Stalingrad : Le tournant de la guerre

Une description exhaustive de l’origine et du déroulement de la bataille de Stalingrad
De
François Kersaudy
Perrin
Parution le 26 janvier 2023
177 pages
22 €
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Thème

Après la contre-attaque victorieuse de Joukov en décembre 1941, la pression sur Moscou a été desserrée et le front stabilisé. Plusieurs défaites soviétiques au printemps 1942, dans lesquelles la responsabilité de Staline est écrasante, ont fortement dégradé la situation. Anticipant une débâcle de l’Armée Rouge, Hitler lança fin juin 1942 l’exécution du Plan Bleu, conçu par son état-major trois mois plus tôt, mais remanié par lui-même. Ce plan comportait l’ouverture de deux fronts, dont la simultanéité était une innovation dangereuse d’Hitler. Un premier groupe d’armées B  se dirigeait à l’Est vers le Don et la Volga pour couper l’approvisionnement fluvial et ferroviaire de Moscou. Stalingrad, ville industrielle la plus importante de la région, 1 million d’habitants avec les réfugiés, située à l’endroit où le Don et la Volga n’étaient distants que de 20km, devait être neutralisée. Un deuxième groupe d’armées A se dirigeait vers le Sud-Est afin de prendre le contrôle du pétrole du Caucase. L’efficacité du plan était affaiblie dès le départ par des transferts irrationnels de troupes du Nord au Sud et de l’Est vers l’Ouest décidés personnellement par Hitler.

La VIème armée du groupe d’armées B, commandée par le général Paulus, était chargée de prendre le contrôle de Stalingrad 500 km à l’Est. Paulus mit deux mois pour atteindre son objectif fin août et détruisit la ville en quelques jours, ce qui réduisit à néant sa valeur stratégique. Sa prise rapide semblait inéluctable. Staline et son état-major, qui anticipaient une offensive  sur Moscou, ont été complètement surpris par le Plan Bleu. La première réaction de Staline fut de nommer deux généraux très compétents pour défendre Stalingrad, Iemenenko début août et Tchouikov mi-septembre avec l’instruction de défendre la ville à tout prix. Au moment où la situation semblait désespérée, Staline eut l’intelligence d’approuver en septembre le plan hardi d’une contre-offensive conçue par Joukov et Vassilievski. Ce Plan Uranus devait être mis en application en novembre, quand les hommes et le matériel nécessaires seraient disponibles, sous la forme d’une prise en tenaille de Stalingrad par le Nord-Ouest et le Sud-Est.

Paulus s’épuisa pendant près de trois mois à prendre la ville, sans jamais dépasser 90%, au prix d’énormes pertes de part et d’autre. Uranus fut déclenché comme prévu le 19 novembre, dirigé par les brillants généraux Vatoutine et Rokossovski. Le piège se referma en quelques jours. Paulus se trouvait enfermé avec 270.000 hommes dans une poche de 30 sur 60 km. Il était impossible de ravitailler autant d’hommes par avion, en dépit des rodomontades de Goering. Une tentative de soutien de Von Manstein par le Sud échoua. A cours de munitions et de vivres, dans un froid extrême, le sort de la VIème armée était scellé. La reddition inévitable de Paulus eut lieu le 31 janvier, après qu’Hitler l’eut nommé Maréchal la veille afin de l’inciter sans succès à se suicider.

Points forts

François Kersaudy fait preuve d’une érudition exceptionnelle sur la dimension militaire du contexte  de Stalingrad et de la bataille elle-même. La présentation synthétique permet au lecteur non spécialiste d’avoir accès à certains éléments qui relèveraient presque de l’enseignement de l’Ecole de Guerre. La stratégie sous-jacente des combats et les enchaînements sont expliqués avec brio.

Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’il est obtenu dans un livre court et dense de 177 pages dont un tiers environ est occupé par l’iconographie. S’agissant de la forme, les cartes en couleur appuient magnifiquement le déroulement des opérations militaires. L’iconographie est toujours sobre et pertinente. La biographie des principaux généraux, sous la forme d'encarts, est bienvenue : Halder, Paulus et Von Manstein pour les Allemands ; Joukov, Iemenenko, Tchouikov, Vatoutine et Rokossowski pour les Soviétiques.

Quelques réserves

Un livre de cette qualité n’appelle que des nuances. L’accumulation de la description exhaustive des différents mouvements des armées pourrait peut-être tout au plus entraîner une certaine lassitude chez les lecteurs non spécialistes

Encore un mot...

Le livre démontre en creux que, dans les régimes autoritaires, les dictateurs se prennent à tort pour de grands stratèges militaires. Staline, par intermittence, mais à des moments décisifs, a eu l’intelligence de suivre les conseils stratégiques de ses grands généraux et de nommer des généraux jeunes et très compétents. A l’opposé Hitler a souvent saccagé les plans de son état-major et est intervenu de manière erratique dans leur exécution. Ainsi le Plan Bleu, à l’origine plutôt bien conçu, a sombré dans la confusion hitlérienne.

Une autre caractéristique des dictateurs est le peu de crédit qu’ils accordent à la vie humaine. Ainsi  Staline et Hitler ont accepté des dizaines, voire des centaines de milliers de morts à Stalingrad, le premier au nom d’un objectif stratégique incertain, le second pour la satisfaction de sa mégalomanie, alors qu’il aurait pu accepter le retrait de Stalingrad jusqu’à début novembre, avec des pertes et des conséquences stratégiques nettement moindres. Sur l’ensemble des six mois de batailles entre Don et Volga l’auteur évalue les pertes (morts, disparus, blessés, prisonniers) à 760.000 pour la Wehrmacht et 1,8 million pour l’Armée Rouge.

Enfin les dictateurs pèchent généralement par excès d’optimisme et de sous-estimation de leurs adversaires, leçons valables pour les dictateurs et les conflits d’aujourd’hui.

Une phrase

  • « Ainsi, des deux côtés de la ligne de front, la stratégie est dominée par un seul homme, ce qui explique à la fois les erreurs passées et les désastres à venir. » page 21
  • « Pourtant, ce bombardement de 13 jours [du 24 août au 6 septembre 1942] est pour les Allemands aussi inutile que nuisible, car la plupart des troupes soviétiques sont encore à l’extérieur de Stalingrad, et rien n’est plus difficile qu’à conquérir une ville en ruine. » page 51
  • « …les soldats allemands ont surnommé Stalingrad le hachoir à viande. » page 107
  • « Stalingrad est la première défaite majeure de l’armée allemande : l’échec devant Moscou à la fin de 1941 pouvait encore passer pour une retraite stratégique, mais l’écrasement d’une armée entière, avec sa fin lamentable filmée par la propagande soviétique, n’est rien d’autre qu’un désastre complet. » page 167
  • « Enfin et surtout, le glorieux épisode de Stalingrad va considérablement accroître le prestige de Staline auprès de ses alliés occidentaux. » page 170

L'auteur

François Kersaudy est un historien chevronné, docteur en histoire. Polyglotte, il parle neuf langues. Spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, en particulier Churchill et de Gaulle. Il est directeur de la collection « Maîtres de guerre » chez Perrin dans laquelle il a couvert Hitler, Staline, Mac Arthur, de Gaulle et Goering. Il a également écrit les biographies de Churchill et de Lord Mountbatten pour lesquelles il a été primé, ainsi que d'autres livres sur de Gaulle et Churchill.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir

Essais
Suite orphique
De
François Cheng, de l’Académie française postface de Daniel-Henri Pageaux