Quand je pense à l' Allemagne, la nuit. Mémoires d' un ambassadeur

Une vocation de diplomate au service du rapprochement des peuples. Une remarquable finesse d’analyse.
De
Claude Martin
Notre recommandation
4/5

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Thème

Les lectures studieuses de l' enfance nous accompagnent tout au long de la vie. Première balise, tôt franchie au collège pour Claude Martin, adolescent passionné et curieux, grâce à un cadeau offert par un père franciscain qui avait été déporté et assorti de ce  conseil fondateur : " prend ce livre, c' est l' Allemagne qu' il faut aimer. " ( les Enfants Jéromine, de Ernst Wiechert)

 Durant  son riche  parcours d' ambassadeur - le premier à être nommé à Berlin dans l' Allemagne réunifiée- Claude Martin n' aura de cesse ensuite, d'explorer, cerner, saisir cette âme allemande (Musik und Poesie) profonde et mystérieuse, si éloignée de la légèreté française...

  De ce pays voisin, il aura tout  parcouru - 1000 km  à vélo dans sa jeunesse -  tout exploré, les forêts et les fleuves, les villes et les campagnes, tout lu, les  grands classiques (dont Heinrich Heine qui donne ce très beau titre à son livre) et surtout rencontré des gens simples et des leaders politiques de premier plan.

 Soif de culture pour développer sa capacité d' aimer. 

 Puis, naissance d' une vocation : se battre, pour favoriser la coopération entre nos 

deux pays, rapprocher les peuples, bref, construire l' Europe. Dans les coulisses d' abord : simple " preneur de notes ", assis derrière le Président Valéry Giscard d' Estaing et le chancelier Helmut Schmidt, lors d' une rencontre qui allait créer, instituer les fameux Conseils européens (les sommets des hauts dirigeants) puis aux commandes de pilotage, dans toutes les grandes négociations (élargissements, réunification allemande etc), témoin aussi de ces crises qui ont fait vaciller le projet européen, mais attentif toujours, à ce décalage entre les attentes des citoyens et les chantiers des experts de la bulle européenne...

Points forts

Un style alerte, vivant, avec de nombreux croquis saisis sur le vif et une finesse d' analyse qui permet de comprendre le ressort profond des événements. 

 Une galerie de portraits, souvent bienveillants, surprenants, de ces  hommes et de ces femmes de pouvoir qui font l' histoire. (Mitterrand, Brandt, Chirac, Kohl, Thatcher, Merkel) 

 Enfin, de nombreuses révélations, y compris pour un ancien spécialiste des arcanes européennes. Ainsi ce jour où Paris et Berlin, après s' être longuement heurtés sur le poids respectif de leurs pays au sein des institutions européennes, vont donner à leurs diplomates une consigne commune: tuer dans l' oeuf un nouveau programme proposé par la commission européenne, car il  pourrait coûter trop cher  : Erasmus, la fameuse "auberge espagnole." L' un de nos  plus beaux succès européens, qui vient de souffler ses 36 bougies. Plus de 10 millions de citoyens européens ont déjà bénéficié de ces rencontres et échanges, par-delà les frontières.

Quelques réserves

 Très peu . Ou alors, quelques coups de griffes, parfois injustes, à l' égard de Helmut Kohl, ramené à une figure de politique provincial hypocrite. (son amour proclamé de la France ne convainc pas Claude Martin).

Certes, Kohl a beaucoup tergiversé avant de reconnaître finalement la frontière Oder - Neisse avec la Pologne. Ce cavalier seul, mené également lors des guerres yougoslaves (la reconnaissance unilatérale par Berlin de l' indépendance de la Slovénie et de la Croatie) a suscité des doutes et des rancœurs côté français, mais au regard de l' Histoire, l' homme restera comme le grand chancelier de la réunification allemande. Et sur ce sujet, la France n' a cessé de courir après les événements..

Encore un mot...

 La coopération franco - allemande n' est jamais un préacquis. Car les positions de négociations au départ, nous rappelle Claude Martin, sont souvent antagonistes. Les intérêts, les cultures politiques et économiques, les premières approches divergent souvent. 

 L' élaboration du compromis, la recherche de l' entente, relève donc d' une construction politique, fruit du travail patient des diplomates. 

 A l' heure où le couple franco - allemand s' affronte durement sur le nucléaire, la défense ou le libre- échange, ces Mémoires font partie, pour les défenseurs du projet européen, du livre de chevet indispensable.

Une phrase

 [En Chine, avec Jean François Deniau:]

 " Je partage vos idées " me dit- il, tandis que nous marchions dans les jardins de l' Ambassade, " mais il n' y a rien à faire. Sur ce marché, c' est chacun pour soi. Alstom a racheté la part britannique des centrales pour que celles- ci soient purement françaises. Quant à l' Allemagne, ici, elle est notre ennemie. Et l' amitié de Giscard et de Schmidt n' empêchera pas Siemens de chercher à nous écraser.

 Devant la taille du gâteau, il n' y a plus d' Europe.” (p.284)

L'auteur

Ambassadeur de France en Chine puis en Allemagne, Claude Martin est l' un de nos grands spécialistes de la diplomatie internationale. 

 Le premier tome de ses mémoires publié sous le titre  La diplomatie n' est pas un dîner de gala : Mémoires d’un ambassadeur Paris-Pékin-Berlin (La Tour- d’Aigues, Nouvelles éditions de l’Aube, 2018) était particulièrement savoureux.

Commentaires

Catherine Krauss
mar 20/02/2024 - 10:57

Merci pour cette recommandation que je vais suivre avec bien du retard, un sujet qui m'est cher, auquel je travaille ! Beaucoup de bonnes librairies à Saint-Malo en espérant encore trouver ce livre..

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