Respire

Un souffle poétique inspiré par la vie qui va
De
Marielle Macé
Verdier
Parution le 24 août 2023
115 pages
8,50 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Soudain, notre cœur bat la chamade. On étouffe, on suffoque : instinctivement la main se porte vers la poitrine, puis en un éclair, le monde autour de nous se contracte, bascule avec la violence d' un pitbull propulsé dans un jeu de quilles. 

Ça va, il respire, les premiers mots ouatés, lointains du secouriste.

 Petit à petit , la lumière revient...

Profitons-en. Reprenons notre souffle. Ecoutons Marielle Macé, qui nous dit tout ce qui est irrespirable aujourd'hui : intoxication des paysages, des sols, de l' air et des forêts (“nos poumons cosmiques” écrit joliment l' auteure),  pollution des relations et du langage. Toutes nos vulnérabilités, avec, on le sait, ces failles béantes chez les pauvres et les travailleurs les plus exposés aux pesticides : farinose des boulangers (comme le père de l' auteure), silicose des mineurs, étouffement chez les soignants de nos hôpitaux, qui quémandent un peu d'air, une pause respiration, dans des emplois du temps inhumains. 

Et c' est bien de cela qu' il s' agit, nous rappelle Marielle Macé : il s’agit  du lien qui nous unit et nous désunit, d' une forme d' attention à la parole de l' autre, du vivant, pour tenter de devenir des "respirants." La parole vraie d' une mère, une parole un peu tremblée, chuchotée à l' oreille de son petit prématuré, enfermé dans sa couveuse, quelques mots qui suscitent le désir de vivre. L' enfant, écrit Marielle Macé, consent alors à la respiration. 

Face à l' urgence, il faut donc se réapproprier notre souffle, bâtir une écologie du souffle collectif. Un combat politique, éthique, poétique. Apprendre, comme dans les cultures asiatiques à regarder le monde autrement, là où brumes et brouillards ne sont plus des obstacles, mais des milliards de gouttelettes qui s' étirent comme dans un songe et deviennent la " respiration de la nature." Le tissu vivant de la planète. Il nous faut redécouvrir aussi dans nos grandes métropoles et appartements chauffés à blanc par les canicules, les vertus du courant d' air.

Points forts

C' est un livre de poésie et de colère. Une colère contenue mais saine, pure comme un ciel de traîne  au-dessus d' un champ de lavande. Poésie de combat face à  tout ce qui écrase l' homme (le cri de Georges Floyd sous le genou du policier: “I can' t breathe”), les animaux, la terre. 

Dans cette " guerre atmosphérique” (expression empruntée à Peter Sloterdijk) qui évoque le gaz utilisé pour la première fois en 1915  par l' armée allemande à Ypres, dans cette guerre moderne Marielle Macé (soignée à la Bourboule pour un asthme) ne rend pas les armes. Elle  ne cède rien. Ni sur l' urgence climatique , ni sur la langue. 

Elle écrit dans un jardin à Rome avec douceur et patience, attentive encore et encore, à la qualité de son  propre expire, petit filet d' air, qui la relie au monde et qui se nomme aussi la Littérature.

Quelques réserves

Aucune. Si vous êtes sensibles à l' éco-poésie, ce livre court et engagé mais très documenté vous enchantera...

Encore un mot...

Décidément Marielle Macé ne manque pas d' air. Inventer de nouvelles formes littéraires, loin des canons habituels de l' Université...Quel toupet!

Heureusement pour elle, elle possède la grâce...

Une phrase

“ Il y a quelque chose en effet, dans l' exercice de la parole, qui peut participer directement de la contamination ou du soin des milieux de vie: de leur respirabilité. La parole, exhalée et émise, fait ou défait la vie et les liens potentiels. La parole pleut, coule, éclabousse, percole, depuis et dans et vers le monde, pour le meilleur et pour le pire.” Pages 104

L'auteur

Ce livre constitue le troisième volet d' un triptyque qui débute avec Sidérer, Considérer (Verdier, 2017) poursuivi par Nos Cabanes (Verdier, 2019). Marielle Macé est  historienne de la littérature, directrice de recherche au CNRS. Son axe de travail mêle la poésie à une anthropologie plus large portant sur les environnements, les plantes et les animaux. 

En 2022, elle avait publié chez Biophilia  un essai sur l' effondrement de la biodiversité : Une Pluie d' Oiseaux, (notre chronique du 17 janvier 2023:)

 

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