Savoir ou périr

« La curiosité est une plante extrêmement fragile qui réclame surtout de la liberté. » Albert Einstein
De
Bernard Lahire
Le Seuil-Libelle
Publication en Août 2025
96 pages
6,5 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

Compétition entre les élèves, entre les universités, entre les pays, la science, et plus particulièrement la recherche scientifique se voit imposer la performance, la publication, le "ranking" pour tirer vers le haut des classements les institutions et les Etats. Dans cet essai, le sociologue Bernard Lahire dénonce cette dérive, qui selon son analyse appauvrit le champ des découvertes possibles en enfermant étudiants et chercheurs dans la recherche d'une performance qui n'est pas la vocation de la recherche scientifique.

Car pour "trouver", il faut se perdre, il faut du temps, du recul et des moyens dont l'allocation dépend de plus en plus de cette course à la "publication". Savoir ou périr est un plaidoyer pour une refonte de l'enseignement, avec pour objectif de donner plus de temps à la créativité des élèves, moins au bachotage, plus à la curiosité qu'à l'orientation vers des voies déclarées "rentables ou profitables".

Points forts

  • Bernard Lahire appuie son raisonnement, outre sur son expérience, sur les théories et  les observations de savants et de chercheurs dont la hauteur de vue peut difficilement être contestée : le sociologue Norbert Elias, l'historien Marc Bloch, le mathématicien Alexandre Grothendieck, les savants Albert Einstein et Marie Curie - liste non exhaustive de ces savants largement cités.

  • L’analyse du système scolaire et universitaire est percutante, dans la démonstration du peu de temps laissé à l'assimilation des connaissances, à l'expérimentation, une pratique "déconnectée du réel" et visant à l'obtention d'un diplôme plus que d'un savoir.

  • Très facile à lire, court, l'essai est aussi émaillé d'exemples concrets, dont la réduction récente du temps des thèses à 3 ou 4 ans illustre bien le dilemme entre recherche "créative" et "rentabilité" du temps du chercheur.

Quelques réserves

Pas de réserve pour cette "harangue" qui se lit vite et facilement, dans une petite collection Libelle ouverte à l'argumentation sur des sujets polémiques.

Encore un mot...

Voici un petit essai intéressant par son esprit et dans l'air du temps quand la recherche scientifique est sommée d'être "rentable" ou orientée selon les opinions politiques dominantes ! Faut-il privilégier un chercheur qui trouve par rapport à un chercheur qui cherche ? La question n'est ni simple ni nouvelle. Elle s'inscrit aujourd'hui dans le contexte d'une course à la rentabilité (des établissements scolaires, des universités, des Instituts) et à la pression des classements, que l'administration américaine brandit aujourd'hui pour reconsidérer ses financements.

Au-delà de l'aspect politique conjoncturel de la question, Bernard Lahire attire utilement notre attention sur les mécanismes qui encouragent ou qui freinent la créativité, de l'élève à l'école au chercheur universitaire. A le lire, l'accumulation des savoirs et le diktat des publications ("publish or perish") a pris le pas sur ces chemins de traverse que pourraient suivre des chercheurs plus libres et mieux formés, plus ouverts à "l'état réel du monde" qu'aux impératifs de rentabilité. Conserver à la recherche les moyens "d'inventer des voies et des moyens de comprendre le réel" (P 11), c’est, nous dit Lahire, préserver le propre de l'homme.

Une phrase

  • « Piloter l'institution scolaire à partir de l'objectif d'évaluation des élèves, c'est lui ôter sa raison d'être et la vider de sa substance et de son sens.
    C'est aussi détruire le désir de savoir des élèves qu'il s'agirait au contraire de préserver et d'alimenter le plus longtemps possible, comme un feu très précieux." P37

  • "Les «bons chercheurs» sont ceux qui parviennent à résister aux forces de dispersion internes ou externes au milieu académique, aux sollicitations extra-académiques comme aux demandes académiques contre-productives, aux modes scientifiques du moment, aux autorités et aux consensus établis qu'ils pensent discutables, aux injonctions à regarder seulement là où tout le monde dit de regarder ou à ne pas regarder dans certaines directions, aux tentatives plus ou moins explicites de découragement ou d'intimidation, à l'enfermement dans une spécialité ou une discipline, et, enfin, à la tentation de vouloir plaire à tout le monde, séduire un auditoire, un comité de rédaction ou un jury." P 71 et 72

L'auteur

Bernard Lahire est un sociologue très investi dans la compréhension et la transmission des savoirs. Directeur de recherche au CNRS, membre du Centre Max Weber/ENS de Lyon, membre de l'Institut universitaire de France, et fondateur du Groupe Edgar Theonick, il  est l'auteur de nombreux ouvrages, dont L'Homme pluriel. Les ressorts de l’action (Nathan, 1998), La Culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi (La Découverte, 2004), Enfances de classes. De l'inégalité parmi les enfants (Seuil, 2019), Les Structures fondamentales des sociétés humaines (La Découverte, 2023), Vers une science sociale du vivant (La Découverte, 2025).

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