Révolution impériale: L'Europe des Bonaparte, 1789-1815

Une histoire désenclavée de l’Europe impériale. Un livre original, riche et instructif, pour les passionnés d’Histoire
De
Vincent Haegele
Editions Passés Composés
Publié le 18 août 2021
496 pages
26 euros.
Notre recommandation
4/5

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Thème

On a coutume d’opposer la période de la Révolution à celle du Consulat et de l’Empire en ces termes : la Révolution est la prédominance du peuple, le Consulat et L’Empire sont la prédominance d’un seul homme. 

Cependant, Bonaparte, futur empereur, reprend à son compte les codes de la Révolution, notamment ceux de l'internationalisation de la Révolution en Europe et la diffusion de ses idées. En créant un empire et en installant des membres de sa famille à la tête des puissances européennes, Napoléon 1er peut apparaître, au contraire, comme un héritier de la Révolution. Ses opposants verront d’ailleurs, dans l’expansion napoléonienne, l’expansion révolutionnaire.

Le coup d’Etat du 18 brumaire n’est pas une rupture chronologique si nette qu’on pourrait le penser. Il s’agit plutôt d’une continuité, notamment dans la définition d’une identité européenne, laquelle se retrouve peut-être également dans les origines corses de Napoléon ou, plus profondément encore, dans l’héritage carolingien de l’Europe, dont le souvenir est très vivace, aujourd’hui encore, en Allemagne. Car, s’il ne faut pas réduire l’Europe impériale à un homme, il faut également la penser en faisant référence à l’identité particulière des pays qui la forment.

Points forts

  • Ce texte extrêmement précis donne une lecture originale de l’histoire, toujours en profondeur et dans le détail. L’auteur rappelle par exemple le rôle historique de la querelle janséniste dans l’opposition des parlements au pouvoir monarchique. Il donne des détails sur la vie du père de Napoléon, Charles, séduit par les idées de Pasquale Paoli, et qui exercera un nombre incalculable de fonctions. On en apprend également sur la mystérieuse personnalité du tsar Paul 1er, ou sur le rôle des philosophes, conseillers des souverains. La république de Venise, la paix d’Amiens avec l’Angleterre en 1802, les révolutions de palais à Stockholm et à Madrid, le royaume de Naples et les dissimulations de Murat, l’histoire de l’Europe est ici parcourue, pays par pays, avec une grande agilité.
  • La construction du livre, chronologique, apparemment classique, est pourtant surprenante. Les digressions y sont nombreuses. On apprend, par exemple, au détour d’un chapitre, le goût de Bonaparte, alors Consul de France, pour la poésie, les jeux d’ombres et “la musique mélancolique et monotone de Paisiello”. La dernière partie du livre propose une comparaison de Napoléon et Charlemagne, que Napoléon semble imposer lui-même et qui revient sous forme de clins d'œil au fil du texte. Avec cet essai, l’auteur fait voyager le lecteur sans doute beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait imaginé.
  • Ce livre a le mérite, aussi, de bousculer quelques certitudes, et de “désenclaver”, si l’on peut dire, l’histoire telle qu’on l’apprend. Il rappelle que l’homme perçu comme unique est inséparable d’un “système de famille” qu’il crée, mais dont il est aussi le produit. En outre, la parole est ici, en quelque sorte, donnée à chaque pays d’Europe, à sa complexité, rappelant les influences successives des penseurs, la popularité vacillante des chefs de guerre, les luttes internes et les affections réelles des souverains ou conquérants étrangers pour le peuple dont ils héritent. Ce souci de la nuance et de la mise en perspective fait de ce texte un travail précieux et rappelle que les livres d’histoire sont aussi de formidables outils de réflexion.

Quelques réserves

Le livre, long de près de cinq-cents pages, pourra probablement décourager plus d’un lecteur. Si sa qualité ne fait aucun doute, il faut une solide concentration pour le lire et du temps devant soi.

Encore un mot...

Un livre original, riche et instructif, pour les passionnés d’histoire.

Une phrase

« Les mois qui précèdent le coup d’État du général Bonaparte, à la fin de l’année 1799, sont décisifs pour l’histoire européenne : c’est à cet instant que se joue la forme politique future du continent. La reprise des hostilités, avant même l’incident de Rastatt, laissait en effet supposer une guerre plus violente, plus destructrice, voire plus totale encore que les précédentes, car la Russie a décidé de renoncer à jouer les observateurs et d’entrer dans le jeu. Telle est la volonté de son nouveau et imprévisible souverain, Paul Ier. 

À bien des égards, le tsar Paul est demeuré une énigme, tant son instabilité mentale a pu faire l’objet des supputations les plus diverses, des plus vérifiées au plus exagérées. Longtemps relégué dans l’ombre de sa mère, la puissante Catherine II, Paul rêve d’un destin à la mesure de ce qu’il est, c’est-à-dire le maître incontesté d’un immense empire dont l’expansion et la richesse se sont subitement accrues au cours des décennies précédentes. Contestée, Catherine II n’en a pas moins été un chef d’État énergique et visionnaire, et c’est peut-être ce qui explique la politique erratique de son fils : comment se démarquer d’une telle tutelle, tout en poursuivant l’œuvre ébauchée ?». p. 181.

L'auteur

Né en 1982, Vincent Haegele a été élève de l’Ecole des Chartes. Il est aussi Docteur en histoire contemporaine de la Sorbonne. Violoniste, altiste et compositeur, il a également publié une biographie de Bernard Herrmann, à qui l’on doit notamment de célèbres bandes originales de films de Hitchcock. Vincent Haegele est actuellement directeur des bibliothèques de la ville de Versailles où il organise régulièrement des conférences, des expositions ou des lectures. Il a publié plusieurs livres d’histoire consacrés à la famille de Napoléon, dont une correspondance commentée de Napoléon et de son frère Joseph en 2007, Napoléon et Joseph Bonaparte : le pouvoir et l’ambition aux éditions Tallandier (Prix Premier Empire 2010) ou encore Murat, la solitude du cavalier, aux éditions Perrin en 2015.

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