​​Les vérités du roman. Une histoire du temps présent

Une analyse encyclopédique de la relation entre les romanciers français contemporains et le réel.
De
François Dosse
Editions du Cerf
Parution le 28 mars 2023
676 pages
34 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Cette somme universitaire est divisée en deux parties. La première partie couvre la relation entre les romanciers français contemporains et l’histoire sous diverses formes : le roman qui s’approprie l’histoire avec l’exemple de l’énorme controverse des Bienveillantes de Jonathan Littel, les historiens devenus romanciers, la guerre, le trauma comme la Shoah, la nostalgie du passé. Des dizaines de romanciers sont passés en revue. Les écrivains majeurs sont là : Simon, Modiano, Perec, Quignard, Gracq, Semprun. Aucun écrivain mineur ne nous est épargné, surtout s’il a eu un prix littéraire. 

La seconde partie couvre le rapport du roman au temps présent : l’entomologie de la société, l’enquête environnementale, le roman noir à prétention sociale, les faits divers et bien entendu l’autofiction. La plupart des vedettes médiatiques sont citées, à la curieuse exception de Didier Eribon et Edouard Louis, ce dont on ne se plaindra pas, mais aussi de Philippe Sollers. La liste comprend beaucoup d’écrivains honorables qui se croient majeurs comme Houellebecq ou Annie Ernaux auxquels sont consacrées plusieurs pages louangeuses. Peut-être pourrait-on qualifier Jean Echenoz et Jean-Patrick Manchette d’écrivains les plus importants et originaux de cette liste. Bizarrement Le Clézio est expédié en deux lignes dans la partie environnementale.

Points forts

L’érudition de l’auteur est impressionnante. La première partie est excellente. Elle apporte un angle souvent original à la relation entre roman et histoire, comme on pourrait le faire pour Balzac, Stendhal ou Zola. 

La structure du livre est particulièrement féconde. C’est probablement le panorama le plus important du roman français contemporain à ce jour au travers du prisme classique de la vérité du roman.

On apprécie également l’éclairage mis sur certains auteurs injustement négligés comme Jean-Loup Trassard.

Quelques réserves

Le parti pris de l’exhaustivité encyclopédique de la recension affaiblit le propos de l’auteur. En outre, il rend la lecture fastidieuse. Il aurait été préférable de choisir une vingtaine d’auteurs majeurs ou emblématiques et d’examiner leur œuvre au travers de la très bonne grille de lecture de l’auteur, au risque de fâcher les absents et leur éditeur, en échappant à la connivence malsaine bien connue de ce milieu.

La seconde partie est plus faible, reflétant au moins en partie la moindre qualité des écrivains spécialisés dans le rapport au présent, si on excepte le Nouveau Roman et ses maîtres qui sont à peine mentionnés. L’auteur délivre une vision exagérément optimiste du niveau de cette littérature française contemporaine.

Encore un mot...

On peut regretter que ce livre aux qualités indéniables, avec un très gros travail de l’auteur et du courage de la part de l’éditeur, soit un hommage implicite au nombrilisme français et à ses préjugés politiques irréels, s’agissant du rapport au temps présent.

Une phrase

  • « Simplement il est erroné d’opposer fiction et vérité. La littérature est une source essentielle de vérités. A ce titre, elle a beaucoup à apprendre aux historiens, et pas seulement par ses procédés narratifs, ses tropes, sa rhétorique, mais par le contenu même de ce qu’elle transmet. La littérature française contemporaine est devenue l’archive du temps présent, d’un temps en glissement. » page 665
  • « La déshérence, qui affecte les espérances collectives, a nourri le repli sur soi, la vogue de l’autofiction, la littérature à la première personne. On ne peut néanmoins réduire ce phénomène à un simple rétrécissement nombrilique ou narcissique. » page 666

L'auteur

François Dosse est un historien et épistémologue expérimenté, agrégé d’histoire, spécialiste de l’Ecole des Annales, du structuralisme et biographe de Paul Ricoeur, Michel de Certeau, Gilles Deleuze et Felix Guattari qu’il réhabilite par rapport au premier et Pierre Nora. Après avoir travaillé au début de sa carrière avec Madeleine Rebérioux, proche du PCF, il a reçu l’habilitation universitaire en 2001 par un jury présidé par Jean-François Sirinelli, disciple de René Rémond et spécialiste de l’histoire des droites. 

Il est professeur émérite des universités. Il a publié une trentaine de livres seul ou en coopération.

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