Le Tiers-Corps

Un courageux cri d'alarme
De
Sylvia Agacinski
Editions du Seuil - 240 pages
Notre recommandation
3/5

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Thème

Alors que viennent de se dérouler les états généraux de la bioéthique, Sylviane Agacinski se penche sur le rapport au corps à travers la transplantation d’organes. Il existe un lien équivoque entre la valorisation des techniques médicales qui permettent de réparer et de sauver des vies d’une part, et la recherche de corps disponibles et considérés comme une ressource d’autre part.

Comment la législation peut-elle répondre à cette demande tout en respectant le corps humain ? Comment éviter des pratiques mercantiles, notamment auprès de populations démunies ?

Points forts

Sylviane Agacinski opère un retour sur la logique primitive du don en évoquant les théories des anthropologues Mauss et Levi-Strauss puis du philosophe Kant pour qui la bienfaisance est un devoir.

A la croisée de la philosophie et du droit, l’essai aborde le statut du corps humain et la question du  consentement du donneur, le point fondamental étant de savoir si l’on est propriétaire de son corps.

Le corps est-il chose ? Est-il personne ? A qui appartient-il au moment du décès et comment est-il protégé?

Sylviane Agacinski évoque également ce qui pourrait devenir une solution dans les années qui viennent : les organes artificiels, artefacts produits par l’industrie humaine et l’importance des recherches sur la régénération d’organes.

Quelques réserves

Il ne s’agit pas d’un livre de vulgarisation sur le don d’organes mais d’un essai philosophique qui pourra paraître hermétique pour le lecteur peu habitué à ce genre d’ouvrage.

Sylviane Agacinski a pris le parti de s’interroger essentiellement sur le don d’organes destinés être transplantés en raison du décès du donneur.

 Elle ne traite quasiment pas de tout ce qui peut émaner du corps et être donné à autrui sans décès. Je n’ai lu, par exemple, qu’une seule ligne sur le don de gamètes,  éminemment d’actualité en raison des interrogations sur son anonymat. Peu de choses également sur le don de sang et rien sur le don de plaquettes, pourtant plus engageant.

Sylviane Agacinski aborde sans doute ces sujets dans son précédent ouvrage, «  Le corps en miette », mais il me semble que ces autres « tiers corps » auraient eu leur place dans cette réflexion.

Encore un mot...

Retenons l'essentiel: une mise en garde contre les dérives et un plaidoyer courageux puisque Sylviane Agacinski s’oppose à l’idée d’un marché légal des organes dans un monde où tout s’achète et tout se vend.

Favorable au don, elle appelle toutefois à un consentement explicite de son vivant, contrairement à la règle française actuelle (Loi Caillavet de 1976, renforcée par la loi santé en 2016) qui considère que, toute personne  consent à donner ses organes, sauf si elle  a exprimé son opposition de son vivant.

Une phrase

«  La famille dont un membre est en attente d’une greffe semble souvent rester indifférente à l’égard du donneur potentiel. Elle attend la mort accidentelle d’un inconnu qui pourra fournir un greffon, ce qui créé une faille dans le lien social. En même temps, la personne qui a reçu une greffe n’en éprouve pas moins, comme sa famille, une gratitude infinie pour le donneur inconnu qui reste anonyme »

L'auteur

Sylviane Agacinski est philosophe. Elle a débuté sa carrière comme enseignante puis a participé à la fondation et à la direction du Collège international  de philosophie aux côtés de Jacques Derrida.

Elle a ensuite occupé, de 1991 à 2010, un poste d’enseignant-chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS). Elle milite contre la légalisation des mères porteuses,  contre la GPA et  a toujours pris position en faveur de la parité homme-femme.

Elle est l’épouse de Lionel Jospin.

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