Le pacte des diables

L'URSS en 1939 : un éclairage utile aujourd'hui !
De
Roger Moorhouse
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Aude de Saint Loup, Pierre -Emmanuel Dauzat
Buchet Chastel,
544 pages,
26 euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Le 23 août 1939, double coup de tonnerre :

- dans les chancelleries européennes : Von Ribbentrop et Molotov, récents ministres des Affaires étrangères d’Allemagne et d’URSS viennent de signer un pacte de non- agression.  Mais ce que les européens ignorent, c’est qu’en annexe, figure un accord secret de partage de la Pologne et d’occupation de certains états et territoires. Septembre voit disparaître la Pologne par l’invasion concomitante des allemands à l’ouest et des soviétiques à l’est. Fin d’année, les  Etats Baltes et le sud de la Finlande sont occupés par les troupes soviétiques. Puis ce sera le tour de la Bessarabie et de la Bucovine. L’accord secret était  réalisé.

- dans les partis communistes des états  d’Europe : la doctrine principale diffusée par le  Komintern est l’antifascisme. Comment comprendre et expliquer aux adhérents et sympathisants un tel revirement de Moscou ? Beaucoup de partis vont éclater et se déchirer.

Les accords politiques de 1939 furent complétés par des accords commerciaux concernant  les matières premières, l’énergie et les produits agricoles. Mais le système soviétique tatillon et bureaucratique rendit ces accords peu efficaces, chacun essayant de tirer le maximum d’avantages de l’autre dans des négociations sans fin.

Enfin les mouvements de populations consécutifs  aux invasions vont entraîner déportation  et massacre des opposants politiques, des populations juives et des élites de la part des deux régimes.

Néanmoins,  dès juillet 1940 lorsque la France eut capitulé, les deux pays se préparaient à la guerre qui devait les opposer : un plan d’invasion pour l’Allemagne, des positions défensives pour l’URSS. Jusqu’au dernier moment Staline ne crut pas à l’invasion allemande allant jusqu’à refuser le plan Joukov préconisant une attaque  préventive.

Points forts

Une documentation fournie et variée sur les pays concernés. De très nombreuses références,  y compris le texte intégral du pacte et de l’accord secret.

La traduction de très grande qualité.

A noter que l’ouvrage propose cartes, documents et photos.

Quelques réserves

L’abondance de documentation sur les relations entre l’URSS et la Grande Bretagne rend ce chapitre confus. Une synthèse de quelques pages aurait permis de mieux comprendre les positions du gouvernement britannique et de Churchill.

Encore un mot...

Extrêmement bien documenté, ce livre s’adresse à ceux qui connaissent bien cette période de l’histoire européenne et la seconde guerre mondiale. Il relate des conversations privées de Hitler ou de Staline et les différentes rencontres entre Molotov et Von Ribbentrop. Enfin il  nous permet de mieux comprendre les évènements plus récents qui ont suivi la fin du Pacte de Varsovie et l’éclatement de l’URSS. La volonté d’indépendance des 3 Pays Baltes et leur adhésion à l’ Union Européenne et à l’OTAN s’explique par leur annexion brutale en 1939. De même la situation de la Bessarabie aujourd’hui partagée entre l’Ukraine et la Moldavie engendre encore des tensions consécutives  au pacte secret.

 Le 23 août a d’ailleurs été choisi  en 2009 par le Parlement Européen comme Journée commémorative des victimes du stalinisme et du nazisme.

Une phrase

« En privé, Hitler était un peu plus franc. Dans une lettre à Mussolini à la veille de Barbarossa, il justifiait stratégiquement l’attaque à venir et expliquait pourquoi il mettait fin à ce « spectacle hypocrite »avec le Kremlin : «  Le partenariat avec l’Union Soviétique (…) m’a souvent irrité, car, d’une manière ou d’une autre, il me semblait rompre avec mes origines, mes conceptions et mes anciens engagements. Je suis heureux désormais d’être débarrassé de ces souffrances morales » Pour Hitler, le pacte germano-soviétique était donc une affreuse nécessité stratégique que lui imposaient les projets occidentaux d’encerclement de l’Allemagne. La trahison de Staline, prétendait-il, avait rendu inévitable sa dissolution» page 418

« Même Khrouchtchev… en resta fermement sur ce message : » Nous ne nous leurrions pas. Nous savions que, finalement, nous serions entraînés dans la guerre bien que, je le suppose, Staline ait espéré que les Anglais et les Français épuiseraient Hitler (…) d’abord (…). Le pacte, écrivit-il, était profitable à l’Union Soviétique. C’était comme un gambit aux échecs : si nous n’avions pas fait ce geste, la guerre aurait pu éclater plus tôt, en grande partie à notre désavantage. Quoi qu’il en fût, nous avions obtenu un répit » page 423

L'auteur

Roger Moorhouse est né en 1968. Universitaire britannique, il est reconnu comme un grand spécialiste de la seconde guerre mondiale. Depuis 2006, il a publié de nombreux livres sur le sujet.  A ma connaissance, le pacte des diables est le premier traduit en français.

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