SUCCESSIONS, L’ARGENT, LE SANG ET LES LARMES

Les héritiers des grandes familles du CAC 40… Un gentil feuilleton avec de menues confidences : plats en sauce plutôt que grande cuisine !
De
Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider
Éditions Albin Michel
Octobre 2022
238 p. 20.90€
Notre recommandation
2/5

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Thème

« Argent, sang, larmes » même dans le désordre, ça sent fort à l’étalage, au 2ème étage des nouveautés de mon libraire, juste au-dessus de celui des vanités du bien-être.

Bien rédigé -on est chez des professionnelles, pas chez Balzac- le titre flambeur, doré sur fond blanc, renvoie derechef à la quatrième de couverture pour prendre la mesure d’un thriller en version CAC 40 : « récit haletant, dossiers explosifs, deux journalistes réputées », pour un sujet essentiel, grands reporters (au masculin) mais néanmoins autrices (au féminin) de nombreux livres et issues du grand « Monde ».

« Pour la première fois », nous dit-on,  on va en 238 pages nous mener loin sur la vraie nature du pouvoir en France. Suit une énumération des familles sous enquête : Bolloré, Arnault, Seydoux, Pinault, Lagardère, Hermès, Decaux, Mulliez, Peugeot, Gallimard et Bettencourt. Des fortunes bien de chez nous vont enfin avouer leurs secrets.

Points forts

Dans cette enquête propre sur elle, une succession d’entrepreneurs exceptionnels ou d’héritier(e)s nanti(e)s se succèdent à la barre. Elle fait émerger quelques mots-clés : l’éducation, le culte du fondateur - le père ou le grand-père -, la loyauté au clan, l’exigence, le travail acharné, l’obsession du business et du métier, la discrétion, la gagne, l’esprit de famille, un rapport plutôt sain à l’argent mis à disposition des héritiers, un certain culte du secret, … Voilà, tout y est. Recueillies en sources ouvertes, dans les archives journalistiques enrichies de rares et modestes confidences, -celles qui font le seul intérêt du livre-, de propos sans calcul, quelques indiscrétions ou anecdotes sans croustillant. Ces secrets sans relief ni originalité se répètent à chaque chapitre mais il y en a pour tous les modes de vie et pour tous les styles. Au bilan, excepté Lagardère junior et son naufrage, ces héritiers font de leur mieux mais la barre est haute voire inaccessible. Seul l’avenir écrira, a posteriori, si la succession a été réussie.

Quelques réserves

Le ton est un brin condescendant surtout vis-à-vis des rares provinciaux qui s’obstinent en province, les territoires du Nord ou l’Est. Avec un peu de pitié pour ces modèles familiaux désuets en survie ; un zeste de charité clairsemée pour ne pas désespérer la Villa Montmorency ; de la curiosité : après tout, il faut de tout pour faire un monde, même celui des grandes affaires.

Au passage, on oublie un peu vite que ces grosses fortunes n’ont pas que des défauts. Quand les soutiens publics ne suffisent plus, pour acheter les titres de la presse, garantir la pluralité de leurs opinions, les renflouer et entretenir le train de vie d’intellectuelles nettement plus éclairées que ces vies patronales à sens unique, aussi opulentes que fatigantes et même monotones. Maintenir des centaines de milliers de salaires à chaque fin de mois pour ceux qui en ont besoin exige, en effet, un peu de routine et de continuité.

Encore un mot...

Le sujet des successions du CAC 40 méritait d’être traité : c’est fait. Là où l’écrivain anglo-saxon se passionne pour ses héros, analyse en profondeur ses succès et ses failles, le rapport français au monde des affaires inhibe, cantonne à l’écart, à la surface des choses, dans le quant à soi idéologique ; dommage ! Et puis, les politiques ont beau être décevants et inconsistants, au moins ils entretiennent le bruit de l’actualité. Et pour ce type de littérature consommable, les apartés, les anecdotes et les trahisons en coulisse offrent une comédie humaine bien plus nourrissante.

Une phrase

“ Le grand patron n’avait jamais envisagé de succession autre que dynastique (p. 46).

« Mon père est une machine de guerre » (p. 57).

“Même les riches ont besoin de travailler, ne serait-ce que pour y trouver une raison sociale” (p. 97).

« Ils sont à la fois catholiques, communistes et aussi très claniques » (p. 126)

L'auteur

Grands reporters au Monde, Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider totalisent à elles deux dix-neuf titres publiés ; plus politiques pour la première : Chirac ou le démon du pouvoir L’enfer de Matignon, Richie ; plus littéraires pour la seconde : La mère de ma mère, Le jour où tu m’as quittée, La fille de Deauville.

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