre froide de la France, 1941-1990

Quand la France voulait garantir son autonomie stratégique. Un essai approfondi et enrichissant
De
Georges-Henri Soutou
Tallandier, Collection Texto (format Poche)
Parution en avril 2023
592 pages
25,90 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

L’auteur fait partir la Guerre froide de 1941, c’est-à-dire à l’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’URSS, le 21 juin 1941. Dès cette date, la France Libre considéra l’URSS comme un allié. Les premiers contacts eurent lieu en mai 1942 (conversation entre de Gaulle et Molotov, création d’une délégation française en URSS). De Gaulle et Georges Bidault, le ministre des affaires étrangères, se rendirent en URSS où ils eurent des entretiens avec Staline et signèrent un pacte d’alliance. La France reconnaissait la frontière Oder-Neisse ainsi que le comité de Lublin (gouvernement communiste de Pologne).

Les gouvernements formés après le départ du général De Gaulle (janvier 1946) menèrent une politique d’équilibre entre les Etats occidentaux (Etats-Unis et Grande-Bretagne) et l’Union Soviétique. A partir de 1947 la France se rangea dans le camp des Etats démocratiques. Elle bénéficia du Plan Marshall et devint membre de l’OCDE, la première organisation économique européenne. Dans le domaine de la sécurité elle signa le pacte de Bruxelles avec l’Angleterre et le Bénélux (mars 1948). Elle accepta que sa zone d’occupation en Allemagne puisse rejoindre la bizone (zones américaine et anglaise). Le 4 avril 1949 la France fut signataire du Pacte Atlantique. Les accords de Londres et de Paris (octobre 1954) prévoyaient que l’Allemagne fédérale serait réarmée dans le cadre de l’Otan (l’Alliance Atlantique) mais qu’elle renonçait à l’arme atomique.

Pendant les premières années qui suivirent son retour au pouvoir (13 mai 1958) De Gaulle adopta une attitude assez méfiante envers l’URSS. Mais à partir de 1964 la politique française connut un infléchissement. En mars 1966, De Gaulle annonça que la France allait quitter le commandement intégré de l’Otan et que les services et les troupes américaines devaient être retirés du territoire français. En juin suivant il fit un voyage en URSS où il annonça son intention de mener en Europe « une politique de détente, d’entente et de coopération ». Il visita aussi d’autres pays de l’est (Pologne en 1967, Roumanie en 1968).

Les chefs d’Etat qui ont succédé à De Gaulle ont suivi dans l’ensemble la même ligne que ce dernier mais ils ont adopté un style moins abrupt et fait preuve de plus de souplesse. Au demeurant cette période fut caractérisée par une détente entre les deux blocs. Les Etats-Unis et l’URSS conclurent plusieurs accords de désarmement (ABM, SALT 1 et 2). L’Allemagne de son côté chercha à améliorer ses relations avec l’URSS ce qui conduisit à la signature du traité germano-soviétique de 1970. Les trois puissances occidentales (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) et l’URSS signèrent l’accord du 3 septembre 1971 qui donnait un statut à Berlin. L’accord d’Helsinki (15 août 1975) codifia les normes de la détente et contenait diverses dispositions pour faciliter les contacts et les échanges entre les peuples.

Les années qui suivirent Helsinki furent marquées par un regain de tension et l’on parla d’une nouvelle Guerre froide. Les dirigeants soviétiques durcirent la répression frappant les dissidents qui invoquaient les dispositions d’Helsinki pour réclamer davantage de liberté et de justice. Sur le plan militaire, ils renforcèrent leur stock d’armements et déployèrent des missiles appelés SS-20 capables de détruire les bases stratégiques du théâtre européen. Enfin ils cherchèrent à étendre leurs zones d’influence dans plusieurs Etats du Tiers monde, notamment en Afrique (Angola, Mozambique, Ethiopie) et au Moyen-Orient (Aden). En décembre 1979 l’armée rouge envahit l’Afghanistan où une révolution avait mis en place un régime communiste. 

L’arrivée au pouvoir en 1985 de Mikhaïl Gorbatchev modifia totalement le contexte géopolitique en Europe. Le nouveau secrétaire du PCUS était résolu d’appliquer de nombreuses réformes et de moderniser le communisme. Sur le plan international, il relança les négociations avec les Etats-Unis et signa à la fin de 1987 le traité de Washington qui interdisait les armes nucléaires de portée intermédiaire du type SS-20. Il retira les troupes russes d’Afghanistan. Il s’efforça de nouer des relations plus amicales avec l’Allemagne. Il déclara lors d’une visite à Moscou du chancelier allemand, Helmut Kohl, qu’il ne s’opposerait pas à la réunification de l’Allemagne. Le 12 septembre 1990 les Quatre (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne, URSS), la RFA et la RDA signèrent le traité dit 2+4 qui réunifiait l’Allemagne et mettait un terme à la guerre froide.

Points forts

enrichissant. Il est extrêmement documenté. Il a eu accès à des pièces très diverses et parfois quasi-confidentielles : des archives, des notes du ministère des Affaires Étrangères, des dépêches et des télégrammes des postes diplomatiques. Il a aussi utilisé les mémoires des ambassadeurs, leur correspondances privées, les confidences qu’ils ont faites. Il a obtenu des informations précieuses de son père, Jean-Marie Soutou qui occupa de très hautes fonctions au Quai d’Orsay. Il distingue les différentes tendances parmi les directions et les services du ministère. Il mesure aussi l’impact des événements internationaux sur l’opinion française et dans la presse. Il essaie de deviner les mobiles ayant amené des acteurs de la vie diplomatique à prendre telle ou telle décision.

Quelques réserves

Les chapitres traitant des questions d’armement sont très techniques et utilisent un langage spécialisé. Le lecteur non initié peut avoir des difficultés à les lire.

Encore un mot...

On trouve une certaine continuité dans la conduite de notre politique étrangère pendant les quelque cinquante années que dura la Guerre froide. La France voulut en permanence garantir son autonomie stratégique et se préoccupa très tôt d’acquérir un arsenal nucléaire. Elle manifesta constamment une certaine méfiance envers l’Allemagne et l’existence de deux Etats germaniques ne lui déplaisait pas. Cependant nos dirigeants craignaient une évolution de la RFA dans le sens du neutralisme et pour cela ils ont cherché à l’intégrer dans une structure européenne. Hormis les crises les plus aiguës, la France adopta une attitude de modération dans ses relations avec l’URSS. Tout en ayant parfois des différends avec les Etats-Unis, elle comptait sur eux pour assurer en dernier ressort sa sécurité.

L'auteur

Monsieur Henri-Georges Soutou est agrégé d’histoire, docteur ès lettres. Il a été professeur à la Sorbonne (Université Paris IV) et à l’Institut d’Etudes Politiques. Il est membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques. Il a publié de nombreux ouvrages : La Grande Illusion, quand la France perdait la paix (Tallandier 2015) ; L’Action extérieure de la France, entre   ambition et réalisme (PUF 2020) ; La Guerre froide de la France (Tallandier 2021).

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