Monplaisir …en littérature

Culture-Tops propose depuis fin mars 2020 des chroniques de livres et de BD "hors actualité". Des œuvres qui ont particulièrement marqué nos chroniqueurs et qui composent cette nouvelle série du "Plaisir de relire".
De
Paul Morand
Gallimard, 1ère édition 1967
Disponible sur Amazon (broché - d'occasion)
Non disponible chez Gallimard
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

En finesse et profondeur, la plume alerte de Morand fait revivre des auteurs parfois confinés…  Réjouissant !

 Imaginez une promenade à laquelle vous êtes conviés. Nul besoin de connaître ceux qui la feront à vos côtés. Des écrivains célèbres devenus au fil du temps les hôtes d’un Panthéon qui, parfois, s’est contenté de les enterrer. Sans même que vous y preniez garde, vous voilà croisant Brantôme et ses dames galantes, Shéhérazade précédant Montesquieu, Fabrice del Dongo plus exalté que jamais, Proust tiré de sa chambre, Giraudoux, Maupassant. Que de morts, direz-vous ! Vous faites erreur. Sous la plume de Paul Morand, jamais ils n’ont été aussi fringants, dévorant la vie à pleines dents. Pas une minute à perdre pour les rejoindre, les découvrir et les écouter plus présents que jamais. Quand Paul Morand mène la danse, l’écriture devient un visage aux mille facettes. Celui de l’éternité ? Oui, mais sans une ride.  

Points forts

Une époustouflante vivacité que l’on avait oubliée ou simplement méconnue : celle d’un homme capable de peindre avec autant de finesse que de profondeur le chagrin comme la légèreté. Le brio s’y taille la part du lion et, à chaque rencontre, la surprise du lecteur est totale. Saisis au collet, voilà Simenon et le Prince de Ligne côte à côte dans la salle d’audience de l’auteur : sortis de l’ombre où les siècles avaient cru les cantonner, Morand leur redonne la parole. Les sages et les fous se côtoient : Céline qui ne possède que sa femme et son chat et Bernanos, un solitaire qui ne sera jamais seul. Les années 30 et 40 surgissent pour les envelopper, l’un de menaces de mort, l’autre naviguant avec l’aisance d’un vainqueur. Et le clou de ce  livre est aussi l’âge qu’avait Morand quand il l’a écrit : âgé de 79 ans, il avait l’ardeur, la gaieté, la sincérité et l’enthousiasme d’un amoureux de vingt ans.   

Quelques réserves

 Indécelables même avec une loupe.

Encore un mot...

 Monplaisir …en littérature n’est pas un livre que l’on résume. Pourquoi ? Parce que ses 285 pages nous font un cadeau que nous espérions sans oser y croire : l’absolue perfection qu’il s’agisse du style de l’auteur ou de ses choix. Pas un mot de trop, pas une page que l’on ait envie de sauter. Tout est dit avec la maestria  d’un conteur hors pair.

Une phrase

 Cruel de devoir choisir entre ces morceaux de bravoure qui se succèdent. J’en ai choisi trois :

Une rencontre nocturne avec Marcel Proust à l’automne de 1915 dans l’appartement de Paul Morand qui n’a que 26 ans.
Ce que je n’eus pas la hardiesse de lui dire, mais ce qui m’est resté comme le souvenir le plus vivace de cette soirée, c’est l’impression fortement éprouvée de la présence, dans cette chambre, du génie. Un classique, pour  moi, jusque-là, c’était un défunt illustre …par un miracle inouï, ce classique respirait, remuait, riait… Il venait à moi pour s’assurer, par-delà ses proches et presque à l’insu de ses anciens amis, de l’adhésion des générations qui le suivraient ; et déjà, il me parlait comme à la postérité…

Une rencontre avec Paul Claudel en 1916.
Claudel ? Un énorme enfant qui avait les continents pour jouets ! …J’aurais voulu lui crier mon admiration. Ses façons bourrues m’en empêchèrent. Ses mots secs, précis, maussades avaient l’air de claques.

Une amitié de toute une vie avec Giraudoux.
Giraudoux est un professeur qui n’a pas enseigné …mais à qui son génie a permis d’avoir pour public, non pas une classe, mais une génération, non pas la chaire du lycée de province auquel il était destiné, mais tous les esprits délicats de l’univers…Il n’a pas vu dans l’Université une prison mais une évasion. Il n’a pas demandé à l’Ecole Normale d’être un passe-partout mais une clé des champs.

L'auteur

Ecrivain, diplomate, académicien, Paul Morand (1888-1976) aura eu une vie à épisodes qui, en elle-même, tient du roman. Epoux de la princesse Soutzo, son antisémitisme et ses liens avec Vichy déchaîneront le mépris total du Général de Gaulle et ralentiront notablement sa carrière comme son entrée à l’Académie Française qui n’interviendra qu’en 1968. Voyageur infatigable, son esprit et son goût des voyages donneront à son écriture maintes occasions de donner le meilleur d’elle-même. 26 nouvelles, 11 romans, 21 essais et portraits d’écrivains et de personnages historiques, 32 récits de voyages et portraits de villes, 7 chroniques et 3 pièces de théâtre. L’homme pressé qu’il était n’a jamais perdu son temps et, chers lecteurs, vous devriez vous régaler.   

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